Hushovd avait tout

Rien n'aurait pu lui faire perdre son sourire dimanche. Rien. Thor Hushovd peut rigoler de tout. C'est le privilège des maîtres du monde. Alors, quand sur le podium, l'organisation lui a joué un mauvais petit tour en écourtant de moitié l'hymne norvégien, le colosse de Grimstad a haussé les épaules. Puis il a souri, préférant s'amuser de la situation que de s'en émouvoir. Sans ce bug, il aurait pu savourer plus longtemps sur le podium, mais il a une année entière devant lui pour profiter de son beau maillot arc-en-ciel. Ça aussi, c'est un privilège de champion du monde.

Pourtant, Hushovd revient de loin dans ce Championnat du monde. Isolé au sein d'une équipe de Norvège composée uniquement de trois coureurs (Boasson Hagen et Kristoff étant les deux autres membres du trio), le double maillot vert du Tour de France s'est retrouvé pris au piège à cinq tours de l'arrivée, quand un groupe de 32 coureurs s'est isolé à l'avant du peloton. Un groupe au sein duquel figuraient de très gros clients comme Philippe Gilbert, Cadel Evans ou Filippo Pozzato. Mais pas Thor Hushovd. "C'est vrai, j'ai eu peur que ce soit fini de mes chances quand ce groupe a pris plus d'une minute", admet-il. D'autant que la poursuite a eu du mal à s'organiser.

A cet instant, il ne maitrisait plus rien. Il lui fallait un petit coup de pouce pour se remettre dans le coup. Il allait venir de l'alliance hispano-russe. "L'Espagne était la seule à rouler, avec un ou deux coureurs, raconte le nouveau champion du monde. Ensuite, la Russie a collaboré, d'autres équipes aussi, et finalement, nous sommes revenus. Dans le groupe à l'avant, il y avait Edvald Boasson Hagen (son coéquipier). Moi, je n'avais qu'à suivre. C'était le scénario parfait. Je me disais: 'ne fais pas d'erreur, pas de bêtises'. J'ai dû me le répéter 100 fois." Et comme par miracle, à la cloche, tout ce joli monde s'est regroupé. Il devenait alors automatiquement un des principaux favoris, d'autant que les purs sprinters comme Cavendish ou Farrar, plus rapides que lui, avaient disparu de la circulation. Le circuit était trop dur pour eux, mais pas pour lui.

Sur ce circuit australien, Thor Hushovd avait, comme tout le monde, entendu tout et son contraire. "Dans un premier temps, explique-t-il, on a dit que c'était pour les sprinteurs. Mais, quand j'ai reconnu le parcours, j'ai été franchement surpris. Je l'ai trouvé très dur même si, avec une ligne d'arrivée pareille, c'était possible. Puis quand j'ai vu la course des espoirs (NDLR: vendredi), je me suis dit que ça pouvait me convenir. Ce n'était pas pour les purs sprinteurs, plutôt pour les coureurs de classiques, mais qui sont quand même des sprinteurs." Cette dernière phrase résonne comme une définition de Thor Hushovd. Pas étonnant donc qu'il ait succédé à Cadel Evans dimanche, sur les terres de ce dernier.

Déjà doté d'un très enviable palmarès, l'ancien homme fort du Crédit Agricole sait bien qu'il va désormais prendre une nouvelle dimension au regard de l'histoire après cette victoire. Elle le fait entrer dans une autre catégorie. Il en prend déjà la mesure, même si la course de ses rêves reste Paris-Roubaix. Il ne peut d'ailleurs s'empêcher d'évoquer l'Enfer du Nord: "Gagner le Championnat du monde, c'est le plus beau des succès avec Paris-Roubaix". Sous le soleil australien, rien ne semble plus loin que Paris-Roubaix. Mais lui y pense déjà. "C'est une course qui me tient à coeur, rappelle-t-il, surtout avec le maillot de champion du monde qui va me donner le moral chaque jour cet hiver."