Zingle raconte son échappée avec Pogacar : "Ça a un côté un peu démoralisant"

AMSTEL GOLD RACE - Dixième et premier Français de la classique néerlandaise, Axel Zingle a longtemps accompagné Tadej Pogacar dans l’échappée des costauds. Avant de prendre son vol à Bruxelles "pour rentrer à la maison" et débuter sa coupure, le puncheur de Cofidis nous a raconté la course de l’intérieur en évoquant la domination imposée par le Slovène, ce dimanche et ces derniers temps.

"L'UCI doit faire quelque chose" : Pogacar a été abrité par une voiture de l'organisation

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Comment s'est détachée cette échappée de costauds vers 90km de l’arrivée ?
Axel Zingle : Ça s'est fait dans un mont, je n’ai plus le nom en tête. J’étais placé devant car je savais que ça risquait d'anticiper et de partir de loin. On a vu que ça avait couru comme ça au Tour des Flandres. J’avais couru à contre-temps et ça m’aurait embêté de me faire à nouveau piéger (38e). Et aujourd'hui, c'était un peu un Tour des Flandres sans pavé. Je me doutais que le scénario allait être identique. Quand j'ai vu les équipes qui mettaient en route, je n'ai pas trop hésité à y aller. J'ai bien fait car on a vite pris un peu de champ après la descente technique. Ce n’est que dans un deuxième temps que j’ai vu qu’il y avait Pogacar. Je me doutais que toutes les équipes allaient un peu nous rouler dessus. Mais il y avait quand même des costauds et des équipes bien représentées comme la Groupama-FDJ et INEOS, qui avaient deux représentants. Je savais qu'on risquait d'aller loin. Au final, c'était un peu le scénario idéal.
Avez-vous été surpris de voir Pogacar actif aussi loin de l’arrivée ?
A. Z. : Non car je savais qu'il avait les moyens de rouler avec nous et de nous faire péter ensuite ! Je pense que le rythme était encore assez accessible pour lui, surtout qu'il n'en faisait pas plus que les autrres. Mais j'étais content qu'il soit intéressé, qu'il collabore. Pour lui aussi c’était intéressant, il avait piégé pas mal de favoris. Le but était d'essayer de bien s'entendre, de ne pas trop en faire, et essayer de durer.
Comment est-ce d'être échappé avec Pogacar, en sachant qu'il est une jambe au-dessus de tout le monde ?
A. Z. : Il faut y croire quand même. Quand j'ai fait la reco hier, j'étais assez satisfait car je n'ai pas vu trop de longues bosses. Quand c'était raide, c'était pas long, et quand c'était long, c'était pas très raide. Je pensais donc que j'avais vraiment une chance de pouvoir le suivre. Mais c'est vrai qu'avec l'usure et la répétion des kilomètres, c'est le plus fort qui arrive encore à lever les fesses de la selle et à en remettre. Et ça, pour le coup, il en a été capable. Et il l'a fait dans la bosse la plus dure du circuit, celle qui lui convenait le mieux. Il n’y a pas eu photo. Je commençais déjà à avoir des crampes quand il a attaqué. Mon but était surtout de basculer avec le 2e groupe. Le suivre, ça n'a jamais été une option même si je m'étais dit, avant la course, qu'il fallait absolument jouer la gagne le plus longtemps possible. Mais j'ai bien compris que ce n'était pas possible. À partir du moment où il est parti, je ne crois pas qu'il y en ait eu un seul, dans mon groupe, qui a cru qu'on pourrait rentrer. On visait plus un podium qu’autre chose.
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Actif dans l'échappée, à l'attaque dans le Keutenberg : la nouvelle démonstration de Pogacar

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Et vous saviez qu'il allait attaquer là, à 38 km de l'arrivée, dans l'Eyserbosweg ?
A. Z. : Je ne le savais pas, mais je le craignais ! C'était la plus dure et je voyais bien qu'il rongeait son frein. Son but était d'arriver seul, car il n'avait pas toutes ses chances au sprint. Et à 30 bornes de l'arrivée, ça ne lui fait pas peur. Je me disais bien qu'il allait déclencher un jour.
Qu’avez-vous perçu du changement de vélo de Pogacar dans la bosse précédente, au pied du Kruisberg ?
A. Z. : J'ai entendu à l'oreillette qu'il était en queue de groupe depuis un moment. Le DS me disait qu'il faisait remonter sa voiture pour changer de vélo. Mais je le voyais quand même prendre des relais au début. J'étais quand même étonné, je pensais que ça serait plus pour un bidon et des consignes. Et finalement j'ai entendu qu'il s'était arrêté et qu'il était à 5". Les autres aussi ont entendu, dont Lutsenko, qui a un peu attaqué. À la bascule, j'ai vu Pogacar passer, c'est lui qui a bouché le trou... Pour un mec qui avait 5" de retard au pied et qui s'est arrêté, c'est qu'il devait se sentir pas mal.
Et quand il attaque, on bascule sur autre chose dans la tête, vers un autre objectif ?
A. Z. : Ouais... Ça a un côté un peu démoralisant. On avait un niveau assez similaire avec les autres coureurs de l'échappée. Sans cette grosse attaque, on serait peut-être resté groupé un peu plus longtemps. Il ne faut pas se résigner mais c'est vrai qu'il faisait un peu ce qu'il voulait aujourd'hui. Et c'est comme ça depuis un moment. Voilà, il faut accepter.
En espérant qu'un éventuel coup de mou arrive ?
A. Z. : Oui c'est ça. En continuant de travailler aussi pour espérer, un jour, être à son niveau.
Ccomment avez-vous vécu la fin de course, jusqu'à l’obtention de cette 10e place ?
A. Z. : J'ai essayé de rester avec des membres de l'échappée. Ça ne m'arrive pas souvent, mais j'ai eu des crampes assez tôt dans la course. J'ai essayé de m'accrocher, vraiment. C'était ma dernière course avant une coupure, je voulais finir sur une bonne note. Mon objectif, en début de saison, était aussi d'aller chercher un résultat sur une classique. C'était un peu ma dernière chance. C'était important pour moi de ne rien lâcher. C'était au mental, dans toutes les bosses, pour forcer malgré les crampes, essayer de ne pas écouter le corps, pour aller chercher une petite placette.
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Encore un numéro pour Pogacar : l'arrivée en solitaire du Slovène

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Vous ne ferez donc pas la Flèche Wallonne ni Liège-Bastogne-Liège.
A. Z. : C'est ça. Je vais poser un peu le vélo ces prochains jours et me préparer pour la suite de la saison.
A quel point Pogacar vous impressionne ces derniers temps ?
A. Z. : Le truc c'est qu’on a quand même beaucoup d'outils, aujourd’hui, qui nous permettent de nous mesurer à la concurrence. Je pense surtout au capteur de puissance. On voit toujours passer des estimations de watts dans les bosses. C'est bien, mais d'un autre côté, tu te rends compte que ton niveau de PMA (l’intensité qu’un coureur est capable de tenir sur 5 minutes) correspond au seuil du mec (autour de 40 minutes) ! Du coup, Pogacar a un petit avantage psychologique, et à juste titre. Il faut essayer de pas trop y penser et essayer de progresser. J'aime bien cette approche scientifique, c'est intéressant, mais quand tu vois des performances comme ça, tu te rends bien compte que tu n'en es pas capable. Et en course, c'est difficile de croire en soi. Il ne faut rien lâcher, il faut se battre. Avec du placement, en courant à l'économie, ça peut toujours le faire.
Vous voyez Pogacar faire le triplé sur les Ardennaises ?
A. Z. : Je pense qu'il en est capable. Sur la Flèche, avec le niveau qu’il affiche depuis le début de saison, c'est clairement l'un des meilleurs puncheurs, si ce n'est le meilleur. Et comme il est tellement facile toute la journée, il va sûrement arriver plus frais que la plupart des autres coureurs (au pied du Mur de Huy). Je pense qu'il ne faut pas qu'il essaye de déclencher de loin. C'est difficile, la Flèche, et il a la capacité de gagner à la pédale en attendant la montée finale. Je ne suis pas sûr que ça l'intéresse d'avoir mes conseils. Mais je ne suis pas inquiet pour lui.
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