Six questions sur la saison de biathlon 2023-24, de Johannes Boe à Julia Simon, en passant par Quentin Fillon Maillet

Menée depuis quelques saisons déjà, la chasse au fluor passe un cap. A la limite de l’embarras" : Interdiction du fluor, attention danger ? pourrait avoir des conséquences sur la hiérarchie, en termes de vitesse de déplacement. Et si la Norvège en profitait pour asseoir sa domination en la matière ? "C'estla nation à battre sur les skis (…) celle qui se trompe le moins", considère Quentin Fillon Maillet, alors que la présaison a renforcé la crainte d'une course à deux vitesses entre la patrouille norvégienne et le reste du monde.

Chez les hommes, surtout, cela pourrait tuer dans l'œuf un suspense déjà malmené la saison dernière. En 2022-23, Johannes Boe a été accompagné sur le podium du général par ses compatriotes Sturla Laegreid et Vetle Christiansen, mais il a été le seul à survoler la concurrence sur la piste. Le Suédois Martin Ponsiluoma faisant par exemple mieux que résister au reste de la sélection norvégienne en ski. Pourvu, pour l'intérêt de la compétition, que l'écart ne devienne pas colossal.

Meilleure adaptation ou non au nouveau règlement, il est fort probable que le Norvégien Johannes Boe trouve encore le chemin de la victoire, en cette saison 2023-24 qui débute ce week-end à Östersund. Avec 74 succès individuels, le tenant du gros globe de cristal est le troisième biathlète le plus prolifique de l'histoire. Ses deux cibles sont Martin Fourcade (83) et Ole Einar Bjoerndalen (95).

Le cadet des frères Boe a levé les bras dix-neuf fois en solo lors du précédent exercice et aura vingt-cinq occasions de le faire à nouveau. Rester derrière le Français serait pour lui synonyme d'un opus au mieux en demi-teinte. Doubler "OEB" relèverait d'un exercice faramineux, mais il serait à deux pas de lui s'il rééditait sa formidable saison 2022-23… durant laquelle il avait en prime déclaré forfait lors de deux courses.

Magistral en 2021-22, un gros globe de cristal et cinq médailles olympiques à la clef, Quentin Fillon Maillet a enchaîné avec une saison plus terne : aucun succès, et une huitième place dans la course au dossard jaune. Alors, quel "QFM" va-t-on voir en action cette fois ? Un temps perturbé durant son intersaison par une fatigue anormale, il se dit tout de même confiant quant à sa capacité à retrouver le haut du classement.

De là à détrôner Boe ? Cela semble compliqué. La réponse réside peut-être dans un entre-deux. On imagine volontiers Fillon Maillet gagner des courses et boucler l'exercice sur le podium du général, comme il l'a fait quatre fois de suite avant le couac de 2022-23. En revanche, il pourrait ne jamais retrouver la plénitude qui le caractérisait il y a deux saisons, quand il sa signé dix des seize victoires de sa carrière.

Elle est devenue la boss. Julia Simon débute la saison dans la peau de la femme à battre, au sein d'un circuit qui plus est déserté par les néo-retraitées Marte Olsbu Roeiseland, Denise Herrmann-Wick et Tiril Eckhoff. Dans un climat tricolore qui risque d'être très froid, sur fond de démêlés judiciaires, la Française de 27 ans a une marge de progression à exploiter pour conserver son bien. Son tir debout (85% de réussite) n'est pas au niveau de son couché (93%) et ses performances sur le format du sprint sont à améliorer.

Il serait cependant audacieux d'affirmer que tout dépendra de Simon. Dorothea Wierer (33 ans) n'a pas dit son dernier mot. Dauphine en 2022-23, l'Italienne a déjà remporté le classement général à deux reprises et a toujours en magasin des tirs façon Lucky Luke. Sa compatriote Lisa Vittozzi sera aussi à surveiller, tandis que les sœurs Hanna et Elvira Öberg ont une revanche à prendre après une saison moyenne. Le retour de Justine Braisaz-Bouchet, nouvellement mère, suscitera quant à lui de la curiosité.

Anamarija Lampic ne figure pas dans la liste précédente. Et pour cause : la Slovène de 28 ans est une biathlète en herbe. Fondeuse de talent – lauréate du globe du sprint en 2021 –, elle a décidé de se mettre au biathlon et sa première saison a montré l'étendue du travail qu'il lui restait à accomplir. Mais cet opus inaugural a aussi dévoilé des prémices intéressantes.

Lampic a pris la 5e place de deux sprints, lors de la dernière Coupe du monde, dont elle s'est imposée comme la meilleure skieuse. Sa domination sur la piste peut en faire une des actrices de la saison. Si, le temps d'une journée, les planètes et les cibles blanches s'alignent… bon courage pour la vaincre. En attendant qu'elle trouve de la régularité, voyons si ce jour de grâce se produit.

Tous les membres du Top 10 masculin de la saison 2022-23 ont 26 ans ou plus. Les deux suivants ? Niklas Hartweg et Tommaso Giacomel ont 23 ans. Ils pourraient bien se disputer cette fois encore le dossard bleu de meilleur jeune (U25). On se demande surtout si l'un des deux, au moins, peut franchir un palier, gagner une course – ils ont déjà goûté à la 2e place – et faire partie des cadors pour de bon.

L'Italien Giacomel est encore juste au tir (80%), alors qu'il parvient souvent à rivaliser avec les meilleurs sur la piste. Pour le Suisse Hartweg (90% de réussite face aux cibles), le déclic pourrait au contraire venir des skis. Le Français Eric Perrot (22 ans) a signé son premier podium en Coupe du monde la saison passée. Un cran en-dessous de ce duo, il peut espérer entrer dans la danse à moyen terme.