Au nom du frère

Un doigt pointé vers le ciel. Le geste rappelle celui de Lance Armstrong, voilà 13 ans, lorsque l'Américain, vainqueur à Limoges, avait rendu hommage à son coéquipier Fabio Casartelli, décédé quelques jours plus tôt lors d'une chute dans la descente du Portet d'Aspet. Mais ce n'est pas un collègue ni même un ami que Luis Leon Sanchez a salué lorsqu'il a coupé la ligne d'arrivée en vainqueur, vendredi à Aurillac. C'est à son frère aîné Leon qu'il a tenu à dédier sa victoire, la première de sa carrière sur un grand Tour.

Ce frère disparu prématurément il y a trois ans, dans un accident de moto, et qui l'accompagne partout depuis. "Nous étions très proche, raconte le coéquipier d'Alejandro Valverde. Jusqu'à ses 21 ans, nous courions ensemble dans la même équipe. Il avait 14 mois de plus que moi. Désormais, chaque fois que je gagne une course, je tiens à lui rendre hommage. Aujourd'hui, c'est vraiment très spécial pour moi." Son autre frère, Pedro Leon, footballeur professionnel en Liga à Levante, en fait de même lorsqu'il marque un but. "C'est notre façon à nous de l'associer à chaque moment de bonheur de notre vie", reprend le vainqueur du jour.

Le moment était d'autant plus fort pour Luis Leon Sanchez que son statut au sein de l'équipe Caisse d'Epargne ne l'appelait a priori pas à goûter un tel honneur sur le Tour de France. Il est là avant tout pour bosser pour Alejandro Valverde, voire Oscar Pereiro. Présent en permanence à l'avant de la course vendredi, il a d'abord été échappé dans un groupe de quatre, avant de retenter sa chance dans le final, avec succès cette fois. "Je n'avais rien prémédité. Ce sont des circonstances de course qui m'ont permis de gagner aujourd'hui", assure-t-il.

Si la Caisse d'Epargne, qui n'avait pas ciblé cette 7e étape sur son carnet de bord, se met à gagner même lorsqu'elle ne le souhaite pas, ça risque de faire très mal. De son côté, après avoir savouré son heure de gloire, Luis Leon Sanchez se remettra au boulot dès samedi sans état d'âme. Ce retour dans l'ombre ne le dérange nullement. "Ma victoire ne change rien pour moi. Nous sommes tous là pour permettre à Alejandro ou Oscar de ramener le maillot jaune à Paris, rappelle Luis Leon. C'est notre unique objectif sur le Tour de France. Ils sont tous les deux très forts. Toute l'équipe motivée pour faire quelque chose de grand."

A 24 ans, Sanchez a encore le temps de jouer sa carte personnel. Un jour si tout va bien, il y pensera: "j'aimerais bien dans quelques années, d'ici deux ou trois ans pour avoir joué le classement général sur un grand Tour. Pour l'instant, je ne suis pas prêt pour ça. J'ai encore trop de lacunes, notamment en montagne, et en Espagne, il y a dans ma génération des coureurs beaucoup plus en avance que moi, à commencer par Alberto Contador. En attendant, je suis heureux et fier de travailler pour des coureurs comme Valverde et Pereiro. J'apprends énormément à leurs côtés chaque jour."

La France semble en tout cas lui porter bonheur, puisqu'il avait obtenu les deux plus beaux succès de sa carrière à l'occasion de Paris-Nice, en enlevant une étape en 2007 à Cannes et en 2008 à Nice. Récemment, il a également été sacré champion d'Espagne contre la montre. Le voilà à présent nanti d'une étape du Tour. Tout doucement, son palmarès devient très présentable. D'autres plus âgés que lui n'ont pas un tel CV à offrir. "C'est vrai que ce n'est pas si mal, sourit-il. En tout cas, ça suffit amplement à mon bonheur pour le moment."