Qui derrière Guesdon?

"Vous avez trouvé Boonen moins bien ? En tout cas, il était mieux que moi!" Même après sept heures de galère et une bien légitime fatigue, Frédéric Guesdon n'a pas perdu son sens de l'humour. Oui, le dernier vainqueur français de Paris-Roubaix était moins bien que Tom Boonen dimanche, et encore moins bien que Fabian Cancellara. Mais mieux que tant d'autres, et surtout bien meilleur que tout le reste du contingent tricolore. Comme d'habitude, serait-on tenter de dire. Pour la cinquième fois sur les dix dernières éditions, Guesdon est le premier coureur français à apparaitre dans la hiérarchie.

10e au moment où il coupa la ligne d'arrivée au prix d'un rush final, le Breton est finalement crédité de la septième place après la mise hors course tant commentée de Leif Hoste, Peter Van Petegem et Tom Boonen. Mine de rien, c'est son meilleur résultat sur la Reine des classiques depuis sa victoire en 1997. Pourtant, il se montrait presque déçu. "Je ne cours pas pour être le premier Français. Il s'agit quand même d'une satisfaction, mais j'espérais plutôt me retrouver sur le podium", avoue-t-il.

Ce résultat, Guesdon est allé le chercher davantage avec sa tête qu'avec ses jambes. A l'expérience, plus qu'à la pédale. De son propre aveu, il n'était pas dans un très grand jour. "J'ai toujours été en difficulté, remarque le vétéran de la Française des Jeux. J'ai crevé deux fois et j'ai dû changer la roue arrière au ravitaillement. Je ne m'en suis jamais remis ." Malgré tout, il fait office de valeur sûre dans une course de ce type. Bien placé dans Arenberg, là où les principaux favoris s'isolèrent à l'avant de la course, il a ensuite tenu jusque dans le secteur de Mons-en-Pevèle.

Parfaitement préparé, Guesdon a donc rempli son contrat, tout comme l'autre vieux baroudeur de la Français des Jeux, Christophe Mengin, lui aussi dans le Top 10 (9e). Comme l'Autrichien Bernhard Eisel a fait encore mieux en se hissant au cinquième rang, Marc Madiot pouvait dresser un bilan satisfaisant de cette édition 2006 pour ses troupes. "Nous sommes à notre place, juge l'ancien double vainqueur de l'épreuve. On reviendra. Nous sommes allés chercher les résultats. Cela récompense le gros travail de nos deux vieux grognards, Guesdon et Mengin."

Mais les vieux arbres ne doivent pas cacher la forêt. Si Guesdon et Mengin ont tenu leur rang, ils affichent tout de même 71 ans à eux deux. Où est la relève? Que fait l'avenir? A l'heure où les deux derniers vainqueurs, Tom Boonen (24 ans au moment de son sacre en 2005) et Fabian Cancellara (25 ans), ont offert à la reine centenaire une cure de jouvence bien rafraichissante, le cyclisme français se cherche une nouvelle garde capable de briller sur la plus belle des classiques. Arnaud Coyot, 10e l'an dernier du haut de ses 24 ans mais absent pour blessure dimanche, pourrait l'incarner à l'avenir. Mais il en faudrait bien d'autres comme lui.

Nicolas Portal, présent dans l'échappée matinale, a longtemps tenu bon à l'avant. L'Auscitain, distancé à plusieurs reprises, est revenu à chaque fois avant de terminer au sein du premier peloton (36e), lui qui s'était signalé à ses débuts en 2003 (16e). C'est tout de même bien peu. L'an prochain, cela fera dix ans que Frédéric Guesdon a triomphé sur le vélodrome nordiste. A moins d'un miracle, il n'aura pas d'héritier en 2007. Certes, on est encore loin du quart de siècle de disette qui sépara entre 1956 et 1981 les victoires de Louison Bobet et Bernard Hinault, mais à ce rythme, on y va tout droit. Comme sur le Tour de France, le cyclisme hexagonal n'a plus les moyens aujourd'hui de peser sur l'autre course phare de son calendrier. Le mal est profond, les remèdes introuvables et le désert se profile à l'horizon...