Questions pour des wagons

La 104e édition de Paris-Roubaix aura été marquée par l'avènement de Fabian Cancellara, indiscutable vainqueur, mais également par "l'affaire du train", qui a entrainé la mise hors course des trois coureurs suivant le Suisse au classement. En quatre quest

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1. A-t-on évité un scandale majeur?
Incontestablement, oui. Chacun s'accorde à dire que cette histoire du train n'a pas eu d'influence sur l'issue de la course, en tout cas sur son vainqueur et c'est bien là l'essentiel. Fabian Cancellara était le plus fort dimanche et avec ou sans passage à niveau, le Suisse se serait imposé. D'ailleurs, Hoste, Van Petegem et Gusev ont franchi le passage, perdant ainsi un minimum de temps. Ils pointaient à ce moment là à une trentaine de seconde de Cancellara et n'auraient pas pu revenir. "Quand Cancellara est parti, on s'est regardé. Personne n'a réagi mais il était costaud et mérite son succès", assure d'ailleurs très sportivement Van Petegem.
Mais imaginons une seconde que le train soit passé 30 secondes ou une minute plus tard. C'est alors Cancellara qui se serait trouvé bloqué. S'il était passé avant l'arrivée du train, comme l'ont fait ses trois poursuivants, le Suisse, vainqueur quelques minutes plus tard, aurait pu lui aussi être disqualifié. Il semble d'ailleurs que le feu était déjà rouge (mais les barrières encore levées) à l'arrivée du futur vainqueur au passage à niveau. S'il avait été à l'arrêt au passage du train et rejoint par les coureurs en chasse derrière lui, la catastrophe sportive n'aurait pu être évitée. Même en faisant repartir le coureur de la CSC avec une certaine avance, le mal aurait été fait. Bref, il s'en est fallu de très peu que la situation ne soit franchement grotesque...
2. Fallait-il déclasser Hoste, Van Petegem et Gusev?
Les avis sont partagés. Il y a les partisans de l'application stricte du règlement. Les coureurs ne pouvaient ignorer celui-ci. "Je ne sais que trop bien qu'il faut s'arrêter devant un passage à nouveau lorsque les barrières sont baissées", avoue ainsi Van Petegem. Sur notre antenne, dans la seconde, Jacky Durand était convaincu que les commissaires ne badineraient pas et mettraient hors course les trois contrevenants. Hein Verbruggen, président de l'UCI, rappelle avec raison qu'on ne peut ignorer le piètre exemple donné aux centaines de milliers de jeunes cyclistes qui ont vu ces images devant leur télé.
A l'évidence, il n'y a rien à reprocher aux commissaires de l'UCI, qui ont fait leur travail. Ils sont là pour appliquer le règlement (article 12.1.040 - point 16, pour être précis). Il y a eu faute, et de leur point de vue, il ne pouvait pas ne pas y avoir sanction. Mais n'y avait-il pas une autre solution que la mise hors course pure et simple? Marc Madiot, dont l'équipe, la Française des Jeux, est pourtant une des grandes gagnantes de l'affaire (elle se retrouve avec trois coureurs dans les 10), est de cet avis: "Ce n'est pas bien. Il y a texte et esprit. On déclasse dans l'importe quelle course, mais pas dans Paris-Roubaix. J'aurais mis une prune, une amende, car la course était jouée."
Une solution intermédiaire, qui aurait peut-être eu le mérite du compromis. Les trois coureurs ont perdu en une fraction de seconde le bénéfice de six heures d'efforts. Il n'y a pas une course plus rude que Paris-Roubaix. Terminer sur le podium, comme pour Hoste ou Van Petegem, ce n'est pas rien. Là, dans les livres, il ne restera plus aucune trace des trois fautifs. "Que dire? J'ai commencé à m'arrêter quand j'ai vu le passage qui se fermait, j'ai déchaussé, mais Hoste est passé et j'ai suivi. On jouait la victoire. Dans ces cas-là, on ne réfléchit pas, ça se fait au réflexe" , plaide Van Petegem.
3. Boonen, Ballan et Flecha doivent-ils être mis hors course?
C'est sans doute sur ce point que le débat est le plus vif. Il est avéré que Tom Boonen, Juan Antonio Flecha et Alessandro Ballan ont eux aussi contrevenu au règlement. Explication: si les trois coureurs se sont arrêtés au passage à niveau, c'est d'abord parce que le train était en train de passer. Physiquement, ils ne pouvaient donc traverser. Mais lorsqu'ils sont repartis, et les images sont formelles sur ce point, les barrières étaient encore abaissées, et le feu rouge. On nous répète assez qu'un train peut en cacher un autre...
Eux aussi ont donc fauté. Dès lors, pourquoi ne pas appliquer jusqu'au bout le règlement, et pour tout le monde, sans quoi on donne l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures. C'est la raison pour laquelle les formations Discovery Channel et Davitamon-Lotto ont déposé une réclamation auprès de l'UCI. Celle-ci pourrait avoir pour conséquence une mise hors course de Boonen, Ballan et Flecha. C'est alors l'Autrichien Bernhard Eisel (Française des Jeux), qui hériterait de la deuxième place, et le Suisse Steffen Wesemann (T-Mobile) de la troisième. Frédéric Guesdon serait quatrième.
On peut comprendre les motivations des deux équipes, car outre l'aspect honorifique d'une place dans Paris-Roubaix, il y a derrière tout cela des enjeux sportifs et financiers importants. En perdant le bénéfice d'une deuxième et d'une quatrième places sur la Reine des classiques, Discovery Channel a perdu gros, en terme d'euros... et de points UCI. L'ordre des voitures des directeurs sportifs est ainsi déterminé par le classement individuel du Pro Tour. Au lieu de figurer en septième position, l'équipe Davitamon sera seulement 16e dimanche lors de l'Amstel Gold Race, avec tout ce que cela peut impliquer en cas de pépin pour un de ses coureurs.
4. Aurait-on pu stopper le train?
Le passage à niveau de Chereng n'a évidemment pas été installé samedi soir. Il est là depuis des années. Pour la première fois, il a fait parler de lui sur Paris-Roubaix en pesant, même indirectement, sur l'issue de la course. "Il n'y a vraiment pas une autre route pour aller jusqu'à Roubaix?", s'interrogeait dimanche soir Johan Bruyneel, manager de l'équipe Discovery Channel. Peut-être. Surtout, n'était-il pas possible de faire en sorte qu'un train ne passe à cette heure précise, même si les coureurs étaient en avance sur l'horaire le plus optimiste?
Quand on organise un tel évènement, il faut tout prévoir, même le pire serait-on tenté de dire. Jean-François Pescheux, un des responsables de l'organisation chez ASO, explique que les réunions avec la SNCF ont pour but d'éviter le passage des trains&hellip de passagers, pas de marchandises. Pourtant, du côté des responsables de la communication de la SNCF, on affirme qu'il aurait été possible de ralentir le train, voire de l'arrêter, si une demande avait été faite. Or, ASO n'a rien demandé à la société de chemins de fer. "Pourquoi n'a-on pas arrêté ce train? En Belgique, on l'aurait fait!" , peste Peter Van Petegem. On peut en tout cas être certains d'une chose: l'année prochaine, les organisateurs feront sans doute tout ce qu'il faut pour éviter ce genre de mésaventure...
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