Giro 2023 - Primoz Roglic (Jumbo-Visma), une réponse timide, mais une réponse quand même

Primoz Roglic n'a pas tapé du poing sur la table. Il aurait dû lâcher Geraint Thomas pour cela. Mais le Slovène a gentiment rappelé, ce jeudi, qu'il était trop tôt pour faire de lui le maillon faible du trio des favoris. Un tel déclassement – pour celui qui avait la faveur des pronostics avec Remco Evenepoel, au départ de ce 106e Tour d'Italie – avait été susurré il y a deux jours, au soir d'une 16e étape qui l'avait vu subir l'accélération de Joao Almeida. Cette fois, les rôles ont été inversés.

Pourtant, on a longtemps observé le triple vainqueur de la Vuelta en retrait, dans le groupe des cadors. Durant la première ascension du jour, INEOS Grenadiers a même semblé mettre légèrement dans les cordes Roglic et sa formation néerlandaise, qui venait d'arrêter la poursuite derrière l'échappée dont Filippo Zana est sorti vainqueur, devant Thibaut Pinot.

"Il était juste un peu trop relax, et moi aussi, a expliqué Sepp Kuss, amusé. J'entendais des gars d'autres équipes dire via leur radio 'Primoz est lâché, Primoz est lâché', et je disais 'non, il n'a simplement pas pris son café ce matin'." Alors, désinvolture ou coup de bluff ? Toujours est-il que lorsque les choses sérieuses ont débuté entre ténors, Roglic a retrouvé des jambes et de l'appétit.

Grâce à un Sepp Kuss aussi précieux quand il faut limiter la casse que lorsqu'il faut mettre la concurrence sous pression, "Rogla" a vite distancé Almeida, dans la difficulté décisive de cette 18e étape du Giro : un col de 2e catégorie (5,8km à 9,7%) situé dans les dix dernières bornes en direction de Val di Zoldo. Mais quand le chef de file de la Jumbo-Visma a tenté d'éjecter Geraint Thomas de sa roue… le maillot rose n'a pas bronché. Kuss s'est même replacé assez vite devant, pour dicter le rythme.

"Ce n'est pas bon signe, quand votre leader attaque et que vous rentrez, reprenez de nouveau des relais", a spontanément commenté Philippe Gilbert, pendant le direct. Pour notre consultant, c'était "un aveu de faiblesse de la part de Roglic, de laisser revenir son équipier", et Thomas a dû "analyser ça, se dire que (le Slovène) n'était pas capable d'aller plus vite." Résultat, plus d'offensive : les deux candidats au sacre ont collaboré pour repousser Almeida, revenu tout proche avant la dernière rampe, à 21 secondes.

Au général, Primoz Roglic (2e à 29") repasse ainsi devant le Portugais de l'équipe UAE Emirates (3e à 39"), et après avoir souffert mardi, laissant craindre que sa chute de début de Giro n'était pas oubliée, il a de quoi s'en satisfaire. "On va de mieux en mieux", a souri Kuss à notre micro, à chaud. Leur directeur sportif, Marc Reef, abonde à l'optimisme : "Primoz a pu placer son attaque, Sepp a été capable de revenir, ils ont très bien communiqué, il a pu passer un gros relais sur le sommet."

Reef admet certes que l'opération n'est pas un plein succès : "(Lâcher Geraint Thomas), c'était aussi le but, en réalisant un tel mouvement (…) On va continuer à essayer, mais jusqu'à présent, Thomas a montré qu'il était aussi très fort." Mais il insiste sur l'importance que revêtait pour Roglic le fait d'inverser la tendance : "L'un des grands enjeux du jour était l'aspect mental." Mission accomplie en ce sens. Reste à renverser le Giro : "Je pense qu'on peut regarder l'étape de demain (vendredi) avec beaucoup de confiance."