Pourquoi Tadej Pogacar ne donne pas totalement raison à Lance Armstrong
Mis à jour 20/03/2024 à 12:44 GMT+1
Lance Armstrong ne pouvait pas trouver mieux pour illustrer ses propos. Tadej Pogacar a manifesté sa joie d'être battu par Jasper Philipsen et Michael Matthews, samedi lors de Milan-Sanremo. De quoi mettre en exergue la critique de l'ancien coureur texan, qui estime que le peloton moderne manque de froides rivalités. Mais "Pogi" est un miroir grossissant, si ce n'est trompeur, de cette tendance.
"Des câlins et des 'checks' ? Ça aurait été hors de question avec moi." La semaine dernière, Lance Armstrong a fustigé le comportement des cyclistes d'aujourd'hui. "Je suis impressionné par cette génération. Ces gars sont plus talentueux, à bien des égards, mais ils ne sont pas rivaux comme nous l'étions", a assuré le Texan, juste avant que Tadej Pogacar ne prenne avec philosophie son relatif échec, samedi, lors de Milan-Sanremo.
Sur le podium, le prodige slovène (3e) a offert une belle accolade au vainqueur, Jasper Philipsen, pris un selfie, et même feint d'embrasser le Belge, lauréat de son premier Monument pour quelques centimètres. Deuxième, Michael Matthews a aussi fait preuve d'une grande dignité diront certains, d'un altruisme surprenant diront d'autres, lorsqu'il a félicité à chaud celui qui venait de le priver du plus grand succès de sa carrière.
"Heureux d'avoir pu perdre contre eux"
Mais c'est surtout l'attitude de Tadej Pogacar qui a spectaculairement fait écho aux propos de LA. Parce que c'est lui, le visage de la petite reine. Parce que c'est lui, aussi, qui a été le plus emphatique. Dans son interview d'après-course, il a ainsi déclaré : "Michael et Jasper sont de très, très bons amis. Je suis heureux d'avoir pu perdre contre eux. Ce podium (son premier sur la Classicissima, NDLR), c'est l'un des moments les plus beaux de ma vie."
Leur proximité n'est pas surjouée. Philipsen a été le coéquipier de "Pogi" jusqu'à son départ pour Alpecin en 2021. Le lien qu'ils ont tissé est solide. Durant le dernier Tour de France, le Slovène semblait par exemple aussi concerné que son compère, attendant fébrilement la confirmation de sa victoire lors de la 3e étape. Matthews est quant à lui membre de la formation Jayco AlUla d'Urska Zigart, fiancée du double vainqueur de la Grande Boucle. Tous les trois se sont rendu à Milan ensemble.
Au-delà des atomes crochus, Pogacar incarne ce que critique l'homme aux sept Tours effacés. Il est le cador sympa, dont on a envie d'être le pote. Il a le côté trublion de Peter Sagan, sans être enclin à jouer des coudes comme l'était le Slovaque. Lundi encore, battu de manière improbable par Nick Schultz, via un coup du kilomètre gagnant d'un cheveu, le monarque courtois a levé le pouce dans sa direction. Beau joueur, toujours.
Evenepoel et De Lie, râleurs en chef
Mais toutes les stars du peloton ne véhiculent pas ce mantra. Remco Evenepoel a beau manifester beaucoup de respect à Primoz Roglic – voire lui vouer une pointe d'admiration – il dégage plus l'image d'un champion orgueilleux, au langage fleuri, que celle d'un coureur bonne pâte. Son compatriote belge Arnaud De Lie (22 ans) arrive en force, pour représenter les coursiers teigneux, qui ne sont pas là pour se faire des amis et ont, en outre, le gros mot facile.
Où placer la principale rivalité du cyclisme actuel dans ce panorama ? Mathieu Van der Poel et Wout van Aert sont bel et bien rivaux, plus qu'ennemis… mais certainement pas amis. Ils se côtoient sans animosité ni complicité débordante. A l'aune de la multitude des podiums qu'ils ont partagés, cela tend plutôt à satisfaire les partisans de la froideur des relations entre concurrents.
Sanremo, du canapé étroit à l'étreinte
L'instantané de Filippo Ganna, Van der Poel et Van Aert, esquichés sur un canapé sans dire un mot, après un Milan-Sanremo dont ils formaient le trio gagnant, était cocasse l'an passé. D'autant plus que, quand le Belge s'était levé, l'Italien et le Néerlandais s'étaient révélés, en un claquement de doigt, bien plus loquaces. Sacré contraste, d'une édition de la Primavera à l'autre… voire indice sur la distance que "MVDP" et "WVA" aiment à conserver.
Ainsi, il y a sans doute une part de vérité dans ce que dit Armstrong, et ce au-delà même du vélo, quand on constate l'édulcoration des inimitiés en NBA ou la façon dont Novak Djokovic semble être l'antagoniste, certes ultime, mais surtout unique du circuit ATP. En revanche, l'exemple de samedi dernier est probablement trompeur. En attendant le contre-exemple de vendredi ? Van der Poel et Van Aert seront les deux grands favoris de l'E3. Pour un simulacre de baiser, il faudra probablement repasser.
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