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La "Deuch" et le bob, deux coups de maître de la star de la caravane

Laurent Vergne

Publié 23/07/2018 à 11:34 GMT+2

TOUR DE FRANCE – Pour exister dans la caravane, les marques ont besoin de se différencier. C'est ce qu'a réussi à faire Cochonou au cours des vingt dernières années, grâce à deux éléments identifiants qui lui ont conféré une place à part. Rencontre avec l'homme qui se cache derrière la 2 CV et le bob.

La 2 CV Cochonou.

Crédit: Getty Images

La clé, pour chaque marque, c'est de se démarquer. Dans ce magma publicitaire, dans ce fatras de marques défilant les unes après les autres, la seule façon viable et durable d'exister dans la caravane du Tour de France, c'est d'être identifiable. Aucune n'y est sans doute mieux parvenue dans un passé récent que Cochonou. Le fabriquant de saucisson fête sur ce Tour 2018 ses vingt années de présence sur la Grande Boucle. Il est devenu la star de la caravane.
Ce succès, Cochonou le doit en grande partie à un homme, Stéphane Domecq. C'est lui, le responsable de la caravane saucissonnée. C'est lui, aussi, qui a été à l'origine des deux trouvailles assez géniales qui ont établi la marque comme la plus attendue par le public de juillet chaque jour sur le bord des routes : la 2 CV et le bob. Deux éléments absolument indissociables à présent de Cochonou, qui collent à merveille avec les maitres-mots du Tour, populaire et patrimoine. Un modèle de coup marketing.
Lorsque Cochonou décide d'intégrer la caravane à la fin des années 90, elle mandate Stéphane Domecq, responsable de l'agence Live meetings, spécialisée dans l'évènementiel. Il a déjà deux Tours sous le bras, pour d'autres marques, et comprend tout de suite la nécessité de se différencier. "Il fallait trouver une idée qui permette à la marque d'être identifiée, c'est primordial, nous explique-t-il. Assez vite est venue l'idée d'avoir un véhicule différenciant. Le saucisson, ça fait partie de la culture et de la tradition française. Il fallait donc que le véhicule soit dans le même ordre d'idées, avec un côté populaire. Il n'y en avait pas cinquante."
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Les 2 CV Cochonou bichonnées par les mécanos.

Crédit: Eurosport

A La Planche des Belles filles, on a laissé deux boites de vitesse
Il n'y en avait même que deux, dans son esprit. La 2CV de Citroën ou la 4L de Renault. Ce sera finalement la première. "La Deuch a une forme un peu plus ronde, ça collait mieux avec le saucisson, justifie Domecq. Il y avait aussi un rapport plus affectif du public avec la 2CV. Mais on nous a vraiment pris pour des dingues. J'ai dit 'essayons, on verra bien'." Vingt ans plus tard, il parait inimaginable de voir défiler les voitures Cochonou autrement que dans des 2 CV, drapés dans leur look nappe Vichy à carreaux rouges et blancs.
Boucler 4000 kilomètres chaque été pendant trois semaines avec des 2 CV est pourtant un sacré défi, presque une gageure. Le Tour met à rude épreuve ces voitures tout sauf modernes, particulièrement en montagne. "Oui, on tombe en panne, oui on a des galères. Lors de la première arrivée à La Planche des Belles filles, on a laissé deux boites de vitesse, rigole-t-il. Mais, je touche du bois, jusque-là, nous sommes toujours repartis et surtout nous sommes toujours arrivés à Paris". Avec son équipe, il tente de parer à toutes les éventualités. "Dans la semie, on a deux boites de vitesse de rechange, des embrayages, un poste à souder."
Pour lui et son équipe, c'est malgré tout un élément supplémentaire à prendre en compte par rapport aux autres marques de la caravane, qui roulent sur des véhicules modernes, plus adaptées aux exigences du Tour. Mais Stéphane Domecq s'en accommode. "Est-ce que ça génère un stress supplémentaire ? Honnêtement, très peu, assure-t-il. On a toujours trouvé des solutions. Peut-être qu'un jour ça arrivera, qu'on sera dans l'impossibilité de repartir. Mais je sais que, de notre côté, on aura tout fait en amont pour anticiper et minimiser les risques."

Les clubs, ces précieux alliés

Il sait aussi pouvoir compter sur les dizaines de clubs de "deuchistes" répartis aux quatre coins de la France. C'est aussi en cela que le choix de la 2 CV s'est avéré judicieux. C'est une voiture de collection, et les clubs possèdent tous des pièces de rechange. "Avant le Tour, reprend Domecq, on appelle les clubs qui se trouvent à proximité des hôtels et des villes arrivées, pour savoir quelles pièces ils ont." Les deuchistes privés lui ont déjà à plusieurs reprises sauvé la mise : "Sur la suspension, il y a une pièce qu'on appelle la sucette. Un truc qui ne casse jamais sur la Deuch. Donc je n'avais pas emmené de pièce de rechange. Evidemment, un jour, on en a une qui a cassé. J'ai dû faire 160 bornes aller-retour le soir pour aller dans un club et trouver la pièce."
A Saint-Vincent-de-Tyrosse, au cœur du Pays Basque, Stéphane Domecq a monté ces dernières années le Vintage Car Club. Un grand hangar dans lequel sont entreposées toutes les 2 CV Cochonou. Là, elles sont bichonnées et entretenues toute l'année par deux mécaniciens. "La 2 CV, c'est une bagnole solide, beaucoup plus qu'elle n'en a l'air, avance l'un deux, "Gégé". Pour nous, ce ne sont pas des véhicules publicitaires, mais des voitures de collection dont il faut prendre soin." Cette aventure, c'est d'abord une histoire de passionnés. De "Deuch" plus que de saucisson. Les caravaniers recrutés pour conduire les véhicules Cochonou pendant le Tour sont d'ailleurs tous des amoureux de la 2 CV.
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Le Vintage Car Club où sont entreposées à l'année les 2CV Cochonou, à Saint-Vincent-de-Tyrosse.

Crédit: Eurosport

Le juge de paix, c'est le public

C'est le cas de Julie, qui, après 2016, vit cette année son deuxième Tour chez Cochonou. "Je connaissais déjà des personnes de l'équipe, ils cherchaient un deuchiste et j'ai posé ma candidature, raconte-t-elle. J'ai ma propre 2CV, j'ai appris à conduire dessus, c'est ça qui m'a attiré. C'est différent d'une voiture normale, il n'y a pas d'aide à la conduite, pas tout ce qu'on peut trouver sur des voitures aujourd'hui, pas de direction assistée, le passage de vitesses est différent. Il faut anticiper davantage y aller doucement. Il faut ménager sa voiture, ce sont des vieilles voitures, ça ne se conduit pas comme une voiture de tous les jours."
Cinq ans après l'improbable arrivée des Deuch sur le Tour, Stéphane Domecq va abattre son deuxième atout maître : le bob. Il n'aura mis que quelques éditions pour devenir, parmi tous les "goodies" distribués sur le Tour, l'un des chouchous du public. Lui aussi aux couleurs du mythique "Vichy". Là encore, la carte "franchouillarde" a payé.
Pour les vingt ans, un bob collector a même été livré cette année. Lors de son lancement, comme pour la 2 CV, Stéphane Domecq s'est dit "on essayons, on va voir". Le juge de paix, en l'occurrence, c'est le public et personne d'autre. Il adhère ou n'adhère pas. Mais très vite, le bob est devenu un "must have".

Le jour où le Prince Albert a voulu ses bobs

Depuis une quinzaine d'années, il a eu maintes occasions de mesurer son impact. La plus culte date peut-être du Tour de France 2009. Lors du grand départ à Monaco, un officiel de la Principauté vient voir Stéphane Domecq le jour du contre-la-montre. Il était en service commandé. "Son Altesse Sérénissime souhaite savoir s'il serait possible d'avoir plusieurs bobs Cochonou", demande-t-il à Stéphane Domecq, qui se chargera de satisfaire la demande du Prince Albert. Des anecdotes comme celle-ci, il en a à la pelle.
Mais comme pour tous les caravaniers, le plaisir vient d'abord du contact avec le public et, surtout, de l'aventure humaine. Chez Cochonou, les caravaniers font en moyenne cinq à six Tours. Des dizaines de candidatures chaque année, pour une poignée de places. "C'est vraiment comme une deuxième famille", explique Julie. Aide-soignante, elle n'hésite pas à sacrifier une grande partie de ses congés pour faire le Tour. "C'est trois semaines et demie, c'est long. Mais l'ambiance m'a énormément plu la première fois. C'est une équipe très soudée. On se rencontre même en dehors du Tour plusieurs fois dans l'année dès qu'on peut."
Dans moins d'une semaine, tout ce petit monde se séparera. Les Deuch retourneront à Saint-Vincent-de-Tyrosse, où elles entameront une période de récupération et la lente préparation, déjà, vers le Tour 2019. "C'est marrant, parce qu'on me demande souvent s'il n'y a pas de la lassitude au bout d'un moment, glisse Stéphane Domecq. Mais je ne sais pas si on peut se lasser du Tour. Moi, j'attends toujours le mois de juillet avec autant d'impatience."
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