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JO Pékin 2022/Combiné Nordique : les combinaisons, un sujet brûlant pour les sauteurs

Vincent Roussel

Mis à jour 12/02/2022 à 10:18 GMT+1

JO PEKIN 2022 – A l’image du Français Antoine Gérard, disqualifié pour un trou dans sa combinaison lors du début de l’épreuve de combiné nordique, les sauteurs à ski sont, aux Jeux comme lors du reste de la saison, soumis à quelques sueurs froides, la réglementation autour des tenues étant particulièrement stricte dans cette discipline. Ce qui ne l’empêche pas d’être souvent contournée.

Bogataj Saut à ski Pékin 2022

Crédit: Getty Images

"Ça n’arrive jamais ce truc... Là, ça lui arrive aux JO et c’est dommage", la déception de Jason Lamy-Chappuis sur le plateau d’Eurosport en dit long sur l’épisode malheureux vécu, mercredi, par le Français Antoine Gérard, engagé dans l’épreuve de combiné nordique lors des Jeux de Pékin. Alors que son compatriote Mattéo Baud, lui, a parfaitement démarré, en arrivant à la 12e position en saut à ski (18e au final après l’épreuve de ski de fond, remportée par Vinzenz Geiger), Gérard a été disqualifié froidement par l’organisation, coupé dans son élan.
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Combinaison déchirée = éliminé : Lamy-Chappuis explique pourquoi Gérard a été disqualifié

La raison de sa disgrâce ? Un trou sur le côté droit de la combinaison du Français, au niveau de la hanche. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour les organisateurs de la compétition, et tous ceux qui ont officié, de près ou de loin, en saut ski, cela veut dire beaucoup. "Avec une combinaison décousue, on peut essayer de jouer sur les coutures et d’avoir une combinaison plus grande avec plus de portance", explique Lamy-Chappuis, champion olympique de combiné nordique au petit tremplin, lors des JO de Vancouver en 2010. Par portance, comprenez la force qui permet aux sauteurs à ski de voler plus longtemps, et donc plus loin.
La différence entre deux sauteurs peut aller jusqu’à cinq ou six mètres en fonction de la combinaison
Dans un sport très réglementé, la combinaison est sujette à de nombreux contrôles tout au long de la saison, et pour cause : "A niveau égal et dans des conditions similaires, la différence entre deux sauteurs peut aller jusqu’à cinq ou six mètres en fonction de la combinaison", expliquait ainsi à Franceinfo l’ancienne couturière des équipes de France de combiné nordique et de saut à ski, Caroline Espiau.
"Il y a des équipes qui passent beaucoup de temps à travailler sur le patron de la combinaison, parce qu’il est important d’avoir, non seulement la combinaison la plus grande possible, mais surtout une combinaison qui, une fois en l’air, est bien tendue", renchérit l'ancienne sauteuse tricolore Coline Mattel, consultante pour Eurosport. Avec, donc, quelques irrégularités. D’ailleurs, Antoine Gérard n’a pas été le premier à subir les foudres de l’organisation chinoise pour des histoires de tenues non conformes.
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La Japonaise Sara Takanashi s'excuse après sa disqualification au saut à ski

Lundi 7 février, lors du concours de saut à ski par équipes mixtes, dont c’était la première apparition aux Jeux d’hiver, cinq participantes, dont la favorite allemande Katharina Althaus, ont été disqualifiées pour avoir porté des combinaisons jugées trop amples. Pour Mattel, médaillée de bronze à Sotchi en saut à ski, "c’est un signal fort, qui dit qu’on va arrêter de se foutre de la gueule du monde. Même si c’est horrible de voir de telles championnes être disqualifiées, et d’avoir un podium olympique qui, du coup, est un peu biaisé".
Cette péripétie d’une ampleur inédite aux JO, fait pourtant partie du quotidien des sauteurs, comme le racontait Christian Hoffelinck, l’entraîneur national de saut à ski au sein de la Fédération Française de Ski (FFS), toujours à Franceinfo : "Tous les deux, trois ans, la Fédération internationales de ski (FIS) effectue plusieurs mesures sur chaque athlète : la taille, le poids, la pointure et la distance entre le sol et l'entrejambe".
C’est généralement sur cette dernière mesure que les irrégularités sont les plus nombreuses. Habitués à passer un contrôle avant ou après chaque saut, les athlètes sont, parfois, rattrapés par la patrouille : "Si en haut du tremplin, la longueur est inférieure à celle mesurée en début de saison, c’est qu’il y a plus de tissu que normalement et donc plus de portance, ce qui est un avantage pour le skieur", décrypte Espiau. Des inspections, les sauteurs à ski en subissent de manière aléatoire, avec la volonté, de la part de la Fédération Internationale de Ski (FIS), de se montrer intransigeante. Même si, bien souvent, les grandes nations sont épargnées, comme l'explique Coline Mattel : "Les filles qui sont sur le podium ne sont pas toujours contrôlées avec rigueur, parce que, dans des pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Norvège, ou le saut à ski est très médiatisé et avec des sponsors, ça la fout mal de sanctionner une athlète qu’on a vu sauter de joie, et de modifier un résultat".
Cette obsession variable du détail, qui peut donc faire une différence énorme une fois lancé dans les airs, va même jusqu’à l’inspection de la perméabilité du tissu (le nombre de litre d’air que laisse passer la combinaison), "qui ne doit pas être inférieure à 40 litres par cm²", dixit Hoffelinck. Mais, pour Mattel, les règles de la FIS, aussi "basées sur l’appréciation" des contrôleurs, est justement trop floue : "Déjà, à mon époque, on disait que les Allemandes avaient des combinaisons très grandes. Comme tout le monde, on essaye d’être à la limite, et comme elle n’est pas très bien définie, au bout d’un moment, on se retrouve avec ce genre de situations".
Les épreuves de saut à ski ont en effet leur lot de polémiques : fin 2020, c’est, l’entraîneur des Finlandais, Petter Kukkonen, qui a créé la stupeur en révélant que son équipe rembourrait ses sous-vêtements avec des gants et des éponges pour étendre ses combinaisons et donc voler plus loin. Sans aller jusque-là, d’autres athlètes expliquent aussi que, lors des contrôles, on n’hésite pas à… gonfler le ventre, pour éviter toute sanction. Mattel confirme que pour tout sauteur, au moment du contrôle, "on essaye de trouver la posture qui va le moins susciter le doute".
Tout le monde joue constamment avec la limite autorisée. Il n’y a pas beaucoup de combinaisons qui se plient au règlement
Peu après, c’est le quadruple champion du monde norvégien Jarl Magnus Riiber qui est pointé du doigt. Une vidéo publiée sur le site du quotidien finlandais Iltalehti, accompagnée d’un article au vitriol, accuse ce dernier d’étirer sa combinaison avant de s’élancer du tremplin, pour gagner des mètres et donc des places au classement. Lasse Ottesen, un des responsables de la discipline au sein de la Fédération Internationale de Ski, éteint rapidement l’incendie : "Il est tout à fait légal d’étirer le costume, comme le fait Riiber dans la vidéo".
Ce qui n’a pas empêché le Norvégien de se faire tailler un costard. Et d’être pointé du doigt injustement d’ailleurs puisque, alors que Kukkonen avait de son côté affirmé que sa pratique du rembourrage était répandue, Christian Hoffelinck explique lui aussi que "tout le monde joue constamment avec la limite autorisée. Il n’y a pas beaucoup de combinaisons qui se plient au règlement. Lors des contrôles, cela peut être quitte ou double".
Loin de toutes ces polémiques, Antoine Gérard, lui, a donc été plutôt victime de malchance. Mais il est loin d’être abattu après cette mésaventure. "Je vais me remobiliser, parce qu’il y a encore plein de choses à faire", promettait le skieur de 26 ans, qui devrait vérifier minutieusement chacune de ses coutures avant de s’élancer pour l’épreuve sur grand tremplin, mardi 15 février.
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