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Les débats du Tour : Est-ce un grand cru pour le cyclisme français ?

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 28/07/2019 à 11:44 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Chaque jour, des questions sont posées à des membres de la rédaction. Chacun donne son point de vue et vous invite à prendre part à la discussion. Nous voilà déjà à l'heure des bilans. Dans cette première partie, nous nous penchons sur le Tour des Tricolores.

Thibaut Pinot, Julian Alaphilippe

Crédit: Getty Images

Est-ce un grand Tour pour le cyclisme français ?

Laurent Vergne
C'est un très bon Tour au plan des résultats. Trois victoires d'étape, et pas des moindres puisque dans le lot figurent le seul contre-la-montre individuel (une première depuis 1987 pour un Français sur le Tour !) et le Tourmalet. Ajoutez à cela une 5e place, deux coureurs dans le Top 10, quatre dans le Top 15 (du jamais vu depuis 2011), un maillot à pois et surtout 14 journées en jaune. Rappelons que la France n'en avait pas vu la couleur depuis 2014. Bien sûr, dans un passé récent, le cyclisme français a fait mieux au classement final, que ce soit en 2011 avec Voeckler (4e) et surtout sur la période 2014-2017 avec pas moins de quatre places sur le podium avec trois coureurs différents.
Mais les chiffres ne suffisent pas à résumer un Tour de France. Que Julian Alaphilippe termine 5e et non 2e ou 4e est totalement anecdotique. Si le numéro un mondial et Thibaut Pinot ont donné à ces trois semaines une dimension particulière, c'est parce qu'ils ont fait vibrer un pays au point de rendre crédible l'hypothèse d'une victoire finale. Chacun son approche du sport. Je peux comprendre les tenants du "seul le résultat compte" et "seule la victoire est belle" mais pour ma part, je trouve que ce qu'on offert Pinot et Alaphilippe était beau, et que ça compte. Le Tour de Pinot restera bien plus marquant que celui d'un Buchmann et, croyez-moi, il n'y a pas que des journalistes français pour penser cela.
Ensuite, tout est affaire de contexte. Nous ne sommes plus dans la période 1975-85 où, pour le cyclisme français, un Tour réussi était forcément un Tour gagné. C'était l'"époque des Thévenet, Hinault, Fignon. Nous n'en sommes plus là, mais la génération actuelle nous gâte quand même après deux décennies bien maigres. Les moins de trente ans ont sans doute vécu pour la première fois un Tour avec la conviction qu'un Français pouvait arriver en jaune à Paris. Gagner, c'est bien. Rêver, c'est formidable. Julian Alaphilippe n'avait pas les moyens de gagner, mais il a fait rêver. Pinot, lui, avait le cœur et les jambes pour combiner les deux. Ce fut un grand Tour pour les Français. Qu'il soit historique a peut-être tenu à la cuisse gauche du Franc-Comtois...
Jean-Baptiste Duluc
Il aurait pu être légendaire, il restera malgré comme un très grand cru. Trois victoires d'étapes sur des terrains différents à chaque fois (puncheur à Epernay, grimpeur au Tourmalet et rouleur à Pau), 14 jours en jaune pour Alaphilippe, deux Français (Alaphilippe, Barguil) dans le top 10, le maillot à pois pour Bardet et une lutte jusqu'au bout dans la course à la victoire… Jamais on n'aurait rêvé à pareil bilan il y a une dizaine d'années ! Surtout, les Tricolores nous ont offert des émotions extraordinaires tout au long de ces trois semaines et c'est au moins aussi important.
Le cyclisme n'est pas forcément le sport le plus populaire de base, de par son passé sulfureux notamment. Mais juillet est une fête que les Tricolores ont embellie jour après jour. Les Français se souviendront de la chevauchée d'Alaphilippe à Epernay pour aller décrocher le maillot, de celle en compagnie de Pinot à Saint-Etienne pour aller le chercher de nouveau avant de lutter au courage comme des grimpeurs qu'ils n'auraient pas dû pouvoir suivre.
Cet été, les cyclistes ont fait rêver le peuple français comme rarement et il suffit de voir l'engouement autour d'Alaphilippe pour s'en apercevoir. Les réactions autour de l'abandon de Pinot aussi. Ses échecs sur les Tours 2015 et 2016 et ses soucis l'an passé sur le Giro avaient contribué à en faire la "risée" du public. Bien loin de la tristesse infinie ressentie par l'ensemble des Français et des nombreuses réactions de soutien sur les réseaux sociaux lors de son abandon sur la route de Tignes.
Pour autant, difficile d'occulter cette fin de Tour "décevante". Loin de moi l'idée de tomber sur Pinot et Alaphilippe, c'est impossible soyons clair. Mais en trois jours, la France est passée d'enfin tenir le successeur d'Hinault à "juste" un coureur dans le top 5 final. L'ascenseur émotionnel est terrible, bien qu'attendu et longtemps repoussé concernant le coureur de la Deceuninck-Quick Step. Finalement, c'est le fol espoir qui régnait jusqu'au 26 juillet qui est à l'origine du (léger) goût amer que l'on ne peut s'empêcher de ressentir.
Simon Farvacque
Le Tour de France a, longtemps, été porté par un parfum particulier cette année. Celui de l’espoir du public hexagonal de voir enfin un de ses chouchous succéder à Bernard Hinault, dernier vainqueur français de la Grande Boucle, en 1985. Mais la lecture du classement général final, s’il ne change pas lors de la dernière étape, ne va pas traduire cette excitation. Cinq Tricolores dans le "Top 15", certes, mais seulement une 5e place pour meilleur résultat. Et du côté des étapes ? Trois au compteur. Ce qui n’est en rien notable.
Cependant, on ne peut pas s’arrêter à cette lecture brute du classement et des statistiques. Le Tour des Français a été enthousiasmant et sportivement brillant. Le parallèle le plus naturel qui vient à l’esprit en abordant cette Grande Boucle par le prisme patriotique, est le Tour 2011. Mais celui de cette année a quelque chose en plus. C’est "à la pédale" que Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot ont porté haut les couleurs bleu, blanc, rouge. Rappeler à quel point Thomas Voeckler a pu, et surtout dû, compter sur ses qualités de baroudeurs pour vivre un long rêve en jaune il y a huit ans n’est pas infamant. Mais c’est nécessaire pour apprécier la 106e édition du Tour à sa juste valeur, à savoir exceptionnelle pour la France.
J’ai du mal à quantifier l’engouement populaire suscité par Alaphilippe et Pinot depuis bientôt trois semaines, tant je n’ai pas suivi leurs performances avec un œil de supporter. Mais il m’a semblé impressionnant. Légitime, surtout. Alaphilippe, à Epernay, a réalisé quelque chose que le cyclisme moderne n’a plus l’habitude d’abriter en son sein. Pinot, dans les Pyrénées, a fait état d’une domination physique digne d’un vainqueur de Grand Tour qu’il n’est pas. Pas encore en tout cas. Derrière ces deux-là, qui ont phagocyté la lumière, Warren Barguil a réalisé une Grande Boucle correcte, tandis que Romain Bardet, immense déception, a au moins trouvé la force de signer une belle étape alpestre.
De là à dire que ce Tour est historique pour les Français ? Tout dépend de ce que l’on entend par historique. A l’aune du passé récent, je pense qu’il l’est, et ce même s’il s’en est allé en eau de boudin sur la fin. Mais il me semble souhaitable pour le cyclisme français qu’il ne soit pas jugé comme exceptionnel dans une trentaine d’années. C’est un opus de qualité, bien qu'inabouti, qui en appelle d’autres.
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Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step) sur le Tour de France 2019

Crédit: Getty Images

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