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Oui, les Français peuvent viser le Tour

Benoît Vittek

Mis à jour 06/07/2019 à 09:16 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Après 34 ans sans succès sur la Grande Boucle, le cyclisme français s'est enfoncé dans une humilité forcée. Bardet, Pinot et consorts sont pourtant redevenus de grands acteurs du mois de juillet. Et ce n'est pas la soi-disant pression médiatique qui va les arrêter.

Romain Bardet et Thibaut Pinot

Crédit: Eurosport

Les Français veulent gagner le Tour. Cela n'a rien d'exceptionnel : c'est probablement le fantasme le plus partagé par les adeptes de la petite reine du monde entier. Mais ici il ne faut pas le dire. Ou simplement comme un fantasme absolu : on ne risque pas de se brûler les ailes en rêvant de la lune, seulement lorsqu'on s'approche trop du Soleil.
Les injonctions à taire ces ambitions viennent de partout : des coureurs (les premiers à feindre l’ingénuité ou à noyer le poisson lorsqu’on parle d’objectifs), de leurs entourages (qui ont peur qu’on froisse le mental de leurs protégés) et des supporters échaudés par tant de supposés destins inaccomplis.
En cause, ce grand mal auquel les Français seraient (on ne sait trop pourquoi) plus sensibles que leurs rivaux étrangers : la pression. Le successeur de Bernard Hinault sur le podium des Champs-Élysées est attendu depuis trop longtemps, comme celui de Yannick Noah à Roland-Garros. Cachez ces ambitions qu’on ne saurait voir, inutile de faire peser sur chaque tête qui dépasse une responsabilité qui dépasse encore sa personne.
L'équipe AG2R La Mondiale à Bruxelles - Tour de France 2019

Bardet ou Pinot méritent qu'on les traite à la hauteur de leur statut

Mais la quête impossible du nouveau Blaireau et les espoirs qu’elle a suscités sont-ils vraiment en cause dans la rupture entre le Tour de France et les coureurs de France ? Plutôt du genre à renvoyer la pression sur ses adversaires, Hinault avait identifié un autre mal chez les coureurs moins dotés qui avaient pris sa suite : c’étaient des fainéants ! Les principaux intéressés rétorquaient qu’ils luttaient à armes égales contre la concurrence sur-vitaminée et sous-contrôlée.
Aujourd’hui, personne ne remettra en cause le travail d’un Thibaut Pinot ou d’un Romain Bardet. Ils seraient simplement un peu moins forts que leurs rivaux, ce qui ne les a pas empêchés de réaliser quelques jolis exploits par le passé. Mais l’hypothèse de les voir briller à nouveau doit rester étouffée, insonorisée par l’ouate qui serait nécessaire pour protéger les champions français.
Tant d'années d'échecs ont ainsi ancré l'idée que le succès ne mérite même pas d'être esquissé pour eux. Notons combien les victoires de Julian Alaphilippe ou Arnaud Démare (et même Nacer Bouhanni) ont pu désinhiber les attentes dans d'autres domaines... Le premier est devenu l'une des plus grandes stars mondiales de son sport. Il est attendu sur chaque course qu'il dispute et s'en accommode à merveille.
Depuis son podium sur le Tour, à 24 ans, Thibaut Pinot est devenu un vainqueur d'il Lombardia et d'étapes de montagne sur les trois Grands Tours. Romain Bardet est, en dehors des Sky/Ineos, le coureur le plus régulier dans la très haute performance sur la Grande Boucle depuis cinq ans. Sans en être des favoris, ils sont des prétendants au Tour. Traitons les comme tels.
Arnaud Demare (Groupama FDJ) - Tour d'Italie 2019

Bardet : "Gagner le Tour ne dépend pas que de moi"

Les sponsors, qui font vivre le sport et les coureurs dans une économie comme celle du cyclisme, sont d'ailleurs les premiers à appeler leurs coureurs assumer de grandes ambitions. Lui-même échaudé par ses propres échecs, Thibaut Pinot a longtemps fui l'idée de se fixer des ambitions déterminées publiquement, mais son succès sur le Tour de Lombardie semble l'avoir libéré. Oui, il veut remonter sur le podium des Champs-Élysées, comme il nous l'a expliqué lors d'un long entretien sur sa relation au Tour, au printemps.
Viser les sommets, c'est bien l'essence du champion. "Cela a commencé par des petits circuits urbains, dans les villages", se souvient Romain Bardet, reparti près de 20 ans en arrière dans un bel entretien au Monde sur la nature de sa pratique sportive. "Là, c’était la compétition, exclusivement. La compétition, c’est une partie de moi. Je voulais aussi être le meilleur en classe. Et à la récréation, ça continuait."
Mais lui aussi, tout en assumant viser l'excellence personnelle dans l’espoir d’aller chercher le Tour, a eu parfois peur de voir ses propos interprétés comme de l’arrogance. Il n'avait pas forcément tort. "J'ai été deuxième, ça aiguise l'appétit", reconnaît-il au bout de cet entretien avec Le Monde. "Mais la quête est plus importante que son accomplissement. Gagner le Tour ne dépend pas que de moi. M’y préparer au mieux, oui. Et ça, ça élève."
De l’autre côté de l’Atlantique, les Colombiens ne sont pas près de taire leur enthousiasme pour Egan Bernal. Le Team Ineos en a fait son co-leader pour mener l’équipe vers un septième succès depuis 2012. Parlez de pression ! Tous les Colombiens n’ont pas sa maturité… Tous les Italiens n’ont pas la science de Vincenzo Nibali, tous les Australiens ne sont pas tenaces comme l’était Cadel Evans. Un Slovaque ou un Allemand peuvent avoir un coup de moins bien alors qu’ils dominaient leur sujet. Et un Français peut bien avoir des ambitions sur le Tour.
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