Tour de France 2023 | Thibaut Pinot, du bonheur en barres : "La plus belle étape de ma carrière"

On ne sait pas dans quel état d'excitation s'est réveillé Thibaut Pinot ce samedi matin ou si même il a bien dormi avant son ultime étape de montagne sur le Tour de France, chez lui, là où il s'entraîne et là où il partage du temps avec ses amis. Puisqu'il l'a dit dans un élan émotif rare chez lui, on sait en revanche tout ce qu'il a ressenti sur la 20e étape du Tour de France.

Samedi matin, Pinot ne savait pas encore vraiment ce qui l'attendait. Bien sûr, comme nous, il avait vu les quelques images d'un virage Pinot déjà en feu dans le Petit Ballon mais à notre micro, le grimpeur de la Groupama-FDJ maîtrisait son émotion, contrairement à un Marc Madiot surpris par ses larmes. Le boss pensait que les vrais adieux, au Tour de Lombardie en toute fin de saison, seraient plus durs. "Je me suis trompé", reconnaissait-il, en pleurs après avoir dit tout le bien qu'il pensait du coureur et de l'homme Pinot.

Plus loin, on avait vu le même Madiot au cœur de la folie du Petit Ballon. Mais tout ceci n'était rien à côté de ce qui allait suivre quand Thibaut Pinot, seul en tête de l'ultime étape de montagne du Tour 2023, fendait la foule, en route, espérait-on pour un succès magnifique. Comme souvent depuis trois semaines, les fuyards n'ont jamais pu jouir d'un matelas confortable sur le groupe maillot jaune, 1'30'' tout au plus.

"J'ai joué l'étape pour la gagner, appuie Pinot. J'étais vraiment motivé, ça faisait quelques jours que je n'avais que ça en tête. J'étais pressé d'y être et j'ai fait ce que j'ai pu." Revenu sur le groupe de tête, le Français s'est lancé seul à l'assaut des Vosges à 30 kilomètres du but avec encore le Petit Ballon à gravir, là où l'attendaient ses fans. Seul, même au pinacle de l'effort, Pinot a pu savourer. Il raconte.

"Dans le Petit Ballon, c'était des frissons, une adrénaline incroyable, c'était juste de la folie, indescriptible. C'était peut-être la dernière fois que je ressentais ça… J'ai juste envie de dire merci, tout ça c'est pour moi et j'ai du mal à réaliser. J'ai essayé de trouver ma famille, je savais qu'ils étaient là. J'ai croisé des regards que je connaissais. J'ai eu la chance de passer devant en tête. c'était incroyable de jouer l'étape devant ce public, ce virage. Toute la montée, toute l'étape c'était noir de monde. J'étais vraiment fier d'avoir ramené autant de monde au bord de la route. Tout s'est bien passé, on a montré que j'avais le meilleur public de France."

Une fois de plus, Pinot a fait vibrer les siens, le Tour et la France. Dans la voiture Groupama-FDJ, Sébastien Joly, directeur sportif, y a cru. "Transcendé comme il était, on se devait d'y croire". Marc Madiot avouait lui "faire ce métier pour ces moments-là". Ces moments que Pinot mieux que personne sait créer. "Les palmarès sont des lignes sur un bout de papier, rappelle le boss des Groupama-FDJ. Il n'a pas des dizaines de lignes, mais il va nous laisser autre chose". Cet "autre chose" a poussé des milliers de personnes à se déplacer pour venir, pour certains, saluer une dernière fois l'artiste.

Tous auraient voulu que Pinot lève les bras au Markstein. Las, il n'avait pas assez dans le réservoir pour ça. "J'ai eu la chance de passer devant en tête, analyse-t-il en évoquant le virage Pinot. Ce n'était pas calculé, si je voulais gagner la course il fallait que je fasse ça. il m'a manqué un peu de jambes mais je n'ai pas de regrets à avoir." Combatif du jour, Pinot est au moins monté sur le podium protocolaire, l'occasion encore de voir que le public l'aime, quoi qu'il arrive.

"Le coeur va se serrer oui, surtout que je suis à la maison, réagissait-il encore, non avoir laissé échapper quelques larmes. C'est fou d'être ici, alors que ce sont mes routes d'entraînement. Je ne pensais pas que ça me ferait autant d'effet d'être là, je pensais que ça serait au Tour de Lombardie où j'aurais le cœur serré. Une page de mon histoire se termine ce soir. C'est plus fort que je ne le pensais."

Et si Marc Madiot avait démarré la journée surpris par sa propre émotion, il l'a aussi achevée dans les larmes… et dans les bras de son champion de coureur. Les deux hommes nous ont offert une image qu'on n'oubliera pas et qui a parfaitement résumé leur relation. Au héros du jour, le dernier mot : "J'ai vécu un grand moment, ce sera dans ma tête pour toujours. C'était magnifique, ça restera peut-être la plus belle étape de ma carrière".