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Coupe du Monde - Martin Fourcade, un géant en reconquête

Julien Chesnais

Mis à jour 29/11/2019 à 22:24 GMT+1

COUPE DU MONDE - Décidé à retrouver son trône après son dernier hiver cauchemardesque, Martin Fourcade peut s’appuyer sur sa victoire à Sjusjoen, lors des sélections norvégiennes, pour entamer la saison avec un minimum de confiance, samedi à Östersund. Vincent Vittoz, l’entraîneur des Bleus, nous a décrypté ce qui a changé cet été pour tenter de ramener le Catalan au sommet.

Martin Fourcade

Crédit: Getty Images

C’était le 17 novembre, à Sjusjoen. Les deux avant-bras levés, index et majeur pointés vers le ciel, Martin Fourcade regoûte à la victoire au prix d’une mass-start parfaitement maîtrisée. Ce n’est pas une coupe du monde, seulement les sélections norvégiennes, mais le Français, sans entrer non plus dans une joie extatique, savoure comme il se doit ce succès qui ne pouvait pas mieux lancer sa saison. La meute des Norvégiens, Johannes Boe en tête, est battue. Les Allemands aussi. Et son avance s’est avéré suffisamment confortable pour profiter des derniers mètres. Comme à la bonne époque se dit peut-être Fourcade, “heureux” de boucler ainsi sa préparation après un dernier hiver si loin de ses standards.
Ce fut la grande sensation de la saison dernière : le septuple vainqueur de la coupe du monde n’a été que l’ombre de lui-même en ne remportant que deux victoires. Et il n’a pas su sauver la mise lors de Mondiaux conclus sans médaille, une première depuis 2009. Autre statistique pour enfoncer le clou : Fourcade a signé 14 courses de rang sans victoire (ni podium), série toujours en cours avant l’ouverture de la coupe du monde, samedi à Östersund.

Fin de règne ou simple parenthèse ?

Cet hiver de la désolation succédait à une saison record, marquée par une exceptionnelle régularité en coupe du monde (20 podiums sur 21 courses, dont 9 victoires) et trois nouveaux titres olympiques qui l’ont hissé au rang de Français le plus titré de l’histoire des Jeux. La chute fut donc brutale. Et elle nous laissait devant cette question : s’agissait-il de la fin d’un règne, au profit d’un successeur nommé Johannes Boe, ou bien d’une simple “parenthèse” comme l'espérait alors Fourcade, en mars dernier ?
À n’en pas douter, c’est un débat qui fera le sel de l’hiver qui s’apprête à débuter, ou tout du moins de son entame. Et si le feuilleton n’a pas encore débuté, le week-end de Sjusjoen, marqué aussi par une 3e place au sprint du Catalan, est du genre à alimenter l’espoir de son retour au premier plan. “La saison dernière, j’avais l’impression d’être un homme nu au milieu d’un champ de guerre, sans les armes pour me défendre, imageait Fourcade auprès de Ski Chrono, à l’issue de sa victoire à Sjusjoen. Là, je n’ai pas encore toutes les armes les plus affûtées mais j’ai quelques munitions. Je suis content d’être de retour au meilleur niveau. C’est déjà une fierté.” Il en avait besoin, ça lui prouve qu’il est toujours présent, qu’il est capable de gagner des courses, nous a confié Vincent Vittoz, l’entraîneur de l’équipe de France , il y a quelques jours. Ces courses lui ont fait du bien.
Si aucun objectif de résultat n’était (officiellement) fixé, l’envie de se rassurer en Norvège était forte pour Fourcade. Plutôt que d’accumuler les charges de travail à outrance (les Bleus étaient alors en stage), il avait été décidé d’aménager son planning de manière à ce qu’il puisse être suffisamment frais pour briller sur les deux courses. Et ainsi engranger un maximum de confiance. Le pari a été gagnant. Lors de la mass-start, Fourcade a retrouvé un visage qu’on lui connaissait : une attitude de patron (il a pris soin d’aborder en tête le premier tir, devant Johannes Boe), un tir engagé et globalement réussi (18/20) et un niveau de ski suffisant pour mettre la balle au fond. En somme, un test très concluant.
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Martin Fourcade, 6e du sprint des Mondiaux d'Östersund, le 9 mars 2019

Crédit: Getty Images

Deux mois de coupure pour éradiquer son petit burn-out sportif

Après avoir mis fin prématurément à sa saison, le 17 mars à l’issue de la mass-start des Mondiaux (24e), Fourcade, qui se disait alors victime “d’un petit burn-out sportif”, avait quand même fait le déplacement à Oslo, lieu de la dernière étape de l’hiver dont il a fait l’impasse, pour faire le bilan avec son staff. Loin de l’idée de mettre fin à sa carrière, le Catalan a alors choisi l’option d’un long break pour recharger les batteries et repartir du bon pied. Deux mois de coupure au lieu des trois semaines habituelles.
Son corps en avait réellement besoin, explique Vincent Vittoz. Il a pris deux mois où on l’a laissé tranquille, sans chercher à le joindre. Il a vraiment fait ce qu’il voulait, avec beaucoup de repos. S’il avait envie de s’aérer, il y allait, mais sans entraînement particulier et précis. Et à partir du 20 mai, on a commencé à mettre en place un programme d'entraînement de reprise, en étant pleinement intégré au groupe de l’équipe de France. Au bout de trois semaines, physiquement, on l’a retrouvé tel qu’on le connaissait. ” Sur le plan moral, Vittoz évoque un Fourcade motivé à la reprise, mais avec “parfois des doutes aussi, car il n’a pas envie de revivre une saison comme il l’a vécu comme la semaine dernière.
Ensuite, hormis cette coupure bien importante qu’à l’accoutumée, la préparation de Fourcade est sensiblement resté la même. Par rapport à l’an dernier, il n’y a pas eu de chamboulement dans son approche. La méthode de Vittoz, arrivé au printemps 2018 à la tête des Bleus, avait malgré tout fait ses épreuves, la débâcle de Fourcade se juxtaposant à la forte progression des Quentin Fillon-Maillet (3e de la Coupe du Monde), Simon Desthieux (4e) et Antonin Guigonnat (11e).
Alors, avec une année de plus de vécu ensemble, pourquoi cela ne pourrait-il pas marcher, aussi, avec la légende vivante du biathlon ? “On a juste un tout petit peu aménagé son automne, avec des périodes de régénération un petit peu plus marquées, détaille le champion du monde de ski de fond 2005. Mais sinon, on a travaillé comme on l’avait fait l’année dernière, et de manière très proche de ce qu’il faisait les années précédentes.”

Un staff à la fois plus rassurant et directif

Plus que dans la planification, c’est dans la manière d’encadrer Fourcade que les choses ont semble-t-il le plus bougé. Désormais, Vittoz explique qu’il se veut à la fois plus “rassurant” et “directif” auprès du leader de l’équipe de France. “Avec le staff, et notamment Patrick (Favre, en charge du tir), on est certainement plus à même à répondre à ses attentes qu’il y a un an. C’était notre première année, on a appris à le connaître. On a peut-être commis certaines erreurs, en n’étant pas assez directif à certains moments. En tout cas, on arrive maintenant à mieux cerner ses attentes et ses besoins. L’histoire est différente.”
L’un des problèmes identifiés l’hiver dernier est le suivant : le Catalan avait tendance à trop en faire lors de certaines séances, à la fois pour se rassurer et montrer au nouvel encadrement qu’il demeurait le patron dans un contexte post-olympique, une débauche d’énergie qu’il a fini par payer une fois la saison arrivée.
Pour que l’erreur ne se reproduise pas, Vittoz explique que le staff s’est appliqué à “canaliser” Fourcade sur ses “allures d’entraînement”, quand il le fallait. “Là-dessus, il y a eu une prise de conscience de sa part et un discours aussi beaucoup plus marqué et directif de notre part. Le risque est qu’un athlète en perte de confiance veuille se jauger trop tôt et se servir des séances d'entraînement - qui n’ont pas de valeur si ce n’est le travail effectué - pour reprendre de la confiance et se jauger par rapport aux autres. Souvent c’est une erreur. Il faut être patient. Et c’est vrai que six mois de préparation, ça en demande énormément, de la patience”.
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Martin Fourcade

Crédit: Getty Images

La revanche d’Östersund ?

Il a beau avoir remporté 76 victoires en coupe du monde et détenir un palmarès de légende, Fourcade reste aussi un être humain soumis à des doutes et en besoin de soutien moral, quand nécessaire. Sur ce point aussi, Vittoz fait son autocritique et dit avoir appris. “Lorsqu’il a perdu confiance, on n’a peut-être pas assez utilisé de mots forts pour le rassurer. Parce qu’on ne le connaissait pas, et aussi parce que l’on se disait peut-être qu’un athlète ayant gagné sept fois le général et cinq titres olympiques avait assez de confiance en soi pour rebondir.”
Être plus directif et rassurant, voilà donc les ajustements effectués auprès de Fourcade, pour qui tous les feux semblent au vert avant l’entame de l’hiver. Néanmoins, souvenez-vous, tout semblait allait très bien aussi il y a un an. Fourcade avait gagné en ouverture l’individuel de Pokljuka, le 6 décembre, puis la poursuite d’Hochfilzen neuf jours plus tard, avant de sombrer.
Vittoz préfère donc rester prudent : “L’an dernier, tout allait bien déjà à cette époque. C’est plutôt courant décembre qu’un grain de sable s’est inséré dans le rouage, et que ça n’a plus fonctionné. Derrière, on n’avait pas réussi à inverser la tendance... On en saura donc un peu plus en décembre. Je reste convaincu qu’il est capable, comme à Sjusjoen, de faire des courses pleines. Après, il faudra voir comment il enchaîne les compétitions. L’année dernière était une année post-olympique, avec toutes ces contraintes. Il a, je pense, digéré ses médailles. En tout cas, on est tourné vers l’avant.
Le chemin de sa reconquête démarrera à Ostersund, samedi, où le Français doit prendre part au relais mixte (15h) avant d'enchaîner le lendemain avec un sprint. Le site suédois lui a beaucoup réussi par le passé (13 succès). Mais c’est également le lieu des derniers Mondiaux, là où il avait décidé de mettre un terme à son calvaire, en mars dernier. À lui de reprendre le fil de son histoire. Là-même où elle s’était amèrement arrêtée.
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Martin Fourcade en 2018 à Pokljuka

Crédit: Getty Images

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