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Tour de France : Du maillot jaune aux idées noires

Béatrice Houchard

Mis à jour 01/08/2019 à 15:41 GMT+2

TOUR DE FRANCE – Voilà maintenant quatre jours que la Grande Boucle s'est achevée. Quatre petits jours et le monde du sport semble déjà être passé à autre chose. De manière contrainte, ou forcée. En attendant l'année prochaine de revivre des émotions que seul le Tour peut en procurer, d'autres courses viendront combler les amoureux de la bicyclette.

Egan Bernal avec le maillot jaune sur le podium du Tour de France 2019

Crédit: Getty Images

Si l’on en croit Antoine Blondin, qui maîtrisait son sujet, après le maillot jaune viennent les idées noires : "Nous en aurons vu de toutes les couleurs pendant trois semaines, écrit-il un soir d’arrivée (…) Le Tour, carrefour des nations et des langages, est maintenant semblable à un quai de gare bruissant de partances et de déchirements refoulés…"
L’ami Blondin aurait peut-être évoqué en 2019 un Pinot noir, un Romain bardé de blanc à pois rouges ou crié "Allez, Philippe !" (rien à voir avec le Premier ministre) pour transmettre sa passion née en 1954. Cette année-là, alors qu’il n’a suivi que quelques étapes pour sa première rencontre avec le Tour, il a déjà tout compris. Il écrit le 22 juillet dans L’Equipe, au moment de regagner Paris alors que Louison Bobet s’apprête à conquérir son deuxième maillot jaune : "Ma mélancolie s’apparente à celle de l’enfant qui pointe un doigt vers le manège pour réclamer : 'Encore un tour !' "

Un syndrome post Tourum ?

Il existerait donc bel et bien, ce syndrome "post Tourum", semblable au syndrome "post partum", ce petit coup de déprime qui succède aux grandes joies ou aux grands événements, à la naissance d’un enfant ou au mot fin sur un livre. Les suiveurs de la caravane du Tour connaissent une frustration particulière : s’ils sont heureux de ne plus faire et défaire chaque jour leur valise, ils ne peuvent plus passer au feu rouge en traversant les communes, ni faire flasher les radars en se disant qu’Amaury Sport Organisation réglera tout ça avec la gendarmerie nationale.
Pour les autres, c’est la semaine où l’on dirait bien, là encore comme un enfant : "Je sais pas quoi faire", après avoir organisé pendant trois semaines son temps autour du Tour de France. La semaine de décompression où l’on se plonge dans les programmes de télévision pour savoir à quelle heure commence l’étape. Mais d’étape, il n’y a plus. Un coup d’œil sur France 2 ? Affaire conclue, tout le monde en parle. Sur France 3 ? Le Renard. Sur TF1 ? Joséphine ange gardien. Sur C8 ? Un vieil épisode de Maigret avec Bruno Cremer, bien ficelé mais qu’on a déjà vu dix fois, vingt fois, cent fois. On connaît la fin dès la première image. Alors que ce Tour 2019, qui se termine par Bernal après avoir été magnifié par Alaphilippe et rêvé par Pinot (sans oublier Bardet, Simon Yates, Sagan, Thomas de Gendt, Caleb Ewan et Nibali) on a attendu longtemps avant d’en connaître l’issue. Et elle était bonne, cette attente. Même si, comme toujours ou presque depuis 2012, c’est Sky-Ineos qui a gagné.
On a donc campé pendant plus de cent heures devant son poste de télévision. Egan Bernal, lui, a mis 82 heures et 57 minutes tout rond pour décrocher sa victoire. En bas de classement et queue de peloton, il a fallu 4 heures, 34 minutes et 23 secondes de plus à Sébastian Langeveld pour boucler la Boucle, chipant in extremis sa lanterne rouge à Yoann Offredo, ce coureur qui fait rimer attachant et attaquant.

La France est (déjà) passée à autre chose

Mais c’est fini. On a examiné les classements, comparé les performances, regardé des dizaines de vidéo, lu les interviews de Thibaut Pinot se cognant la tête contre sa malchance. A la une des pages sportives, le football a repris ses droits. La France a de nouveau la tête ailleurs, après s’être enflammée à l’idée de voir un Français succéder enfin à Bernard Hinault sur les Champs-Elysées.
Les coureurs, eux aussi, ont repris une "activité normale", comme disaient les Guignols de l’Info au temps de leur splendeur. La preuve : Dylan Teuns, écoutant le conseil du Candide de Voltaire, est retourné cultiver son jardin. Bien mal lui en a pris : à cause d’un "accident de tracteur tondeuse" (quinze points de suture au front), il est forfait pour la Clasica San Sebastian, le 3 août.
Et là, le moral repart à la hausse. Non pas à cause de la blessure du malheureux Teuns, vainqueur d’étape au sommet de la Planche des Belles Filles, mais parce que les courses recommencent. Samedi, San Sebastian avec Alaphilippe. Puis Tour de Pologne, championnat d’Europe, Vuelta, puis toutes les courses d’automne qu’on aime tant : championnat du monde, Paris-Tours, le Lombardie…
Dans un an, on sera fidèle au poste, prêt à lire tous les articles qui répèteront qu’aucun Français n’a gagné le Tour depuis Bernard Hinault en 1985. Ça ne fera plus trente-quatre ans mais trente-cinq, et ce sera toujours l’âge de Chris Froome. Les champions vieillissent. Comme les souvenirs d’une victoire française dans le Tour.
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Thibaut Pinot (Groupama-FDJ), lors de 17e étape du Tour de France 2019

Crédit: Getty Images

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