Superman revient sur terre

Vendredi, à l'issue d'une reconnaissance de la tranchée d'Arenberg, Tom Boonen avait confié qu'il se sentait aussi en forme, et même peut-être plus en forme que lors de sa victoire dans le Tour des Flandres. Puis il avait ajouté, pris d'un accès de prudence: "enfin, j'ai dit peut-être..." Le champion du monde avait raison de préciser sa pensée. Dimanche, sur la route de Roubaix, il n'était pas au sommet de son art ni même de sa forme. Longtemps, les autres l'ont regardé comme le patron, et certains regretteront peut-être leur attentisme, jusqu'à ce que Fabian Cancellara ne fasse tomber le masque.

"Le meilleur a gagné aujourd'hui", admet d'emblée l'Anversois. On croyait que seule la poisse ou un concours de circonstances auraient pu le priver d'un historique deuxième doublé consécutif Tour des Flandres / Paris-Roubaix. Mais Cancellara a montré qu'il n'avait besoin de personne pour battre Boonen. "J'étais un peu moins bien que dimanche au Tour des Flandres. Il me manquait un pour cent par rapport au Ronde. Si j'avais été un peu mieux, on serait parti tous les deux avec Fabian Cancellara avant", estime-t-il.

Au lieu de quoi Boonen est resté sans réaction, ou presque, lorsque le Suisse prit l'initiative à 20 kilomètres de l'arrivée. "A ce moment précis, j'ai pensé qu'il y avait la place pour le contrer sur la gauche, a-t-il confié. Hélas, Flecha est également parti de ce côté, de sorte que j'ai dû freiner et perdre de la vitesse. " Le Flamand a également évoqué une douleur à l'aine due à un "coup de guidon" qui lui donnait l'impression de "crampes dans les derniers kilomètres". Mais pas question de se chercher des excuses. Tout juste de donner des explications.

Il ne reprochera rien non plus à son équipe, qui l'a pourtant laissé bien seul en explosant dès la tranchée d'Arenberg. L'armada Quick Step, si impressionnante depuis le début de la saison, et traditionnellement dominatrice sur les routes de l'Enfer du Nord, a raté sa course. "Peut-être qu'ils avaient leur pic de forme dans les Flandres et qu'ils sont sur la pente descendante maintenant", analyse Laurent Fignon."Bien sûr, ce n'était pas prévu. L'équipe a été trop généreuse dans l'effort au début. Cela prouve que nous sommes humains, que Tom Boonen l'est aussi, qu'une course n'est jamais gagnée d'avance", confie Patrick Lefevere.

Le manager de la formation belge n'en veut à personne, et surtout pas à Boonen. "C'est peut-être une déception pour vous, mais pas pour moi, assure-t-il. Tom n'a rien à se reprocher. Il a manqué de fraîcheur mais depuis le Qatar, il a tellement donné. Qui pourrait lui reprocher?" Le champion du monde lui-même ne paraissait finalement pas trop déçu, sans doute parce qu'il n'avait rien à regretter au vu des évènements. Au contraire, il préfère positiver: "En regardant de plus près mon palmarès de début de saison, je considère qu'une deuxième place sur Paris-Roubaix, c'est plutôt bien".

Comme quoi cet affamé de victoires sait aussi prendre la défaite avec philosophie. Il a même trouvé la force de rigoler du gag de la fin de course, lorsqu'il se retrouva bloqué à un passage à niveau en compagnie de Ballan et Flecha. Au moins cet évènement, et la mise hors course de Hoste, Van Petegem et Gusev lui aura permis de finir sur le podium et de conforter sa place de leader du Pro Tour. "C'était plutôt marrant de s'arrêter, sourit Boonen. Je regardais les oiseaux dans le ciel, et le train passait. C'est bizarre sur un Paris-Roubaix." Décidément, rien ne s'est passé comme prévu dimanche...