Tour de France 2024 | Jonas Vingegaard, le grand cache-cache

Jonas Vingegaard n'aime pas la lumière. Ceci a peut-être tout à voir avec Hillerslev, le petit village de pêcheurs dont il vient là-haut, tout au nord du Danemark, plus sûrement à cause de son caractère taciturne. Il n'avait que peu goûté aux célébrations de son premier sacre sur le Tour de France, mal préparé qu'il était, comme d'autres, pour ce déferlement d'amour. Il ne l'aime pas quand il s'assoit sur le trône de son sport, il ne fallait pas s'attendre à autre chose depuis qu'il a connu les affres de la chute au Pays basque, début avril. Le mystère qui l'entoure depuis demeure épais.

Souvenez-vous du printemps dernier, celui de 2023. Il y a douze mois, le poignet de Tadej Pogacar occupait toutes les têtes à l'approche du Tour de France. Le Slovène se l'était fracturé sur Liège-Bastogne-Liège et l'on se rongeait les sangs à imaginer quelle pourrait être la forme du double vainqueur (2020; 2021) pour son duel annoncé face à Vingegaard. Fidèle à lui-même, "Pogi" en avait profité pour (bien) communiquer, se grimant quasiment à Rocky Balboa dans les rues de Monaco.

On savait tout, ou presque, de la préparation de Pogacar, tout simplement parce que sa personnalité le poussait à le faire. A l'inverse, Vingegaard fuit les médias et sa situation du moment l'arrange en ce sens. Puisqu'il n'est pas contraint de parler de lui, il ne le fait pas. Les seules nouvelles viennent ainsi de sa formation. De ses opérations réussies (9 avril), à sa sortie de l'hôpital (16 avril) en passant par son retour sur le vélo (7 mai) ou son arrivée en stage, à Tignes (29 mai). Des informations régulières, dites-vous ? Des bribes plutôt.

Le coureur lui-même n'a pris la parole qu'une seule fois, évidemment via son équipe et seulement au tout début de sa reprise, alors qu'il n'avait aucune information ni sur son état de forme, ni sur ce qu'il pouvait espérer pour le Tour de France, la seule échéance qui l'intéresse en 2024. Depuis ? Plus rien et seules des personnes l'entourant ont daigné en dire un peu plus sur l'homme pourtant le plus scruté du peloton mondial.

"Sera-t-il au Tour de France ? Pour moi c'est 50/50", a répondu Tim Heemskerk au journal danois, BT, et chacun aurait pu faire ce calcul tout sauf savant. "La première semaine en altitude a été consacrée à l'adaptation et à la récupération, et il vient de passer une semaine difficile, a ajouté ce dernier. Et maintenant, il y en aura une autre. L'important sera de savoir comment il réagira. Sera-t-il à la hauteur ? Sera-t-il fatigué ? La semaine qui vient et celle qui suit sont essentielles pour le Tour."

Là encore, pas besoin d'être un entraîneur de haut niveau pour comprendre que l'entraîneur de Vingegaard parle beaucoup… pour ne pas dire grand-chose. Le double tenant du titre pourrait venir pour jouer le podium s'il n'était pas à 100%, dit-on encore. Qui peut croire que Vingegaard se soumettra aussi facilement à la domination d'un ou deux adversaires ? S'il doit finir sur l'une des deux dernières marches de la "boîte", "Vingo" n'en sera pas satisfait, évidemment.

Tout ceci sert donc à donner l'impression que l'on communique pendant que le coureur poursuit sa préparation dans son coin. Trop court pour le Critérium du Dauphiné, Vingegaard ne donnera pas d'indices sur son état de forme en compétition. Après tout, chez Visma comme ailleurs, on est largement capable de reproduire à l'entraînement les chiffres de puissance de la compétition. Peut-être le tenant du titre manquera-t-il d'un peu d'informations sur lui-même… mais les autres aussi.