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Cyclisme : malgré ses efforts, le Giro restera le "petit frère" du Tour

Béatrice Houchard

Mis à jour 11/05/2019 à 12:42 GMT+2

GIRO - A l'aube du coup d'envoi de l'édition 2019, le Tour d'Italie demeure dans l'ombre de son "grand frère" le Tour de France. Ce n'est pas faute d'avoir cherché plus de lumière.

Tom Dumoulin, presentación del Giro de Italia 2019

Crédit: Getty Images

Le Giro m’a longtemps semblé une course lointaine et mystérieuse. Et pour cause : c’était, dans les années 1960-70, une course sans images. Il fallait attendre près d’un mois et Le Miroir du cyclisme pour en apprendre un peu plus, et c’était déjà trop tard, on avait la tête au Tour. Le vrai, le seul, le nôtre.
Plus tard, dans les livres, j’avais découvert les duels d’antan, Coppi-Bartali, Bartali –Magni ou Bobet-Gaul, quand Raphaël Géminiani promettait de "mettre le feu" à la course et devenait presque au sens propre "le grand fusil", mais avec une pompe à vélo pour toute arme. Il y avait en fond de tableau toutes ces histoires qui rendaient la course un rien sulfureuse. Histoires de valises de billets échangées le soir à l’hôtel, de poussettes et de rétro-poussettes, de coureurs accrochés aux voitures, de motos qui se faisaient dernys, d’hélicoptères qui envoyaient du vent contraire aux étrangers, de tifosi mauvais joueurs, bref les "combinazione".
Pas étonnant qu’il ait fallu attendre 1950 pour qu’un non Italien, le Suisse Hugo Koblet, parvienne à s’imposer dans le Tour d’Italie quand le Tour de France s‘était si vite offert aux coureurs luxembourgeois, belges… et italiens. Il fallut aussi attendre 1960 pour qu’un Français gagne : Jacques Anquetil. Ils ne sont que trois au palmarès : deux victoires pour Anquetil, trois Bernard Hinault, que l’on vit gagner en montagne sous la neige, congelé comme à l’arrivée d’un Liège-Bastogne-Liège, enfin Laurent Fignon.
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De gauche à droite, le Luxembourgeois Charly Gaul, le Français Jacques Anquetil et l'Italien Ercole Baldini lors du Giro 1959.

Crédit: Getty Images

En Italie, on mange mieux

Restent ces mots qui faisaient rêver par leur poésie et leur mystère : Stelvio, Tre Cime di Lavaredo, Zoncolon, Monte Bondone, Passo de la Foppa, Finestre, Mortirolo, Madonna di Campiglio. D’autres mots venaient compléter les leçons de géographie mal apprises : Vésuve, Etna, Apennins, Dolomites… On imaginait Franco Bitossi, "il cuore matto" (l’homme au "cœur fou"), s’envoler en montagne. Surprise : au palmarès du classement des meilleurs grimpeurs figure aussi, en 1960, Rik Van Looy !
Enfin est venu le temps de regarder la RAI sur le câble, puis internet et les chaînes de sport. Né en 1990, Thibaut Pinot confie, dans sa postface de Giro, le très beau livre signé Pierre Carrey (aux éditions Hugo Sport), qu’il séchait les cours au collège pour regarder les arrivées d’étapes. Ainsi lui est venu l’amour d’une course qui, écrit-il, l’a "rendu fier, libre et heureux". Notamment parce que la pression est moins forte sur les épaules des champions français que pendant le Tour. Jacques Anquetil le disait déjà et les deux champions, peut-on aussi lire dans Giro, remarquent que les coureurs sont davantage choyés… et mangent mieux en Italie !
Aujourd’hui, le petit frère du Tour de France, né en 1909, veut porter haut la réputation de son maillot de leader, inventé en 1931 sur le modèle de celui dont on célèbrera le 19 juillet le centenaire : au Tour de France le jaune des pages imprimées de L’Auto ; au Giro d’Italie le rose de celles de la Gazzetta dello Sport. Le Giro nous est devenu plus familier, avec ses routes qui semblent grimper toujours, ses petits villages dont on ne sait, de loin, s’ils vivent la même "fracture territoriale" que les nôtres, ces entrées de villes qui semblent moins massacrées par les panneaux publicitaires et les centres commerciaux que les cités françaises, mais là encore ce n’est peut-être qu’une impression de téléspectatrice.
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Le peloton du Giro à Monterosso Almo (Sicile) lors de l'édition 2018.

Crédit: Getty Images

Le rêve d'une inversion de calendrier

A relire le palmarès du Giro, on retrouve (outre ceux de dopés célèbres qu’il convient d’oublier au plus vite) des noms de coureurs qui n’ont pas forcément brillé sur les routes de France, de Girardengo à Balmanion, de Pambianco à Bertoglio (presqu’un nom de pape), de Visentini à Battaglin. Et tous ces duels épiques : Coppi-Bartali bien sûr, si bien conté par Dino Buzzati en 1949, mais aussi Coppi-Bartali-Magni, Gaul-Bobet, Baldini-Nencini, Adorni-Motta, Merckx-Gimondi, Moser-Saronni, Simoni-Cunego… Ces dernières années, le Giro a semblé plus incertain, moins écrit d’avance que le Tour de France, plus romantique aussi.
Mais si le Giro est présenté comme "la course la plus dure du monde", est-il pour autant parti pour voler la vedette au Tour de France ? Les organisateurs, depuis des décennies, tentent d’innover pour faire toujours mieux que le Tour et nous en mettre plein la vue en rêvant que l’UCI inverse un jour les calendriers de mai et juillet ! Pierre Carrey nous rappelle même qu’ils avaient un jour envisagé de créer un prix du meilleur descendeur. Comme le Tour, le Giro se tourne souvent vers l’étranger. A l’heure de la mondialisation du cyclisme, il est même parti d’Israël en 2018. Un point pour le coup politique, mais zéro sur le plan sportif. Partir un jour des Etats-Unis ou du Japon ? Un choix baroque, une autre histoire.
De Bologne le 11 mai aux arènes de Vérone le 2 juin, en passant par Novi-Ligure (une pensée pour Fausto Coppi) et L’Aquila meurtrie en 2009 par un séisme, on suivra avec intérêt Tom Dumoulin, Primoz Roglic, Simon Yates et Vincenzo Nibali en regrettant l’absence d’Egan Bernal, blessé, mais aussi celle de Thibaut Pinot qui mise tout sur juillet.
On regardera encore le Giro en pensant déjà au Tour de France, qui garde une bonne longueur d’avance pour rester "la" grande course par étapes. Grâce à son antériorité historique mais aussi parce qu’elle se déroule pendant les vacances. Et parce que la légende du cyclisme s’est vraiment écrite sur les routes de France. Cela dit sans aucun chauvinisme, évidemment !
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Tom Dumoulin (à d.), ici à Bardonèche (Piémont), avait terminé deuxième du Giro 2018.

Crédit: Getty Images

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