Simon Yates - Esteban Chaves, le dilemme après le récital ?

La Mitchelton-Scott a livré une partition parfaite, ce jeudi entre Caltanissetta et l'Etna, lors de la 6e étape du Giro. Son coup de poker, à 120 kilomètres de l'arrivée, a doublement payé. Esteban Chaves en a brillamment récolté les fruits en s'offrant le bouquet du jour et un rapproché au classement général (de 14e à 3e), tandis que Simon Yates a profité de la présence de son coéquipier à l'avant pour se découvrir au dernier moment et se parer de rose. Mais maintenant que la formation australienne a placé ses deux hommes forts sur le podium et fait une démonstration de force, elle va devoir assumer le poids de la course. Et peut-être, en sacrifier un, le moment venu.

Mais qui est le réel patron, au sein de cette équipe ? Au regard de la stratégie mise en place ce jeudi, Simon Yates semble affublé du statut de leader principal et Esteban Chaves de celui de doublure de luxe. Aucun des grands favoris que sont Christopher Froome, Tom Dumoulin ou autre Thibaut Pinot ne ce serait, par exemple, lancé dans une entreprise si risquée. Le résultat de cette offensive anticipée a confirmé la tendance, puisque Yates devance Chaves au classement général après 6 étapes.

L'état de forme du coureur britannique plaide également pour lui. Chaves est dans le coup depuis vendredi dernier, sa troisième place provisoire en témoigne, mais Yates fait mieux que ça. Il est en grande condition : 4e, 5e et 2e des trois dernières étapes disputées. Dans un style de puncheur, son principal atout, comme dans un registre de grimpeur, il paraît au-dessus de la concurrence. La facilité avec laquelle il a rejoint son coéquipier en fin de course ce jeudi, a impressionné. Thibaut Pinot a un temps tenté de prendre son sillage, mais il s'est vite résigné. "J'ai compris que c'était impossible, a reconnu le Français au micro de La Chaîne L'Equipe. Je suis tombé sur plus fort aujourd'hui (jeudi)."

En revanche, à l'aune de leurs expériences sur trois semaines, le doute sur leur rapport de force peut subsister. Simon Yates a déjà prouvé qu'il pouvait obtenir un bon classement dans ce domaine… mais il n'a jamais fait mieux que 6e, lors du Tour d'Espagne 2016. Un Tour d'Espagne que Chaves avait achevé sur la troisième marche du podium, alors que les deux hommes portaient déjà le même maillot. Le Colombien compte même trois "Top 5" en Grand Tour. Sa saison 2017 a été gâchée par une blessure à un genou, mais en pleine possession de ses moyens il présente de meilleures références.

Protéger deux coureurs est monnaie courante et la situation de la Mitchelton-Scott est beaucoup plus avantageuse que préoccupante. De plus, au fil des étapes difficiles, une hiérarchie plus nette s'imposera peut-être d'elle-même. Mais si ce n'est pas le cas, demander à l'un des deux acteurs principaux du feu d'artifice de l'Etna de se mettre à la planche pour l'autre, au point de faire une croix sur ses chances de bien figurer au classement général, risque d'être une impérieuse nécessité.

L'avantage, pour la Mitchelton-Scott, est qu'elle est loin de se retrouver dans le format du monstre à deux têtes qui surplombe trop nettement tous ses équipiers. Avec Roman Kreuziger, Mikel Nieve ou encore Jack Haig, excellent dans son rôle sur les pentes de l'Etna, elle dispose de plusieurs grimpeurs susceptibles d'accompagner leurs deux leaders le plus longtemps possible dans la haute montagne et d'ainsi repousser l'heure du dilemme cornélien. Mais celui-ci finira sans doute par se présenter.