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Entretien avec Philippe Gilbert : "J'ai été très chanceux dans ma carrière"

Louis-Pierre Frileux

Mis à jour 11/10/2022 à 10:17 GMT+2

Quelques jours avant sa dernière course, Paris-Tours (27e), Philippe Gilbert s'est retourné, pour Eurosport, sur son immense carrière longue de 20 ans. Ses plus grandes victoires (le Mondial, Liège-Bastogne-Liège, la saison 2011…), ses émotions mais aussi la suite et sa passion pour le vélo, le Belge, vainqueur de 80 courses professionnelles, se livre avec sincérité.

Tour de France, Liège, le Mondial : Le Top 5 des victoires de Gilbert

Au moment de mettre fin à votre carrière, ressentez-vous de la joie, de la peur ou du soulagement ?
Philippe Gilbert : Un mélange de tout ça. On peut être un peu perdu. Pendant des années, on a eu des repères, des habitudes. Les camps d'entraînements, les réunions d'équipe. Cet hiver, rien de tout ça n'est prévu. Le bon côté de la décision, c'est qu'il y a plein de temps à rattraper avec la famille et je suis heureux pour ça. J'ai sacrifié beaucoup de choses, je vais être plus présent pour mes proches. C'est important.
S'il n'y avait qu'une seule victoire à retenir sur les 80, ça serait laquelle ?
P.G. : Le Championnat du monde (2012) parce que c'est une victoire attendue. J'étais favori ce jour-là sur un parcours qui me convenait, à côté de chez nous. Valkenburg c'est à deux pas de Liège, j'étais à domicile. On a fait la course et j'ai gagné en tant que favori. Être champion du monde quand on est attendu, que tout le monde sait là où vous allez attaquer mais que vous parvenez quand même à le faire, c'est un sentiment très particulier. Je me rappelle de ce dernier virage au pied du Cauberg, j'avais beaucoup de pression. Je savais que le moment arrivait dans les 300 mètres et qu'il ne fallait pas se louper. J'étais fier d'avoir réussi. C'était bien parce que ça venait après d'autres victoires. J'avais déjà gagné Liège, l'Amstel, la Lombardie donc j'avais déjà vécu des grosses émotions mais pas encore celle-là. Ça a finalement été encore plus fort.
Avant 2012, il y a cette année incroyable en 2011 où vous décrochez 18 victoires...
P.G. : Il y a ce triplé Amstel-Flèche-Liège, mais moi je parle de quadruplé (avec la Flèche Brabançonne). Au printemps c'est la seule fois que ça a été fait de gagner quatre courses d'affilée en dix jours. L'intensité de gagner quatre courses aussi importantes en dix jours, c'était magique. Surtout avec la cerise sur le gâteau : Liège-Bastogne-Liège. Moi, l'enfant du pays qui a grandi au pied de la Redoute, c'était juste impressionnant de vivre ce moment-là.
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2011 : Philippe Gilbert triomphe de Liège-Bastogne-Liège

Crédit: Getty Images

Dans les autres victoires marquantes, il y aussi le Tour des Flandres 2017 avec le maillot de champion de Belgique…
P.G. : Un Wallon qui gagne en Flandres avec le maillot de champion de Belgique, quand on connaît les rivalités régionales dans notre pays, c'est très symbolique. Partir de si loin aussi, c'était un effort difficile. J'ai eu le temps de douter, d'avoir mal et j'ai vraiment savouré parce que les derniers kilomètres je savais que c'était bon. Cette grande ligne droite à Audenarde, c'est magique, on voit cette arrivée au loin, presque floue. On se rapproche, on voit que c'est réel et ça devient magique. Le fait de passer la ligne à pied avec le vélo… Je pense que c'est une des belles images de ma carrière.
Il y a eu Liège, le Ronde et puis il y a eu Roubaix. Quand on aime les courses très dures comme vous les aimez, Paris-Roubaix fait partie de celles à gagner…
P.G. : Oui ! Roubaix c'était un gros objectif pour moi, j'ai réussi à le faire d'une belle manière avec pratiquement 70 kilomètres d'échappée. C'était une journée très difficile, il n'y a pas eu de temps mort, vent de face toute la journée, très froid, 2° ou 3° par moments. Ce n'était pas évident parce qu'on avait une équipe très forte et finalement mes concurrents étaient plutôt au sein de celle-ci qu'à l'extérieur. Il fallait être le premier Quick-Step pour pouvoir espérer gagner. J'ai déjà réussi à me mettre dans cette position à deux reprises. J'avais toujours un coup d'avance et je pense que c'est comme ça qu'il faut courir pour gagner à Roubaix.
Où situez-vous le maillot jaune (conquis en 2011) dans votre carrière ?
P.G. : Il a cette saveur particulière. C'est un symbole tellement puissant qu'il efface l'humain qui est sous le maillot. Les gens me pointaient mais ne disaient pas "c'est Philippe Gilbert", il disait "c'est le maillot jaune". Je me suis rendu compte qu'on perdait son identité. Ce maillot est tellement puissant qu'il efface les individus. Ça montre l'ampleur du Tour de France.
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Philippe Gilbert et son beau maillot jaune sur le Tour de France 2011

Crédit: Getty Images

Il n'y a pas eu que des grands moments sur le Tour. En 2018, il y a cette chute dans les Pyrénées. Votre carrière aurait-elle pu s'arrêter là ?
P.G. : Honnêtement, sur 20 ans de carrière, je m'en suis très bien sorti sur les chutes. Je n'ai pas eu trop de problème. Il y a eu cette chute spectaculaire et filmée parce que j'étais en tête de la course sur le Tour de France, dans le final d'une étape de montagne. Elle a une portée énorme parce qu'elle a fait penser à d'autres accidents, comme celui de Fabio Casartelli (décédé en 1995 dans le même Portet d'Aspet). Tout s'est mélangé et ça a fait de cette chute, un événement dramatique. Je ne vais pas dire que ce n'était pas si grave, je m'en sors très bien. Ce que je retiens c'est que j'ai été très chanceux dans ma carrière.
Il y a toute une nouvelle génération que vous voyez grandir. Quel regard vous portez sur ces jeunes qui arrivent ?
P.G. : C'est une chose qui a évolué dans le bon sens. Autrefois les jeunes avaient du mal à percer, ça prenait quelques années et on en perdait beaucoup en cours de route qui étaient démotivés, qui ne trouvaient pas leur place. Les jeunes sont décomplexés, ils gagnent très tôt. Remco Evenepoel a 22 ans et gagne un grand tour. Bernal a 22 ans aussi, Pogacar également. Ce n'est pas rare, ça devient même une tendance. C'est dû au fait qu'ils sont pris en charge plus tôt par des équipes professionnelles. Le cyclisme a évolué. En Belgique, nous organisons la Philippe Gilbert Classic pour les juniors. Là on a vu l'évolution, au niveau des infrastructures. Ça montre l'évolution du sport au plus bas niveau. C'est ce qui fait que les coureurs sont aptes plus tôt à développer leur potentiel.
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Gilbert : "Je ne voulais pas partir à la faute sur la dernière ligne droite de ma carrière"

Comment voyez-vous cet après-carrière ?
P.G. : D'abord, profiter simplement de la famille. Peut-être y aura-t-il un relâchement nerveux, mental. Quand on arrive dans une période de repos entre deux saisons, on sait qu'il ne faut pas faire trop d'excès parce que si on reprend l'entraînement avec cinq kilos en trop, ça va être compliqué. Là il n'y a pas ça. Je ne sais pas trop comment ça va se passer. Ce que je veux c'est rester "fit", je suis passionnée sinon je n'aurais pas fait 20 ans de carrière. Je veux être capable de rouler à une bonne vitesse sans me faire trop mal. Je vois des coureurs de mon âge comme Alberto Contador qui continuent à rouler et à être bien. C'est une très belle image.
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