Tadej Pogacar, mission impossible sur Milan-Sanremo ?

13-5-3-1, 12-5-4. Ne jouez pas ces numéros au lotto, il s'agit-là des résultats de Mathieu Van der Poel et Tadej Pogacar sur Milan-Sanremo depuis leur première participation, en 2020. S'il manque une occurrence dans la liste du Slovène, c'est qu'il a fait l'école buissonnière en 2021 mais depuis l'élève Pogacar mérite les encouragements. Problème, il y a toujours quelqu'un pour profiter de son bon travail. Alors Milan-Sanremo est-il une mission impossible pour Pogacar ? A 24 ans, on ne s'avancera pas autant mais…

Depuis deux ans, Pogacar a enfilé des habits autrefois dévolus à Julian Alaphilippe. Tel un capitaine de bateau, c'est sur son ordre que Milan-Sanremo bouge. Dans la Cipressa, où faute de se lancer dans une aventure sans lendemain, il fait rouler fort ses hommes pour essorer tout ce qu'il a d'adversaires, et Dieu sait qu'il en a une palanquée sur la Primavera, avant de lui-même se montrer une fois les plus forts pourcentages du Poggio atteints. Deux fois, deux énormes efforts mais le même effet.

"On a fait ce qu'on avait à faire", avance Matteo Trentin qui a fait la cassure dans le Poggio pour permettre à un petit groupe de s'extraire sous l'impulsion du boulot de Tim Wellens et Tadej Pogacar. Le Belge a fait un immense travail pour son nouveau leader slovène. "C'était le plan, copier ce que l'équipe avait fait l'année dernière, à fond dans la Cipressa et dans le Poggio…", remet l'ancien de la maison Lotto.

"A fond" semblait aussi être l'idée fixe de "Pogi". Mais il avait de sacrés chiens de garde qui n'avaient qu'une idée : lui ronger les os. "Pas de regrets, j'avais un objectif : attaquer après le gros travail de l'équipe et celui de Tim Wellens, a-t-il avoué à l'arrivée, assis sur les marches de son bus. Je n'étais pas assez fort pour partir seul et quand Mathieu est parti, j'étais épuisé par mon attaque, il a fait l'écart rapidement."

C'est tout le paradoxe de Milan-Sanremo pour Tadej Pogacar. Une course dont il veut triompher, qui sied plutôt à ses qualités mais pas assez pour que sa maestria n'emporte tout. Partout ailleurs quand "Pogi" veut, "Pogi" a. Pas sur la Primavera. "On sait que dans cette ascension, être le plus fort ne suffit pas pour lâcher tout le monde parce que ce n'est pas très très long", résume Wellens. Excellent puncheur, le leader des UAE aurait lâché tout le monde il y a 15 ou 20 ans mais le niveau si homogène du cyclisme de 2023 rabat les cartes.

Malin, Pogacar avait décidé de tenter autre chose. Répéter à la ligne près le scénario de 2022, très peu pour lui. "Je voulais faire mal, durcir, analysait-il après coup. L'année dernière j'avais attaqué quatre fois. Là une fois seulement mais je voulais continuer jusqu'au sommet… Ça ne fonctionne pas." Non, ça ne fonctionne pas, et pire, son action a favorisé les desseins de Mathieu Van der Poel qui a pu le contrer quand lui commençait un peu à faiblir.

Est-ce à dire qu'attaquer sur le Poggio ne sera pas une tactique suffisante si Tadej Pogacar veut remporter Milan-Sanremo ? Le Slovène n'est pas le premier à buter sur le premier Monument de la saison alors que celui-ci semble promis pour lui. Peter Sagan ou Philippe Gilbert n'ont ainsi jamais levé les bras via Roma.

"J'ai de l'espoir pour les prochaines éditions de Milan-Sanremo, parvient tout de même à sourire le toujours très fair-play Tadej Pogacar qui a salué le succès de Van der Poel. Peut-être que l'année prochaine, il faudra que je tente quelque chose de différent." Est-ce à dire qu'il compte se lancer plus tôt dans l'offensive ? Est-ce que Pogacar sera capable d'aller à l'encontre du séculaire scénario de Milan-Sanremo ? Avec son tempérament et sa classe, on peut déjà attendre l'édition 2024 avec impatience. La mèche rebelle la plus célèbre du peloton ne s'avoue jamais vaincue.