Beau casting, parcours montagneux, Tour éloigné : présentation du Dauphiné

Passage obligé ? Depuis la fin de l'ère Armstrong, seul Andy Schleck (et son succès acquis a posteriori en 2010) a réussi à remporter le Tour de France sans le préparer sur les routes du Dauphiné. Cette année, deux sérieux candidats au maillot jaune sur les Champs Elysées sont présents au départ de la fameuse "répétition générale" : Vincenzo Nibali (Bahrein-Merida) et Romain Bardet (AG2R La Mondiale).

Une répétition générale (3-10 juin) séparée du Tour (7-29 juillet) par un laps de temps plus important que les années précédentes : quatre semaines au lieu de trois, globalement. Pourquoi ? Parce que la Grande Boucle a voulu s'adapter au ballon rond. "Il y avait une concurrence horaire frontale avec la Coupe du monde de football : sept matches à 16h ou 17h, au moment où l’étape arrive, s'est expliqué Christian Prudhomme, directeur de l'épreuve, sur Sud Radio. Le cyclisme en général − l'UCI et les équipes − a souhaité que le Tour soit déplacé d’une semaine".

Outre Nibali et Bardet, Dan Martin (UAE Emirates), troisième des deux dernières éditions, Geraint Thomas, Michal Kwiatkowski (Sky), Marc Soler (Movistar), Adam Yates (Mitchelton-Scott), Warren Barguil (Fortuneo-Samsic), Bob Jungels, Julian Alaphilippe (Quick-Step Floors), David Gaudu (Groupama-FDJ) ou autre Guillaume Martin (Wanty-Groupe Gobert) sont engagés sur cette 70e édition du Critérium du Dauphiné très montagneuse (voir le parcours plus bas). Nairo Quintana (Movistar) et Richie Porte (BMC) vont quant à eux parfaire leur condition sur le Tour de Suisse (9-17 juin), alors que Chris Froome (Sky), récent vainqueur du Giro qui compte bien s'aligner sur le Tour malgré son contrôle "anormal" lors de la dernière Vuelta, ne devrait pas courir en juin.

Parmi les grosses cuisses du peloton, les cadors ont logiquement fait faux bond à l'épreuve dauphinoise. Edvald Boasson Hagen (Dimension Data), habitué à y briller (quatre succès), Bryan Coquard (Vital Concept), Pascal Ackermann (Bora-Hansgrohe), le très prometteur Fabio Jakobsen (Quick-Step Floors) et Phil Bauhaus (Sunweb), vainqueur d'une étape l'an dernier, constituent le très léger plateau de sprinteurs.

Un prologue, un chrono par équipes, une longue vallée lors de la 5e étape, mais à part ça... pas un mètre de plat, ou presque. Le Critérium du Dauphiné, comme à son habitude et dans des proportions impressionnantes cette année, est taillé pour les grimpeurs. Les sprinteurs auront tout au plus deux occasions de s'expliquer, et encore, ceux qui "ne passent pas un pont" risquent de n'en avoir qu'une seule, à l'arrivée de la 2e étape.

Les escaladeurs devront faire preuve d'un tout petit peu de patience mais ensuite, ils seront dans leur élément, les quatre dernières étapes s'achevant en altitude. Fidèles à la recette gagnante des années précédentes, les organisateurs ont concocté des parcours courts, pour favoriser une course nerveuse.

Romain Bardet est monté sur le podium du Tour en 2016 (2e) et en 2017 (3e)... mais il court toujours après une première victoire en World Tour dans une épreuve par étapes. Brillant sur les courses d'un jour cette saison (3e de Liège-Bastogne-Liège notamment), il risque de perdre du temps lors du contre-la-montre par équipes, mais il trouvera un terrain à sa convenance pour en (re)gagner durant les quatre dernières journées.

Pour Bardet, comme pour bon nombre de coureurs qui nourrissent de l'ambition sur les Grands Tours, cette course d'une semaine revêt le double enjeu de monter en puissance physiquement et, si l'occasion se présente, de garnir son palmarès. Le Français de 27 ans, dont l'équipe roule "à domicile" lors du Dauphiné, insiste naturellement sur ce deuxième aspect : "C'est une course superbe, affirme-t-il, plus qu'une rampe de lancement vers le Tour."

Après trois journées durant lesquelles des puncheurs-sprinteurs devraient se disputer le droit de porter le maillot jaune, le chrono par équipes va dessiner une première hiérarchie et influer sur les stratégies. Le parcours plaide pour une course susceptible de basculer le dernier jour, et l'absence de Chris Froome donne encore plus de crédit à cette théorie. Comme en 2014 (Talansky) et 2017 (Fuglsang), un outsider pourrait en tirer profit.

Enfin, ce 70e Critérium du Dauphiné risque d'être un révélateur encore un peu plus trompeur que les précédents, en vue de juillet. Les quatre semaines qui le séparent du début du Tour sont un appel à la méfiance. Bardet peut s'affirmer, Nibali se tester, Dan Martin se rassurer… mais aucun ne sera en tout cas à enterrer, pas plus qu'à élever au rang de principal favori de la Grande Boucle en cas de victoire.