Mathieu van der Poel - Tadej Pogacar : lequel a le plus de chances de remporter les 5 Monuments ?

Avec ses sept légendes, très anciennes ou plus récentes, le cercle des vainqueurs des trois Grands Tours paraît déjà sacrément bien fermé. Que dire, alors, de celui des vainqueurs des cinq Monuments ? Pour l’heure, ils ne sont que trois à faire partie de cette catégorie ultra-sélective, à savoir Eddy Merckx, Roger De Vlaeminck et Rik Van Looy. Eux seuls ont réussi à accrocher Milan - Sanremo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie à leur généreux tableau de chasse. Depuis leurs faits d’armes, accomplis entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, personne n’a été capable de les imiter. Ce qui en dit sur la portée de l’exploit réalisé.

D’ici quelques années, ce trio pourrait toutefois devenir un quatuor, voire un quintette. Car parmi les phénomènes qui agitent le peloton actuel, il y en a deux qui ont déjà empilé plusieurs succès sur les classiques les plus prestigieuses du calendrier. Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) compte ainsi deux Paris-Roubaix, trois Tours des Flandres et un Milan-Sanremo à son palmarès. Tadej Pogacar (UAE Emirates), lui, a levé les bras sur le Ronde, Liège-Bastogne-Liège et les trois dernières éditions du Tour de Lombardie. Les deux sont encore plutôt jeunes (29 ans pour le premier, 25 pour le second) et ont donc encore du temps pour remporter les deux Monuments qui manquent à leur collection.

Les deux gloutons seront d’ailleurs au départ de la Doyenne, ce dimanche. Une course que le Néerlandais, injouable sur les Flandriennes cette année, n’a jamais domptée. Il faut dire que son profil de cyclocrossman et ses 75 kg sont autant un atout pour avaler les secteurs pavés qu’un handicap pour grimper les côtes ardennaises. "Ce n’est clairement pas le profil d’un grimpeur, c’est sûr, note Philippe Gilbert, consultant Eurosport. J’ai l’impression qu’il a pris du coffre depuis deux ans. Il a les épaules et le haut du corps très musclés."

Par conséquent, et même s’il parle là d’un "coureur d’exception, qui fait partie de ceux qui nous surprennent à chaque fois", le champion du monde 2012 estime qu’il faudrait que "toutes les planètes soient alignées à 100% pour que Van der Poel puisse gagner Liège." Ses chances de l’emporter sur le Tour de Lombardie, classique automnale au profil particulièrement accidenté, seraient encore plus faibles. "Sur ce dernier Monument, Van der Poel aurait besoin que les organisateurs proposent un final similaire à celui du temps où je l’ai gagné", analyse Gilbert, lauréat de la Classique des feuilles mortes en 2009 et 2010.

"Moi, j’avais eu droit à des éditions un peu plus accessibles, poursuit le Belge, plus puncheur que grimpeur du temps de sa splendeur. Mais depuis quelques années, ce sont des éditions très difficiles, avec une accumulation de montées et un final composé de cols nécessitant d’être à bloc pendant 10-15 minutes. Des coureurs comme Van der Poel, ils ne passent pas. Même Van Aert y est en difficulté. Faire Top 5 ou monter sur le podium, pourquoi pas. Mais on tombe toujours sur un grimpeur plus léger. C’est très difficile d’aller les challenger sur leur parcours quand on est un peu plus lourd."

En l’état actuel des choses, le petit-fils de Raymond Poulidor aura donc du mal à rejoindre Merckx, De Vlaeminck et Van Looy. Un défi qui semble être un peu plus à la portée de Pogacar. Le Slovène a beau donner l’impression de courir en toute décontraction, sans pression ni retenue, son appétit de victoires reste insatiable. "Il a envie de devenir le meilleur coureur de l’histoire, de battre Merckx, c’est dire son ambition. Et il en est capable", souffle l’expert Eurosport.

Pour parvenir à ses fins, le double vainqueur du Tour de France (2020, 2021) doit encore arriver en patron à Sanremo - il n’en est plus très loin, en témoigne sa troisième place en mars dernier - et apprivoiser les pavés de Roubaix, terrain sur lequel il ne s’est jamais aventuré jusqu’à présent. Mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour lui. "Pogacar a fait les choses dans le bon ordre : comme moi, il a gagné les Monuments et les courses les plus difficiles en termes de dénivelé quand il était jeune", expose Gilbert, qui a remporté le Lombardie et Liège entre 2009 et 2011, avant d’ajouter le Ronde et Roubaix bien plus tard (2017 et 2019).

D’une certaine façon, le temps joue donc en faveur de "Pogi". "On a beau dire ce qu’on veut, quand on prend de l’âge, on s’épaissit, on devient un peu plus costaud, constate celui qui a aussi remporté une étape sur chacun des trois Grands Tours. Même Valverde, à la fin de sa carrière, devait peser un ou deux kilos de plus que lorsqu’il était plus jeune. Ça, on ne peut rien y faire, l’homme se développe à partir de la trentaine." Alors, une fois ce cap franchi, Pogacar aura tout le loisir de se lancer dans l’Enfer du Nord. Il y a fort à parier qu’il saura y briller.