Cyclotouriste ou pro, comment réussir sa coupure : première partie

Julien Chesnais

Mis à jour 30/10/2018 à 15:40 GMT+1

Novembre arrive. C’est le temps des premiers frissons, des premières raclettes aussi. Le vélo enfin rangé au garage, vous avez bien mérité un peu de détente après une saison bien remplie. Mais si “couper” est indispensable à tout coureur ou cyclosportif qui se respecte, mieux vaut se plier à certaines règles. La première partie de notre guide de la coupure hivernale.

Maximiliano Richeze (Quick-Step) valise à la main

Crédit: Getty Images

Le calendrier cycliste est quand même bien fait. Pour le commun des coursiers, il s’étend de février à octobre, les mois les plus chauds de l’année, et c’est du coin de la cheminée que le coureur observe les premiers gels de l’hiver. Devant sa télé, au chaud, il peut alors savourer le spectacle miséreux de ses cousins footballeurs grelottant par 0° derrière un ballon fluorescent, douchés par les flocons de neige. Le vélo, ne serait-il pas un sport de frileux, finalement ? Ok, on abuse un peu, l’affirmer serait un mensonge grossier.
L'hiver est aussi pour le cycliste une période pénible, celle des longues heures de selle. Mais avant de replonger dans l’entraînement, il y a novembre. C’est généralement là que s’observe la fameuse coupure, après les dernières courses de la saison. L’idée de base est simple : se refaire la cerise, recharger les batteries, afin de réattaquer l’entraînement pour la saison prochaine avec un maximum de fraîcheur, dans les jambes et dans la tête. Pour y arriver, chacun fait un peu à sa sauce.
David Giraud et Nicolas Boisson sont deux jeunes entraîneurs réputés dans le monde du cyclisme. Le premier a été coéquipier de Romain Bardet au Chambéry CF, et s’occupe désormais de l’équipe juniors B’Twin-AG2R La Mondiale, parrainée par la structure World Tour. Le second est un proche de Thibaut Pinot, avec qui il a couru au CC Etupes, et travaille depuis deux ans dans la formation Groupama-FDJ. Conseils à appliquer et pièges à éviter, ils nous éclairent sur ce moment bien spécifique qui intervient à la fin de la saison et précède la préparation de la suivante.

Trois semaines, la base d’une coupure classique

"Je pense que chaque coureur doit avoir une façon de couper assez différente, débute David Giraud. Il faut faire preuve de bon sens et garder à l’esprit qu’il n’y a rien de tel que le repos pour récupérer. Pour moi, la coupure doit être longue de trois semaines avec sept à 10 jours de repos complet. Pendant ces trois semaines, pas de vélo du tout. Je dirais même qu’il ne faut pas y retoucher pendant un mois.
Trois semaines - un mois, c’est également le bon compromis selon Nicolas Boisson. “Au delà, on va commencer à perdre sur plein de paramètres qu’on a travaillé tout au long de l’année. Comme la PMA (Puissance Maximale Aérobie, une intensité d’effort que l’on est capable de garder entre 5 et 8 minutes) et la VO2 max (consommation maximale en oxygène, une valeur calculée en labo qui détermine, globalement, la "taille" du moteur d’un coureur). Ce serait dommage de trop régresser. L’essentiel est de vraiment débrancher du vélo et de la performance. Aller à la salle pour faire de la muscu ou de la PPG, c’est pas très bon. Après si c’est pour une marche en montagne ou faire un foot entre copains, c’est faisable.
picture

L'équipe Quick-Step de Julian Alaphilippe à l'entraînement en salle avant la saison 2017

Crédit: Getty Images

L’effet de saturation n’est évidemment pas le même que l’on fasse 5 000 ou 30 000 kilomètres à l’année. Mais plus que le niveau de pratique, c’est l’âge du coureur qui entre en compte. “Plus t’es jeune, plus tu reviens vite à ton niveau, estime David Giraud. Si t’es en cadets (catégorie des 15 et 16 ans), la coupure peut-être plus longue. Quatre ou cinq semaines ne me parait pas aberrant. Mais plus tu vieillis, plus c’est dur de remettre en route.
Couper trop longtemps peut entraîner une perte de repères, parfois très déstabilisante. Va-t-on retrouver le niveau qui était le nôtre ? La question peut hanter une bonne partie de l’hiver si la reprise est difficile. Le contraste des sensations peut faire mal. Enfourcher le vélo doit rester un plaisir, non un calvaire moral. “Pour un cyclosportif qui fait 5000 kilomètres par an, avec 6 ou 7 cyclosportives dans la saison, il ne me paraît pas absurde de ne faire que de deux semaines sans vélo, juge David Giraud. Après je pense que la période de repos complet doit être applicable à tout le monde : sept à dix jours.
Le meilleur indicateur, dans tous les cas, reste les sensations
D’un point de vue physiologique, le repos permet de remettre à niveau certains taux, comme l’hématocrite. “Le cortisol, l’hormone du stress, sera par exemple beaucoup plus basse après la coupure qu’avant, décrit David Giraud. Le fer remonte aussi. Certains médecins refusent de mettre les sportifs sous fer et recommandent plutôt de se reposer. La coupure permet donc le remonter naturellement. Et on sait que le fer est ultra-important dans le vélo.” On pourrait être tenté d’adapter sa coupure en fonction de l’évolution de ces paramètres sanguins ou hormonaux. Certaines équipes pros le font. Mais c’est coûteux et on peut très bien s’en passer.
Le meilleur indicateur, dans tous les cas, reste les sensations, juge Nicolas Boisson. Ca reste une échelle subjective. Mais c’est la base de tout.” L’envie, c’est elle qui, au final, détermine la durée et le programme de ces jours d’intermède. “Elle est primordiale, assure David Giraud. Il m’arrive de planifier trois semaines sans vélo pour un coureur puis finalement d’en rajouter une autre s’il n’est pas encore d’attaque. Mais en général, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Au bout de deux semaines, il a déjà les crocs, veut déjà reprendre et on est obligé de lui dire “non, non, accroche toi encore une semaine.”
picture

Romain Bardet et Mathias Frank (AG2R - La Mondiale) en pleine préparation pour la saison 2018

Crédit: Getty Images

Il faut vraiment décrocher du vélo et de la performance, abonde Nicolas Boisson. Les saisons sont longues, il vaut mieux garder sa motivation pour l’été. Si ça fait 10 jours que t’as coupé, qu’il fait beau et que tu crèves d’envie d’aller rouler, prends plutôt le VTT. Histoire de faire quelque chose de différent. Il faut aller sur des activités annexes.
Rien de mieux alors qu’un peu de nage, pour se libérer un peu la cage thoracique, contrainte toute l’année par la position de coursier, ou un peu de course à pied, pour prendre l’air. De manière légère à chaque fois, deux fois par semaine maximum. D’autres gèrent tout à fait différemment cette période. Sans que ça pose un problème. “J’ai un coureur, Valentin Paret-Peintre (2e de la Classique des Alpes Juniors, et petit frère d’Aurélien, néo-pro chez AG2R La Mondiale) qui en avait marre de la route en fin de saison. Pour ne pas couper trop tôt, sa méthode a été de faire du cyclo-cross pendant les beaux jours à partir de septembre. Il court donc encore mais dès qu’il en aura marre, il arrêtera le cross pour faire sa vraie coupure. C’est la bonne stratégie. Pour moi, même si les coureurs coupaient mi-novembre, ça ne serait pas choquant. Bien souvent, il faut organiser l’entraînement pour que les coureurs n’arrivent pas prêts trop tôt. Un coureur qui reprendrait le vélo le 20 ou 30 décembre, il n’y aurait aucun problème pour qu’il arrive déjà en forme le 15 mars.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité