Tour de Catalogne : Et de trois victoires pour le super-héros Tadej Pogacar (UAE Emirates), vainqueur de la 6e étape

A chaque jour sa petite histoire, celle que grave Tadej Pogacar sur ce macadam qui défile à toute vitesse sous ses coups de pédales. Prévu pour la première fois dans son programme, le Tour de Catalogne devait, en principe, servir de rampe de lancement vers un doublé Giro-Tour, qu’il conviendra d’appréhender avec la minutie d’un maître horloger. C’est bien mal connaître le taquin slovène, véritable homme de scène sur l’asphalte.

"Pogi" règne sans partage en Catalogne, victorieux samedi pour la troisième fois de la semaine. Cette fois, pas de facéties ou de démarrage éclair. Le natif de Komenda a sorti de son chapeau d’autres artifices sur ce sixième acte, l’étape reine de l’édition 2024. La présence du colosse catalan, le vertigineux coll de Pradell (14,6 km à 7%) semblait idoine pour laisser exalter l’imagination débordante du prodige slovène.

Le géant, dont le sommet était placé à 60 bornes de la ligne, n’a pas suffi à appâter l’ogre aux mèches rebelles. Lancé dans une vaine opération reconquête, les Visma | Lease a Bike ont tenté de renverser le patron, amincissant le groupe de tête à une dizaine d’unités. Vint alors la première étincelle sous le casque blanc du leader du général. Pogacar s’est placé en tête de cortège, se permettant le luxe de relayer son propre équipier, Marc Soler. Mieux que ça, il s’est chargé d’emmener ses habituels vassaux (Soler, Almeida) sur les derniers hectomètres de l’ascension classée hors catégorie, avant de plonger en tête dans la descente.

A force de laisser son instinct dicter ses mouvements de course, il en devient compliqué de décrypter les agissements de "Pogi". "On a imprimé notre rythme jusqu’au pied de la prochaine montée, rembobine le Slovène pour Eurosport. C’est revenu de l’arrière, les Movistar ont essayé d’attaquer. Puis je me suis lancé. J’ai vu que certains coureurs ont essayé de me suivre. Je me suis dit ‘d’accord on continue comme ça jusqu’au sommet’ et le reste, c’est de l’histoire."

Le teint naturel, les traits détendus, "Pogi" a une nouvelle fois donné l’impression de se balader, de jouer dans une cour à part. Seul en tête après avoir asphyxié un à un ses adversaires sur les pentes de la Collada de Sant Isidre (5km à 8,6%), à 29 bornes de la ligne, le vainqueur du jour s’est lancé dans un périlleux raid en solitaire sur une longue portion irrégulière, souvent rectiligne, avec le vent de face. De tels écueils suffisent d'ordinaire amplement à précipiter la défaillance du commun des coureurs. Pas pour "Pogi," qui s’est même permis de doubler son avance sur Landa (rejoint par Bernal), passant de 26 secondes au sommet à près de 1 minute au pied de l’ultime ascension du jour.

Même nanti d’une avance confortable, le Slovène s’est montré agacé contre une moto, coupable de lui boucher le passage entre les vagues denses de spectateurs. Le tout dans un dernier kilomètre arpenté avec relâchement, l’esprit déjà tourné vers la célébration du jour, en hommage à l’homme-araignée. En bon super-héros, "Pogi" collectionne les costumes, lui qui trône en tête des classements par points et du grimpeur. S’il "souffrait beaucoup," de son propre aveu, Pogacar ne semble pas bouder son plaisir. Au point de le prolonger à Barcelone demain, pour la passe de quatre ? Il y pense forcément.