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Ineos, Jumbo, UAE : La raison des plus forts

Benoît Vittek

Mis à jour 24/06/2021 à 12:18 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Après une décennie de domination britannique, les Jumbo de Primoz Roglič et UAE de Tadej Pogačar ont progressé à vitesse grand V pour rivaliser avec l'équipe Ineos. Pour le reste du peloton, il sera bien difficile de peser sur la lutte à la victoire finale dans cette Grand Boucle 2021.

Roglic et Pogacar lors du Tour 2020

Crédit: AFP

Le cyclisme est un sport individuel pratiqué en équipe. Ou peut-être un sport collectif qui consacre des individus. Les poncifs sont faits pour être tordus mais la longue histoire du Tour et les dernières courses laissent peu de doutes sur l’issue de l’édition 2021 : le conquérant qui défilera en jaune dimanche 18 juillet sur les Champs-Élysées sera escorté par une armada de lieutenants, un collectif bourré de talent qui aura su contrôler 3.500km de course, imposer des situations favorables et limiter les pertes lorsque, immanquablement, les pièges de la route se sont retournés contre leur leader.
La force du nombre a toujours pesé sur le Tour, à travers les équipes à sponsors, les formations nationales ou les accords de gré à gré entre coureurs unissant leurs efforts. Un Grand Tour, a fortiori le plus prestigieux d’entre eux, ne récompense pas seulement le meilleur coureur. Cela vaut depuis toujours, et tout particulièrement en 2021. La concentration des talents atteint aujourd’hui de nouveaux sommets et cela se traduit directement dans les palmarès.
Pour remporter une course par étapes au niveau World Tour, il faut désormais être Tadej Pogačar (UAE Tour, Tirreno Adriatico), avec l’appui d’une UAE Team Emirates qui n’a plus rien à voir avec la Lampre moribonde d’il y a quelques années ; Primoz Roglič (Itzulia Basque Country), à la tête des “abeilles tueuses” de Jumbo-Visma ; ou un des innombrables leaders de l’équipe Ineos Grenadiers (Volta, Romandie, Giro, Dauphiné, Suisse). La seule exception est Maximilian Schachmann (Bora-Hansgrohe), vainqueur de Paris-Nice après la chute de Roglič dans la dernière étape.
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Tadej Pogacar devant Primoz Roglic sur le Tour du Pays basque

Crédit: Getty Images

Bilans sportifs et financiers

Ineos, Jumbo et UAE imposent la supériorité de leurs leaders mais aussi l’autorité de leurs structures, sur la route et en dehors. Chacune vante ses méthodes de pointe (entraînement, matériel, nutrition, récupération, médicalisation, psychologie…) grâce à des investissements considérables. Et combien d’équipes auraient pu financer la défense de Chris Froome face aux instances antidopage après son contrôle anormal au salbutamol sur la Vuelta 2017 ?
À l’époque, on parlait encore du Team Sky, et ce dernier surclassait la concurrence sur les épreuves par étapes et surtout le Tour. On disait de l’équipe britannique qu’elle était deux fois plus riche que ses premiers poursuivants. On suggérait même que ses finances étaient inépuisables, extensibles au gré de ses dirigeants et de leurs besoins pour donner vie aux ambitions cyclistes britanniques.
Cette archi-domination n’est plus de mise, ni dans les bilans financiers, ni sur la route. D'autres structures se sont élevées au niveau d'Ineos. Mais l’argent reste le nerf de la guerre cycliste, imposant des disparités croissantes entre l’élite du peloton, la classe moyenne et les structures les plus pauvres. Ça tourne même au ridicule lorsque les Grenadiers placent trois coureurs sur les trois marches du podium de la Volta a Catalunya.
Dave Brailsford, porté disparu pendant l’hiver et la tempête Freeman, a retrouvé la parole avec la démonstration de force de ses Grenadiers sur le Giro. Bernal y a été resplendissant en Rosa et toute l’équipe s’est montrée brillante à son soutien. Mais après avoir subi la loi des Jumbo-Visma et de Pogačar en 2020, Brailsford se présente presque en outsider sur ce Tour avec son équipe de stars ! "Attendez l'inattendu", promet-il en évoquant une "approche plus aventureuse".
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Dave Brailsford

Crédit: Getty Images

Talents exclusifs

Les Grenadiers feront notamment sans Rohan Dennis, qui avait détruit les rivaux de Tao Geoghegan Hart sur le Giro 2020 pour mener le Britannique à la victoire finale. Deux ans après son arrivée chez Ineos, l’Australien est en partance, vraisemblablement vers Jumbo-Visma, après avoir également mené des discussions avec UAE Team Emirates. À l'inverse, Laurens De Plus avait été écarté du Tour 2020 par la Jumbo avant son départ vers Ineos. Ce ne sont pas seulement les meilleurs leaders que les plus grandes équipes se partagent exclusivement, mais aussi les meilleurs lieutenants et domestiques.
À ce compte-là, il est difficile de construire un collectif à même de rivaliser, comme Groupama-FDJ ou AG2R Citroën ont tenté (avec des réussites ponctuelles) de le faire face au Team Sky de Chris Froome. Les super collectifs verrouillent la course pour éliminer l'incertitude, au grand dam des organisateurs, qui ont obtenu en 2018 le passage de neuf à huit coureurs par équipe. Les dynamiques de course n'ont pas changé pour autant. Cet été, trois ou quatre équipes (en ajoutant les Movistar ou les Bahrain aux Ineos, Jumbo et UAE) composeront l'essentiel du groupe des favoris quand la route se dressera. Elles imposeront un train étouffant pour briser leurs adversaires avant de libérer leur leader.
L'oppression collective ne paye pas toujours, comme lorsque les Jumbo-Visma se sont laissés déborder par la performance hors-norme de Pogačar sur la Planche des Belles Filles l'an dernier (alors qu'ils avaient les moyens d'éliminer le jeune Slovène plus tôt dans la course). Mais la raison des plus forts est souvent la meilleure. De Brest à Paris, les Ineos visent un huitième succès (en dix éditions) qui en ferait la troisième formation la plus victorieuse dans l'histoire du Tour, derrière l'équipe de France (12 victoires) et Peugeot/Z (10).
Loin du maillot jaune, la dernière victoire d’étape pour une équipe invitée sur le Tour remonte au succès de Lilian Calmejane pour Direct Énergie en 2017. Avant lui, Steve Cummings s’était imposé avec MTN-Qhubeka en 2015. De tels succès étaient encore communs il y a une douzaine d’années avec les équipes Europcar, Cervélo, Agritubel, Barloworld… Aujourd’hui, ces batailles intermédiaires sont remportées par des équipes de premier plan qui ont abandonné aux despotes du peloton la lutte pour le général.
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