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Tadej Pogacar et les raisons qui l'ont poussé vers le Tour d'Italie

Benoît Vittek

Mis à jour 19/12/2023 à 11:48 GMT+1

Après un flirt intensif, Tadej Pogacar et le Giro se sont dit oui pour 2024, année qui verra le prodige slovène se lancer à la conquête du Grand Tour italien, quitte à diminuer ses chances de renverser Jonas Vingegaard sur le Tour de France. Mais le "nouveau cannibale" a ses raisons qui le poussent vers l'Italie, et la gloire n'est pas la dernière.

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En s’invitant sur le prochain Giro, Tadej Pogacar a fait à l’Italie un cadeau qu’elle attendait… depuis plus d’un an. Et comme donner, c’est recevoir, le Slovène se fait plaisir par la même occasion. Il était le premier à vouloir aller sur le Giro en 2023 avant de voir ses dirigeants d’UAE Team Emirates lui expliquer que ses ambitions en "rosa" se conjuguaient difficilement avec un printemps gargantuesque et la perspective d’une reconquête du maillot jaune. Un an plus tard, le Tour reste la propriété de Jonas Vingegaard, mais la donne est renversée.
Pour 2024, la formation émiratie a taillé un programme sur mesure pour son prodige : les Strade Bianche, Milan-Sanremo, le Tour de Catalogne, Liège-Bastogne-Liège, le Giro, le Tour, les Jeux, les GP de Québec et Montréal, les Mondiaux et le Tour de Lombardie. Wout Van Aert, Mathieu Van der Poel et autres Flandriens peuvent souffler : Pogacar les a déjà matés sur le Ronde et le conquérant slovène a d’autres territoires à soumettre en cette année olympique.

Parmi les premières classiques de l’année, seules subsistent la Primavera et la Doyenne, la première est la principale absente de son palmarès printanier. En dehors de l’expédition liégeoise et d’une première participation en Catalogne, le début de saison de Pogacar sera donc italien, pour le plus grand bonheur du Slovène et de ses admirateurs dans la Botte.

Pogacar était attendu et courtisé

Qui dit cyclisme dit aussi nationalisme, voire protectionnisme. D’un point de vue italien, il est plus que temps de voir le fuoriclasse Pogacar briller sur le Giro. "Je pense que le principal objectif pour tout coureur qui a déjà remporté des Grands Tours est d’avoir les trois à son palmarès, appuie le principal intéressé", double vainqueur du Tour, 3e de la Vuelta, jamais vu sur le Giro.


Les tifosi et RCS (société organisatrice du Giro et d’une grande part du reste du calendrier italien) connaissent très bien Pogi et le chérissent. Junior, il a dévoilé son talent naissant en remportant le Giro della Lunigiana 2016 sur des terres que le Giro d’Italia 2024 visitera en première semaine. Espoir, il s’est également offert le Giro della Regione Friuli Venezia Giulia 2018. Professionnel, il a multiplié les conquêtes sur Tirreno-Adriatico (2021, 2022), les Strade Bianche (2022), les Tre Valli Varesine (2022) et surtout Il Lombardia, où ses trois succès consécutifs (2021, 2022, 2023) l’élèvent vers la légende d’Alfredo Binda et Fausto Coppi.

La grandeur des accomplissements de Pogacar a explosé les frontières mais le Giro se veut grandiose. Il s’enorgueillit d’être la plus belle course du monde dans le plus beau pays du monde. Les parcours sont dantesques, les paysages merveilleux, et il faut aussi que le casting allume des étoiles dans les yeux du monde entier.

Depuis Milan, dans une zone qui accueille une bonne partie de l’industrie cycliste italienne et notamment l’équipementier d’UAE, Colnago, La Gazzetta dello Sport (qui appartient également au groupe RCS) ne manque pas d’user de son influence pour convoquer les champions au rendez-vous de mai. Les organisateurs ont également multiplié les passerelles avec la Slovénie, jusqu’à être récompensés par le triomphe en forme d’apothéose de Roglic au printemps 2023, devant ses supporters.
Je ne suis plus si jeune
Dans le dossier Pogacar, tout ce beau monde arrive à ses fins avec une excitation non contenue. Dimanche, il s’agissait de "casser internet" avec un simple mot du champion slovène (dont l’accent est parfait, selon un commentateur italien) : Andiamo.



Lundi, Pogacar a étayé ses intentions. Les organisateurs du Tour (qui avaient eu la bonne surprise de le recevoir sur Paris-Nice l’an dernier lorsque le Slovène avait décidé de varier ses conquêtes avec la Course au soleil) ont pu être rassurés par celui qui reste le plus grand animateur de leur épreuve depuis qu’il s’y est invité avec fracas en 2020. "Je ne suis plus si jeune et je pense que je peux désormais faire deux Grands Tours", a-t-il assuré à la presse.

Le Slovène a fêté son 25e anniversaire en septembre. Il sort tout juste des classements des meilleurs jeunes, après avoir décroché 75 maillots blancs sur le Tour. Il peut déjà dire Veni, vidi, vici et se tourner vers le Colisée, devant lequel il espère triompher en rose le 26 mai prochain. "Le doublé est une des choses les plus difficiles à accomplir", ajoute-t-il. N’y pensons pas, profitons simplement de la course."

Il ne s’agit pas de s’avouer vaincu face à Vingegaard, dont la perspective d’un triplé sur le Tour est aujourd’hui renforcée. Pogacar reste un ogre, dont le cannibalisme s’exprime par la fréquence, l’ampleur et la diversité de ses succès. Et il tient un discours similaire avant chaque épreuve. "Je dois arriver seul et cela rend la chose encore plus dure", avançait-il avant d’éparpiller la concurrence sur les monts flandriens…

Pantani, Roche, Merckx... "Exploits" et "regrets"

Née sur les ruines de la Lampre, l'équipe UAE Team Emirates a prospéré bien au-delà de son prodige slovène. Mais face à elle, la Jumbo-Visma, qui a su enterrer Belkin pour devenir encore plus puissante qu'à l'époque de Rabobank, impose une domination écrasante sur le Tour... et bien au-delà. En 2024, UAE s'est fixé pour objectif de remporter plus de courses (32 victoires en 2021, 48 en 2022, 57 en 2023) et notamment un Grand Tour. Pogacar mènera ces conquêtes sur le Giro pendant que son équipe prépare des plans B, C et D pour le Tour, en alignant Adam Yates, Joao Almeida et Juan Ayuso aux côtés du Slovène.

Le dernier auteur du doublé Giro-Tour s’appelle Marco Pantani et cet exploit était réalisé dans des circonstances particulièrement troubles en 1998. La triple couronne de Stephen Roche en 1987 (Giro-Tour-Mondiaux) est une autre marque historique, jusqu’à présent hors de portée des successeurs de l’Irlandais… Mais Pogacar lorgne également l'arc-en-ciel et il a l’habitude de dépoussiérer les mythes (avant lui, seuls Bobet et Merckx comptaient le Tour de France et le Tour des Flandres à leur palmarès) ou de les réécrire (le puy de Dôme n’était "pas si raide", sur le dernier Tour).


Si on remonte l'histoire, Eddy Merckx s'était lancé dans un impossible doublé Vuelta - Giro en 1973. L'épreuve espagnole s'achevait à Saint-Sébastien cinq jours seulement avant de voir la Corsa Rosa s'élancer depuis Verviers, en Belgique. Pour sa seule participation à la Vuelta, le Roi Eddy avait étoffé sa légende d'un exploit inédit, avant de faire l'impasse sur le Tour. "C'est mon plus regret", estimera-t-il un demi-siècle plus tard, constatant qu'une victoire en 1973 aurait fait la passerelle lui permettant de remporter le Tour six fois de suite.

L'avenir amènera peut-être à réécrire, réinventer le palmarès de Pogacar... Mais aujourd'hui, c'est le Giro qui attise son appétit de cannibale.
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