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Sky, c'est fini ? Pas si vite...

Benoît Vittek

Mis à jour 13/12/2018 à 11:33 GMT+1

L'avenir de l'équipe britannique est menacé par le retrait de son principal financeur, le groupe de médias Sky. Mais les succès passés et les garanties d'avenir qu'incarnent Egan Bernal et d'autres laissent à Dave Brailsford une vraie chance de trouver un repreneur. À condition d'amender son projet aux dimensions extraordinaires.

Great Britain's Geraint Thomas, wearing the overall leader's yellow jersey, Colombia's Egan Bernal and Great Britain's Christopher Froome ride down the Col du Tourmalet pass, chasing two breakaway groups during the 19th stage of the 105th edition of the T

Crédit: Getty Images

“This is the end / Hold your breath and count to ten.” Adele avait beau chanter le Skyfall dès 2012, on ne s’attendait pas à apprendre cette semaine la fin d’une ère, celle qui a vu l’Empire sportif britannique conquérir de nouveaux horizons, et particulièrement le Tour de France. Chris Froome, Geraint Thomas et leurs boys préparent la prochaine saison à Majorque, l’année 2018 les a encore vus accumuler les succès pendant que Dave Brailsford recrutait les talents à foison et roulait sur les critiques qui interrogent son bilan à la tête de la structure la plus puissante du peloton professionnel. Mais ce mercredi, le ciel a tremblé : 2019 sera la dernière année du Team Sky dans les pelotons.
Évidemment, certains avaient déjà tout vu venir, avant même Brailsford faut-il croire, le patron des Sky ayant lui-même manifesté (en privé) une vive surprise devant la nouvelle. Les affaires ont eu raison de l’équipe, assurent les uns ; ce départ s’explique surtout par le nouvel actionnariat du groupe Sky, désormais propriété du géant américain des médias Comcast, analysent les autres. Et c'est la meilleure nouvelle pour le cyclisme, s'enthousiasment enfin ceux qui actent déjà la disparition de cette formation hégémonique. Tous vont trop vite en besogne.
Les dirigeants de Sky admettent que les deux dernières années de ce partenariat ont été plus difficiles que les huit précédentes”, apprend-t-on dans un article publié par… Sky News, que l’on imagine très bien informé. On comprend que les AUT, le jiffy bag de Wiggins, Richard Freeman ou l’asthme de Froome ont pu mettre mal à l’aise. “Mais (les dirigeants) insistent que le nuage qui flotte au-dessus de l’équipe n’est pas la raison de la fin de cet engagement.
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Froome sur le retrait de la Sky : ''Nous sommes tous surpris''

Polémiques ou pas (et elles ont surgi bien avant 2016), Sky sera resté une dizaine d’années dans les pelotons, sans jamais lâcher le capitaine à sa barre. Voilà plusieurs étés que les insiders british nous répètent : “À la prochaine affaire, ils se retireront”… sans que cela soit suivi d’effets. Le Team Sky agonisant dans son marigot, il s’agit là surtout d’un fantasme pour certains frustrés par la domination imposée par Brailsford et ses hommes ces dernières années.
Sous la houlette Murdoch, famille qui a traversé des polémiques bien plus infamantes sur des terrains extra-sportifs, le Team Sky pouvait compter sur un partenaire aux reins solides face aux critiques. Mais avec la prise de contrôle de Comcast, au-delà d'une possible réorientation stratégique, les têtes changent, avec notamment le départ de James Murdoch, fils de Rupert, désormais ex-membre du conseil d'administration de Sky, grand amoureux de vélo et soutien indéfectible au financement d'une équipe cycliste (les amateurs de rap le connaissent aussi comme mécène du mythique label Rawkus).

Succès, exposition médiatique et garanties de long terme

“When it crumbles / We will stand tall.” Pour l’équipe, le coup est rude, mais pas forcément mortel. Dans le cyclisme, les sponsors vont et viennent année après année. Cela contribue d’une certaine précarité, mais cela fonctionne (encore) ainsi et, pas plus tard que cette année, Quick-Step et BMC ont dû se réinventer. “L’équipe a l’esprit ouvert en ce qui concerne le futur et la possibilité de travailler avec un nouveau partenaire, si l’opportunité adéquate se présente”, se projette Dave Brailsford. Il a fixé pour juillet l’horizon d’un nouveau partenariat et le feuilleton devrait largement nous occuper d’ici-là.
Le Briton chauve a de solides arguments à faire valoir à des sponsors, à commencer par son immense réussite sportive. Team Sky a écrit l’histoire du cyclisme en imposant une hégémonie inédite sur les épreuves par étapes. Et les succès passés nourrissent déjà ceux à venir : aucune équipe ne présente de meilleures garanties de succès sur les prochains Grands Tours, avec les contrats à long terme de vainqueurs accomplis, Chris Froome (sous contrat jusqu’en 2020) et Geraint Thomas (2021), ou en devenir, Egan Bernal (2023), Ivan Sosa (2021) et Pavel Sivakov (2020) notamment.
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La nouvelle pépite colombienne Ivan Sosa (Androni-Giocatolli), ici lors du Colombia Oro e Paz

Crédit: Getty Images

Avec ces hommes, il y a encore de quoi attirer les projecteurs et recruter des fans. Grâce à la Sky, l’intérêt pour le cyclisme a explosé au Royaume-Uni, où beaucoup de supporters des Brailsford boys laissent glisser sur un kit dernier cri les accusations qui pleuvent sur leurs héros. C’est aussi cette communauté fidèle (et son pouvoir d’achat) qui est à reprendre en même temps que l’équipe.

L'équipe devra changer

“Let the sky fall.” S’il veut voir sa structure survivre, Brailsford devra tout de même faire preuve de trésors de conviction. Et certainement faire des concessions, un exercice dans lequel il est loin de briller. Avec la famille Murdoch et British Cycling, il a pu créer une structure unique dans le cyclisme professionnel, taillée pour ses rêves de grandeur et les ambitions qu’il doit porter, entre intérêts nationalistes et privés.
Dans l’essentiel des équipes, le boss est également proprio, et le sponsor vient “simplement” aligner une somme d’argent définie dans un accord à durée déterminée. Ici, Sky n’est pas seulement sponsor mais aussi propriétaire de l’équipe, à qui elle accordait des fonds virtuellement illimités (suffisants en tout cas pour écraser la concurrence). Et le salarié Brailsford était maître absolu, fort de son aura de “Sir” anobli par la Reine.
Depuis, les méthodes du Team Sky ont été dénoncées par le Parlement britannique et les investisseurs demanderont a minima à renforcer le droit de regard sur ce que Brailsford entreprend. Ils observeront également que les succès, s’ils rapportent beaucoup, coûtent très cher, notamment du fait d’une masse salariale de plus en plus élevée pour garder les rivaux sous contrôle.
Ironie des actualités qui se croisent, pendant qu'on s'interroge sur l'avenir de Sky, McLaren annonçait rejoindre Bahrain-Merida la saison prochaine. Brailsford connaît bien la firme de Woking, ils se sont associés dans la préparation des Jeux Olympiques de Londres. Ils en étaient ressortis couronnés de succès (7 titres, 1 médaille d'argent, 1 bronze, une moisson historique). À Brailsford de convaincre de nouveaux partenaires qu'il est toujours l'homme sur qui miser.
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