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Tour de France 2023 - Ce que Thibaut Pinot dit de nous

Laurent Vergne

Mis à jour 23/07/2023 à 08:56 GMT+2

Thibaut Pinot dira définitivement adieu au Tour de France dimanche, sur les Champs-Elysées, avant de dire adieu au cyclisme en fin de saison. Mais pour ce qui est de la Grande Boucle, sa dernière image restera sans doute cette 20e étape chez lui, dans les Vosges, où il a été fêté comme l'idole qu'il est. Rarement un coureur aura tissé un lien aussi particulier avec son public.

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Thibaut Pinot n'a pas gagné samedi. Il n'a pas gagné non plus sur ce Tour de France, qu'il va achever à une 11e place presque anonyme dont personne ne se souviendra d'ici quelques années, voire d'ici quelques jours. Cela aurait été beau, bien sûr, mais comme il l'a soufflé lui-même à l'arrivée, "l'important pour moi était ailleurs".
Cette phrase a sans doute toujours été vraie pour lui, mais elle l'était plus que jamais dans cette 20e étape. Disons-le franchement, on s'en fout, qu'il n'ait pas gagné. Tout le monde lui pardonnera de ne pas avoir eu les jambes puisqu'il a eu le cœur. C'était cela, qu'on lui demandait, si tant est qu'il soit juste ou raisonnable de réclamer quoi que ce soit d'un sportif, quel qu'il soit. Ce qu'il a gagné samedi, c'est d'être pleinement lui-même dans une communion à ciel ouvert. La communion ultime. Une victoire, c'est presque banal. Une de plus dans la longue collection de Tadej Pogacar. Mais combien de coureurs peuvent prétendre avoir vécu ce qu'a vécu le Français au Petit Ballon ? Le point final parfait à une carrière pas comme les autres.
Que restera-t-il de Thibaut Pinot ? Bien plus qu'un palmarès, même si on sous-estime le sien. On parle ici d'un type qui a tout de même claqué un Monument (le Tour de Lombardie), remporté des étapes sur les trois Grands Tours, terminé 3e du Tour, 4e et 5e du Giro et 6e de la Vuelta. Si ce n'était que ça, Pinot, ce ne serait déjà pas négligeable, en tout cas à l'échelle du cyclisme français actuel.
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Mais, c'est vrai, il n'était pas une machine à gagner. Dans tout ce qu'a pu dire Marc Madiot samedi au milieu de son tourbillon d'émotions, ces mots sont peut-être les plus beaux, et surtout les plus justes : "Les palmarès, ce sont des lignes sur un bout de papier. Il n'y a pas des dizaines de lignes sur le sien, mais il va nous laisser autre chose."
C'est cet "autre chose" qui confère au grimpeur de la Groupama – FDJ ce statut si particulier, qu’il n'a jamais réclamé. Il aura été, à défaut de machine à gagner, une usine à émotions, d'autant plus fortes qu'elles ont été d'une nature souvent opposée, entre joies extrêmes et désillusions aussi grandes, parfois à quelques jours d'intervalle. Pinot, c'est un maelstrom. Il jouit d'une popularité qui lui échappe et qu'il n'a surtout pas réclamée, lui l'enfant sauvage, plus heureux caché dans son village avec ses chèvres qu'au milieu de la foule.
Thibaut Pinot a porté jusqu'au bout en lui une part de romantisme, idée insaisissable mais si précieuse dans ce sport qui se revendique sans cesse de sa propre histoire tout en s'en éloignant parfois dans sa course à la modernité. Pinot, lui, par on ne sait quel miracle, continue d'incarner une certaine idée de sa discipline, tout autant qu'un rappel aux grandes figures du passé français, d'Eugène Christophe à Raymond Poulidor, avec qui la foule a aimé pleurer.
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Madiot en larmes en parlant de Pinot : "Je n'ai pas cherché à le faire devenir quelqu'un d'autre"

Au fond, que raconte la popularité de Pinot ? Elle dit à coup sûr beaucoup plus de nous que de lui. Quelle est notre quête, nous, amoureux du sport qu'un déficit de talent, de capacités ou d'envie a laissé à notre place, condamnés à vivre par procuration ? L'émotion. Rien d'autre. Elle peut passer par la victoire, mais pas que. Le dénouement, heureux ou malheureux, influe sur la nature d'une émotion, pas nécessairement sur sa force. Le gamin qui a vécu Séville 82 ou France-Brésil 98 gardera une empreinte indélébile. Chagrin ineffaçable pour l'un, joie inégalable pour l'autre. Mais l'une et l'autre resteront. Comme dans la vie.
Pinot c'est nous, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses "drames". Nous sommes tous des Thibaut Pinot. Sa carrière, c'est une tranche de vie dans laquelle chacun peut aisément s'identifier, étape après étape. La vie, ce n'est pas une Formule 1. C'est de la chair, du sang, des rires et des larmes. C'est croire, espérer, s'effondrer, se relever. Il est des champions que l'on respecte, que l'on admire, sans forcément s'identifier à eux.
"Les gens aiment les émotions qu'on leur transmet à la télé. Je suis un coureur qui en donne, sans le vouloir", confiait-il l'an dernier dans un entretien à l'AFP, esquissant presque un autoportrait. Madiot a raison, il va nous laisser autre chose. Quelque chose de plus précieux que ses victoires en Lombardie, à l'Alpe ou au Tourmalet qui magnifient ses moments de perdition, et vice-versa. Un champion peut se définir par ses titres, ses statistiques, mais aussi à travers le lien qu'il tisse, presque miraculeusement, avec les autres.
A certains, quand ils se retirent, on a envie de dire bravo. Il faut le dire à "TiboPino" car encore une fois, sa carrière n'est pas celle de monsieur tout le monde. Mais il faut surtout lui dire merci. Pour ce qu'il a fait, au moins autant pour ce qu'il n'a pas pu ou su accomplir, mais surtout pour ce qu'il a donné. Plus que merci et bravo, pour Pinot, ce sera bravo, et merci. Pour tout.
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