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Sonny Colbrelli, un an après son arrêt cardiaque : "Je suis un ex-coureur, je dois me faire une raison"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 05/04/2023 à 12:00 GMT+2

De la boue, de la sueur et des larmes. Vainqueur de l'un des plus beaux Paris-Roubaix de l'histoire en octobre 2021, Sonny Colbrelli a vu sa vie basculer au début du printemps 2022. Victime d'un arrêt cardiaque sur le Tour de Catalogne, le puncheur italien a dû mettre un terme à sa carrière professionnelle. Dans The Power of Sport diffusé ce mercredi sur Eurosport, il témoigne.

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Ce lundi 21 mars 2022 sonnera éternellement comme le jour où tout a changé pour Sonny Colbrelli. Champion d'Europe en titre, stratosphérique sur les pavés de Paris-Roubaix quelques mois plus tôt, l'Italien avait subi un arrêt cardiaque juste après le passage de la ligne d'arrivée sur la première étape du Tour de Catalogne. Le Lombard était parvenu à échapper au pire grâce à l'intervention rapide des médecins.
Le natif de Desenzano del Garda n'est plus remonté sur un vélo pour une course professionnelle depuis. S'il a longtemps espéré reprendre la compétition, le puncheur-sprinteur a dû renoncer. Reconverti apprenti directeur sportif au sein de la Bahraïn-Victorious, il se confie sur ses derniers mois compliqués dans l'émission The Power of Sport, diffusée ce mercredi à 23h sur Eurosport 2. Extraits.
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Sonny Colbrelli, votre retraite est arrivée beaucoup plus tôt que vous ne l'auriez jamais imaginé. Existe-t-il un moyen de préparer sa retraite ?
S. C. : Vous savez, quand un coureur met un terme à sa carrière, il est psychologiquement prêt. On se dit : 'OK, c'est ma dernière année.' Pour moi, tout est arrivé de façon inattendue, je n'étais pas prêt. Encore aujourd'hui, après un an, j'ai du mal à penser que je ne suis plus là, au milieu du groupe.
De toute évidence, cela a dû être une période très difficile. De qui avez-vous obtenu du soutien ?
S. C. : Dans la pire période, comme je l'ai toujours dit, la chose la plus importante était mes enfants, qui me motivaient à ne rien lâcher. Ma famille est la chose la plus importante. Surtout, je n'ai jamais été délaissé par mon équipe. Dès le lendemain de l'accident, quand j'étais à l'hôpital, ils m'ont dit que la porte me serait toujours ouverte et que si je ne pouvais pas retourner sur une course professionnelle, on me confierait un autre rôle important au sein de l'équipe. Ce n'est pas quelque chose qui va de soi et je dois remercier mon équipe, Bahrain Victorious, qui m'a toujours soutenu, même dans ces moments difficiles.
Ne plus voir mon nom sur le listing des chambres a été quelque chose de très difficile. Quand ils vous présentent les maillots et les vélos et que vous n'êtes pas là avec eux, c'est très dur...
Quels ont été les jours ou les moments les plus difficiles depuis l'annonce de votre retraite ?
S. C. : Le pire moment a été en décembre, lorsque je suis allé au premier stage avec mon équipe. Ne plus voir mon nom sur le listing des chambres a été quelque chose de très difficile. Quand ils vous présentent les maillots et les vélos et que vous n'êtes pas là avec eux, c'est très dur. Il y a aussi le fait d'être dans la voiture pour les suivre pendant l'entraînement… Dans ces cas-là, on se dit : 'je suis là et j'aurais pu être là avec eux à la place'. Enfin, les premières courses n'étaient pas non plus de bons moments et notamment ma première sur l'Omloop Het Nieuwsblad. C'était vraiment étrange parce que l'année précédente, j'étais arrivé deuxième derrière (Wout) Van Aert et maintenant j'ai un rôle différent. C'est si dur de vivre les courses de l'extérieur…
Avez-vous encore un rôle au sein de la Bahrain-Victorious ?
S. C. : Oui, je suis l'ambassadeur de Bahrain-Victorious. Sur certaines compétitions, je suis aussi directeur sportif. C'est définitivement très différent de ce que je faisais avant, mais je m'y habitue petit à petit. J'essaie d'aider et de donner des conseils aux jeunes coureurs notamment sur les Classiques dans le nord et bien sûr pour Paris-Roubaix. Au fil du temps, je me fais aider par les autres directeurs sportifs de l'équipe. Je commence progressivement à bien comprendre ce nouveau rôle de directeur sportif.
Je me souviens avoir bu de l'eau… puis tout est devenu noir
Si on rembobine le magnéto pour ceux qui ne connaissent pas votre histoire. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé sur le Tour de Catalogne ?
S. C. : Je me souviens encore que lorsque j'ai franchi la ligne d'arrivée, je suis allé chercher mon équipe, mon médecin, mon masseur. Je me souviens avoir bu de l'eau… puis tout est devenu noir. Je me suis réveillé dans un lit d'hôpital avec beaucoup de médecins, d'infirmières et tous les managers autour de moi. Je pouvais voir à leurs yeux larmoyants qu'ils n'étaient pas heureux. À ce moment-là, j'ai réalisé que quelque chose de grave m'était arrivé.
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Sonny Colbrelli (Team Bahrain Victorious)

Crédit: Getty Images

Comment vous sentez-vous maintenant ? Où en êtes-vous mentalement ?
S. C. : Je change lentement de mentalité, mais j'ai déjà fait du chemin. Par exemple, j'ai continué à faire du vélo. Au début, quand j'étais sur ce lit d'hôpital, je me disais : "ça suffit Sonny, le vélo t'a beaucoup apporté, mais maintenant il est temps de changer ta vie". Mais ce n'était pas le cas. Le lendemain à l'hôpital, j'ai attrapé mon téléphone et j'ai regardé la deuxième étape du Tour de Catalogne. Cependant, ma mentalité évolue certainement avec le temps. Je ne suis plus un coureur, je suis un ex-coureur, je dois me faire une raison. Être avec mon équipe et mes coéquipiers m'aide beaucoup. Mes amis me soutiennent aussi, ils m'aident à préparer ma nouvelle vie. Physiquement, l'important c'est que je sois bien, je peux faire du vélo, ce qui est vraiment important pour moi. Avant, je m'entraînais dur pour les courses, mais maintenant je profite de la vie, j'aime faire du vélo. Je roule deux ou trois heures, pas plus.
Parlons de Paris-Roubaix. C'est une course pas comme les autres. Quels souvenirs en gardez-vous quand vous étiez plus jeune ?
S. C. : Difficile d'oublier une course comme celle-là. Paris-Roubaix a été la cerise sur le gâteau d'une année importante pour moi. Je me souviens que je la regardais toujours quand j'étais plus jeune. J'étais un super fan de (Fabian) Cancellara et Tom Boonen. J'ai regardé leurs exploits chaque fois qu'ils sont entrés dans le Vélodrome. Depuis mon canapé à la maison, je m'interrogeais sur toutes les émotions qu'ils ressentaient en entrant dans cet endroit et en franchissant cette étape importante.
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"Chaque matin, je vois le pavé" : Sonny Colbrelli raconte son succès sur Paris-Roubaix 2021

On a tous en tête vos incroyables célébrations à l'arrivée. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez ressenti quand vous avez franchi la ligne ?
S. C. : Quand j'ai franchi la ligne, tout le monde a pu voir mes larmes, ma joie car c'était la course que je voulais gagner. Il y avait beaucoup d'attentes depuis que j'étais jeune. Pour de nombreuses raisons, plus mentales que physiques, je n'avais pas été en mesure de pouvoir le faire. Après avoir franchi cette ligne, ce cri et ces larmes étaient une pure joie que je n'oublierai jamais. Beaucoup de gens s'en souviennent encore aujourd'hui.
Le cyclisme aujourd'hui ? C'est comme si on courait en Formule 1...
En cyclisme, une centaine de coureurs ou plus prend le départ d'une course. Un seul franchit la ligne en premier : est-ce que c'est difficile de gagner ?
S. C. : Oui, ça l'est. Gagner en cyclisme est difficile, surtout aujourd'hui car le cyclisme a beaucoup changé. J'ai commencé en 2012, et au cours des 11 années où j'ai couru, j'ai tout vu : des vélos aux vêtements en passant par la nutrition, tout a changé. Gagner en cyclisme aujourd'hui, c'est vraiment dur. C'est comme si on courait en Formule 1. Mais je dirais aux jeunes de ne jamais arrêter de rêver à leurs objectifs. J'ai pu gagner Paris-Roubaix à 31 ans, plutôt que de le gagner à 21 ou 22 ans comme ils le font aujourd'hui avec tous ces talents. Je suis encore plus fier de l'avoir gagné à plus de 30 ans.
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