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Plateau de gala, innovations : Bretagne Classic (ex- GP de Plouay), chronique d'une renaissance quasi permanente

Fabien Esvan

Mis à jour 03/09/2023 à 09:24 GMT+2

Les yeux des suiveurs de la petite reine sont forcément rivés sur l'Espagne en cette fin d'été. Mais ils ne manqueront pas de suivre toute l'agitation du côté de la Bretagne Classic. Rendez-vous phare des années 80 et 90, l'ancien Grand Prix de Plouay a retrouvé ses lettres de noblesse après un début de millénaire compliqué. Au point que van der Poel et consorts en fassent un point de passage.

Pluie, chaussure cassée et concurrence dégoûtée : le résumé du sacre de Van der Poel

L'événement fait très souvent la une des canards locaux en cette veille de rentrée scolaire. A minima les gros titres ou des longs formats dédiés à sa riche histoire et son plateau de plus en plus séduisant. En Bretagne, la petite reine est une religion. Plouay est presque considéré comme son plus grand chemin de pèlerinage. Il est de nouveau emprunté par les plus grands depuis quelques saisons maintenant.
Malmenée au début des années 2000, la Bretagne Classic, feu Grand Prix de Plouay, a dû lutter pour se faire une place au soleil. Entre déclarations de guerre administrative, complicité avec l'Union cycliste internationale et panne de médiatisation, le "monument breton" a lutté. Directeur de la classique depuis plus de vingt ans maintenant, Jean-Yves Tranvaux retrace l'histoire de cette bagarre de tous les instants.

Guerre(s) de clochers et "pestiféré"

Jadis moment marquant de la saison, la "petite" course bretonne n'a jamais cessé de se battre pour son prestige. "On n'a jamais démérité, on est connu depuis plus de 80 ans et on reste ancré dans l'esprit des gens. C'est une histoire de médiatisation", lance d'emblée "Monsieur Plouay".
Autrefois épreuve phare du calendrier, le Grand Prix de Plouay a pourtant connu un début de millénaire compliqué. Au début des années 2000, le comité des fêtes de la cité morbihannaise est même au cœur d'un conflit avec la Fédération française de cyclisme et ASO pour son avenir. Désireuse de rejoindre le nouveau Pro Tour de l'UCI en 2005 (ndlr, l'ancêtre du World Tour), le Grand Prix se heurte à la résistance des deux entités hexagonales. "On s'est battu pour avoir le statut Pro Tour", explique le président du Plouay Cyclisme Organisation.
Les coureurs ne voulaient pas spécialement venir à Plouay, mais plutôt aller sur les [critériums voisins] pour se faire plus de sous.
Alors que l'avenir de la course est dans le flou, la faute à des querelles administratives, Jean-Yves Tranvaux ne veut rien lâcher. "Au cours de l'été 2005, j'ai eu vent que ça n'allait pas bien entre ASO et l'UCI. On m'avait dit de ne pas remplir le dossier, mais je l'ai fait quand même. Ils ont finalement décidé de mettre Plouay dans le Pro Tour. On était la seule épreuve française avec le Dauphiné à l'époque. La Fédération s'était rangée avec ASO contre le Pro Tour. J'étais un peu le pestiféré dans tout ça. On avait tout ce qu'il faut pour en faire un grand rendez-vous."
Sans oublier que les critériums voisins, non intégrés aux calendriers, continuent de gonfler les poches des concurrents. "Un moment, en Bretagne, c'était mieux d'organiser un critérium, car on était plus sûr d'avoir des gros noms… Les coureurs ne voulaient pas spécialement venir à Plouay, mais plutôt aller sur les courses voisines pour se faire plus de sous."
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Peter Sagan avec Jean-Yves Le Drian et Jean-Yves Tranvaux lors de l'édition 2016 de la Bretagne Classic

Crédit: Imago

Un esprit pionnier, une volonté de casser les codes

Les tensions retombent. Pour le plus grand soulagement du Breton. "C'est à ce moment-là que c'est reparti", poursuit-il avant d'embrayer sur un autre temps fort décisif du développement de l'événement. "Il y a eu un nouveau tournant quand on a décidé de passer en format 'course en ligne' pour les hommes en 2016. C'était encore une bataille de clocher parce que les gens d'ici n'admettaient pas. Petit à petit, c'est devenu une référence et on a eu de plus en plus de gros noms. On a pris du galon rapidement."
Quand j'ai voulu organiser une course féminine au début des années 2000, on m'a dit : 'tu nous embêtes avec ça, tu ne sais pas ce que c'est d'organiser ça, tu vas être déçu…'
Visionnaire, Jean-Yves Tranvaux l'a aussi été. Sa volonté de développer un sommet féminin a renforcé la notoriété du Grand Prix. Elle lui a valu une médaille du mérite par le CIO d'ailleurs. "Quand c'était compliqué, on m'a dit : pourquoi tu ne fais pas une course féminine, comme une Coupe du monde ? On s'était dit qu'on allait en faire la plus belle mondiale. Dès 2005, ça a été le cas. Quand j'ai voulu organiser une course féminine au début des années 2000, on m'a dit : 'tu nous embêtes avec ça, tu ne sais pas ce que c'est d'organiser ça, tu vas être déçu…' Ça a mis du temps, mais ça s'est structuré, ça va encore aller crescendo."
Malgré ses querelles passées, Jean-Yves Tranvaux n'est pas rancunier. "Monsieur Plouay" prend tous les conseils pour faire grandir "son bébé". "Quelqu'un de ASO me disait un jour que pour développer le cyclisme, il fallait montrer le paysage, le patrimoine. Les gens veulent voir des champions, mais aussi des monuments. Ils veulent voyager en même temps. C'est ce que j'ai voulu faire en changeant de circuit tous les ans." Le "boss" s'évertue également à développer le paracyclisme, un "autre déclic et un gros axe de développement".
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Une jeune Marianne Vos sacrée lors du Grand Prix de Plouay féminin en 2013 : les plus grandes championnes sont passées par le Morbihan.

Crédit: Imago

Les stars reprennent date

Toutes ces évolutions ont porté leurs fruits. Depuis quelques années et le passage officiel à une course en ligne, les plus grands champions ont recommencé à cocher la messe bretonne dans leur calendrier de fin de saison. "Je ne vois pas pourquoi ils ne viendraient pas chez nous. On est le pendant de Paris-Roubaix", insiste "Monsieur Plouay" faisant écho "aux installations de grande qualité" de la "ville du vélo".
Pour faire venir les stars, tous les moyens sont bons. "On a commencé à acheter des vols d'avion. Dans les années 90, on en a acheté deux pour démarrer depuis Anvers en Belgique et l'autre depuis Cannes pour avoir les coureurs italiens. On a commencé à avoir des champions comme ça. C'était facile. Il faut faire attention à ne pas oublier un coureur non plus (rires)."
À Plouay, le principal, c'est qu'on organise une 'vraie' course. C'est ce qu'on a toujours dit.
Cette année, encore plus avec l'absence de rendez-vous "majeurs" avant le Tour de Lombardie, la Bretagne Classic a attiré sa flopée de stars du peloton. A commencer par Mathieu van der Poel et Lotte Kopecky qui vont disputer leur première course "officielle" avec le maillot arc-en-ciel. "On espérait l'avoir", souffle Jean-Yves Tranvaux au moment d'évoquer le Batave. Avec une pensée pour le "meilleur ennemi" de ce dernier au passage. "Quand on a eu la confirmation, c'était une chance. Mais en même temps, on a appris que Wout van Aert ne serait pas là. C'était une petite déception de ne pas l'avoir… C'est la vie. À Plouay, le principal, c'est qu'on organise une 'vraie' course. C'est ce qu'on a toujours dit."
Les deux champions du monde ne sont pas les seuls à venir illuminer les routes morbihannaises. Julian Alaphilippe, Jasper Philipsen, Mads Pedersen, Christophe Laporte ou encore Valentin Madouas chez les hommes, Elsa Balsamo, Katarzyna Niewiadoma, Marlen Reusser en tête de gondole chez les dames, la start-list a encore fière allure ce week-end. Comme un symbole du prestige retrouvé d'une épreuve qui n'a jamais cessé de se réinventer.
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Wout van Aert tout sourire aux côtés de "Monsieur Plouay" Jean-Yves Tranvaux, directeur de la Bretagne Classic, après sa victoire à Plouay en 2022

Crédit: Imago

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