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Maintenant, il faut partir Monsieur Brailsford

Benoît Vittek

Mis à jour 05/03/2018 à 18:42 GMT+1

La position de Dave Brailsford, chevalier plus si blanc du cyclisme britannique, est plus intenable que jamais après la publication d’un rapport d’enquête parlementaire britannique dimanche. Si le Team Sky doit survivre dans la tourmente, cela ne peut plus se faire avec son capitaine des premières heures.

Dave Brailsford

Crédit: Getty Images

"Nous pensons que le Team Sky a utilisé des médicaments pour améliorer les performances de ses coureurs." La citation qui s'affiche en Une de la presse britannique ce lundi, en surimpression d'une photo de Bradley Wiggins vêtu de jaune sur les Champs-Éysées, frappe dur et juste. Elle touche le coeur de la problématique soulevée par le rapport mené par des parlementaires britanniques sur les pratiques du fleuron du cyclisme britannique, le Team Sky, une nouvelle fois accusé d'avoir largement frayé dans les territoires sombres du sport professionnel.
Contrairement au témoignage de Dave Brailsford...
Tronquée, cette citation laisse cependant de côté deux acteurs essentiels de ce ballet royalement néfaste. La voici non expurgée :
"Contrairement au témoignage de David Brailsford devant ce comité, nous pensons que le Team Sky a utilisé, dans le cadre des règles de l'Agence mondiale antidopage, des médicaments pour améliorer les performances de ses coureurs, et non simplement pour traiter un besoin médical." Juste auparavant, ce même comité d’enquête pointe une violation de "la ligne éthique que David Brailsford dit avoir établi lui-même pour le Team Sky".
  • 1. Il ne s'agit donc pas là d'infractions (ou du moins d'infractions établies) à la réglementation antidopage mais de médicalisation de la performance. Comme beaucoup d’autres acteurs de beaucoup de sports, la Sky a joué avec le code de l’AMA, qui pourrait tout de même s’interroger sur les moyens utilisés pour procurer à Wiggins des Autorisations à usage thérapeutique en vue d’une préparation physique gonflée aux corticoïdes (spoiler : le Wiggo ne répondait pas vraiment aux critères établis pour accompagner ces fameuses AUT).
  • 2. La conviction des parlementaires-enquêteurs souligne les mensonges de David Brailsford. Le "sir", consacré chevalier de la Reine pour avoir porté le cyclisme britannique au sommet, n'est plus en odeur de sainteté. Les nuages qui s'amoncellent dans le beau ciel bleu dessiné par Brailsford bouchent de nombreux horizons. À commencer par le sien : il est grand temps pour le cerveau de la Sky de se retirer, avec quelques-uns de ses complices.

L’officialisation des accusations contre le Team Sky

Qui sait, peut-être qu'un pan de l'empire Sky peut survivre aux tourments de ces derniers mois ? Sans Brailsford, cela s'annonce difficile. Mais avec lui, cela me semble impossible. Les grands escrocs du vélo ont la peau dure, Lance Armstrong ou Alexandre Vinokourov en sont de bien belles preuves, mais leur survie se fait souvent aux dépens des structures qui les accompagnent. Dans le Royaume, les milieux informés jugeaient déjà l’avenir de la toute puissante équipe Sky en suspens après la révélation du contrôle anormal de Chris Froome sur la dernière Vuelta : “Le sponsor l’a clairement fait comprendre, en cas de contrôle positif, il se retirera et ce sera la fin de l’équipe”.
Le tout frais rapport sur les pratiques dopantes dans le Royaume n'apporte pas d'éléments nouveaux sur ce "cas positif". Il ne porte pas sur la procédure en cours concernant Chris Froome. Entre leaks des Fancy Bears et révélations de la presse britannique, la chronique a largement fait état du recours aux corticoïdes des Sky pour préparer les conquêtes de Bradley Wiggins, premier Britannique vainqueur du Tour de France. Et l’ombre s’étendait déjà aux coéquipiers du coureur à rouflaquettes.
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Wiggins : "l'objectif était de régler un problème médical"

Mais pareil rapport, tout en pulvérisant les explications vaseuses de l’encadrement Sky, apporte un vernis officiel sur les couches d’accusations qui se sont superposées ces dernières années. Il appuie également les opposants à Dave Brailsford, invité à "prendre ses responsabilités" pour les dérapages anti-éthiques de la méthode Sky et pour "le scepticisme lourd de conséquences sur la légitimité des performances et accomplissements de l’équipe".
Face aux accusations, Dave Brailsford s’est enfoncé dans des mensonges grossiers et une relation détestable avec la presse, entre manipulations et insultes pour tenter vainement d’éloigner les accusations. On pourrait penser à un vulgaire Johan Bruyneel, mais on n’imagine pas Wiggo exercer sur Brailsford l’emprise que Lance Armstrong avait sur son patron d’équipe. Cette attitude ferait du Gallois un parfait bouc émissaire en cas d’une reprise en main du projet Sky à ses dépens.

Des "marginal gains" aux big lies

Pourtant, Brailsford était arrivé avec un discours séduisant dans les pelotons. Les Sky prétendaient laver plus blanc que blanc, en s’imposant leur propre ligne de conduite sur le terrain du dopage, ligne qui se prétendait plus ferme que les injonctions des législations antidopage. Le pedigree des recrues, aussi bien coureurs que membres de l’encadrement, était passé au peigne fin. Tous étaient invités à se montrer le plus bienveillant possible face au public et à la presse.
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Team Sky Principal Sir Dave Brailsford speaks with the media prior to stage 10 of the 2017 Le Tour de France, a 178km stage from Périgueux to Bergerac on July 11, 2017 in Perigueux, France

Crédit: Getty Images

La solution-miracle s’appelait alors "marginal gains", ces progrès marginaux qui, accumulés, donnaient un avantage certain aux Sky - la concurrence, si elle reconnaît l’importance des investissements britanniques, n’est certainement pas convaincue par l’idée que les hommes en noir les ont vraiment surclassés dans les méthodes de travail.
Cette belle façade a fait long feu et l’ironie est plus amère que douce pour tous ceux qui, comme le Mouvement pour un cyclisme crédible, offrent de véritables initiatives pour la propreté du sport. Aujourd’hui, la lumière se fait sur les méthodes de la victoire et chaque rayon jette une nouvelle ombre sur les succès de la Sky, ultra-dominatrice ces dernières saisons. Quand elle “réfute” - comme elle l'a fait lundi matin - l’idée qu’elle a eu recours à des médicaments pour améliorer les performances de ses coureurs, ce n’est vraiment plus crédible. "Nous nous engageons pour créer un environnement où les coureurs peuvent donner le meilleur d’eux-même en compétition, et le faire proprement", assure-t-elle encore ? On ne demande plus à voir.
Dans le succès, sir Dave Brailsford incarnait le Team Sky. Dans la tourmente, il reste le fondateur grâce à qui tout s’est construit. "Sans Brailsford, il n’y aurait pas de Team Sky", concédait lui-même Chris Froome au départ du Tour 2017. À l’époque, le Kényan blanc n’était pas le plus à l’aise au moment d’assumer les "erreurs" commises par son patron et qui avaient mené à cette enquête parlementaire. Aujourd’hui, les deux hommes sont dans de belles galères, vouées à s’éterniser et à plomber le sport dont ils sont devenus de si grandes figures. Nul ne sait comment se finira le dossier Froome ni si Sky peut repartir sur des bases plus saines. Mais un départ de Brailsford est de plus en plus inéluctable. Il reste à voir qui il emportera dans sa chute.
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