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Tour de Pologne - Depuis l'accident Groenewegen-Jakobsen, le débat fait rage dans le peloton

Benoît Vittek

Mis à jour 07/08/2020 à 16:16 GMT+2

L’enthousiasme de la reprise cycliste a été douché par la chute effroyable de Fabio Jakobsen, victime d’un geste inconsidéré de Dylan Groenewegen. La fête est finie, place aux examens de conscience.

Groenewegen, mesaj pentru Jakobsen după accidentarea horror din Polonia

Crédit: Getty Images

Ce devait être un hommage et une fête. Mercredi, le 5 août, un an jour pour jour après la mort tragique de Bjorg Lambrecht, le Tour de Pologne célébrait la mémoire du jeune Belge, emporté par un accident sur ces mêmes routes, et marquait le départ de la première course par étapes de niveau World Tour dans cette deuxième partie de saison cycliste. Les hommages et la reprise se préparaient depuis de longues semaines. Tout a volé en éclats en un instant. Place aux images d’horreur et à un tourbillon d’émotions douloureuses.
Après le choc, la compassion a rapidement primé pour Fabio Jakobsen, principale victime du geste inconsidéré de Dylan Groenewegen. Opéré au visage et au niveau des voies respiratoires pendant cinq heures, le Néerlandais s'est réveillé de son coma artificiel vendredi, ont annoncé les organisateurs de l'épreuve. Une nouvelle attendue avec appréhension par les proches du coureur et les fans du monde entier, qui expriment leur soutien en partageant une image du champion des Pays-Bas partagée par son équipe Deceuninck-Quick Step avec ces mots simples : Forza Fabio.
Mutique pendant que les foudres du monde entier s’abattaient sur lui, Dylan Groenewegen a lui aussi exprimé sa désolation et ses meilleurs souhaits pour son compatriote néerlandais : "Ce qui s’est passé hier est terrible. Je ne peux pas trouver les mots pour décrire à quel point je suis désolé pour Fabio et pour les autres qui sont tombés. Ce qui compte maintenant, c’est la santé de Fabio. Je pense à lui tout le temps."

Un écart, d’innombrables conséquences

Groenewegen a lui même été opéré d’une fracture de la clavicule. Son équipe décrit un homme en état de choc, dont le geste a blessé de nombreux individus. Les séquelles physiques seront durables, notamment pour Jakobsen. Mais l'empathie pour les victimes de cette terrible scène se doublera forcément d'un débat qui bouillonne depuis l’accident.
Patrick Lefevere, le patron de la Deceuninck-Quick Step, compte d'ores et déjà poursuivre en justice Groenewegen, qui devra également se présenter devant la commission de discipline de l’Union cycliste internationale (UCI). Les accusateurs du Néerlandais trouveront facilement des arguments à charge : par son attitude très lourde de conséquences, Groenewegen a enfreint les règlements de l’UCI et directement mis en danger la vie de Jakobsen et d'autres personnes alentours.
À la décharge de Groenewegen, on relèvera que son comportement dans le sprint de Katowice n’avait rien d’inédit et que nombre de ses rivaux ont déjà commis pareils écarts. Le règlement de l’UCI stipule qu’il est "strictement interdit aux coureurs de dévier du couloir qu’ils ont choisi au moment du lancement du sprint en gênant ou en mettant en danger les autres". Un texte suffisamment flou (à partir de quel moment gêne-t-on un adversaire ou le met-on en danger ?) pour laisser place à des interprétations variables et pour être souvent ignoré. Tant qu’il n’y a pas de drame, ça passe.
Une arrivée de fous !!
On observera également que ce genre d'accrochage n’est pas nouveau, sans donner lieu à de tels drames - on pense notamment à l’incident entre Mark Cavendish et Peter Sagan à Vittel sur le Tour de France 2017. Dans le feu de l’action, Groenewegen a sûrement conscience que son écart est dangereux, mais jamais il n’imaginait que son geste inconsidéré mènerait Jakobsen à lutter pour sa vie. Il estimait sans vraiment y penser que ça passerait, qu’il n’y aurait pas de drame… À 27 ans, sa vie aussi a basculé, comme ça peut arriver à n’importe quel imprudent dépassé par les conséquences inenvisagées de ses actes.
Les organisateurs du Tour de Pologne non plus n’imaginaient pas pareil drame sur une arrivée régulièrement empruntée ces dernières années et dont les coureurs avaient déjà pointé la dangerosité. En 2018, Pascal Ackermann s’était imposé au même endroit après un slalom furieux au milieu de ses adversaires. "C’était dangereux parce que j’allais trop vite à l’arrivée pour avoir une ligne parfaite et j’ai dû aller sur la droite, c’était critique mais je pense que c’était ok", avait alors commenté l’Allemand, qui expliquait avoir atteint une vitesse de pointe de 105km/h dans l’emballage final. Un truc de dingues ? Pas de drame, ça passe.
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Ackermann s'est faufilé dans le trafic pour doubler la mise : son sprint vainqueur en vidéo

Après le choc de mercredi, le vétéran espagnol José Joaquin Rojas pouvait s’indigner sur Twitter : "Il est clair que le sprint de Groenewegen n’est pas propre mais une arrivée au sprint à plus de 80km/h sur un circuit de merde, c’est une arrivée de fous !! Qui se préoccupe de nous ?" D'autres relevaient le danger posé par les barrières choisies pour baliser la route et qui ont volé lors de l'impact avec Jakobsen.

Examens de conscience

Victoire et spectacle à tout prix : il faut toujours modérer ces injonctions qui mènent au drame le jour où ça casse. "Ça fait partie du sprint", aurait-on simplement dit en cas d’arrivée houleuse mais sans accrochage. C’est une invitation à prendre des risques excessifs, jusqu’au rappel à l’ordre sous la forme d’une chute.
Cet accident est également l'occasion d’interroger notre rapport à des images terribles, sur lesquelles de nombreux adeptes des réseaux sociaux (anonymes et comptes influents) se sont jetés et sous lesquelles les proches des coureurs se sont retrouvés ensevelis, alors qu’on ignorait tout de l’état de santé des hommes qui se fracassaient contre le bitume. "S’il vous plaît, tous ceux qui partagent les images de la chute, pensez aux familles qui regardent", a demandé Peta Cavendish, qui s’est souvent inquiétée pour son époux Mark.
Talentueux et souriant, Jakobsen nous a habitués à des images bien plus heureuses. L’an dernier, il rayonnait dans l’hôtel de ville de Madrid après avoir remporté la dernière étape de la Vuelta. C’était l’occasion de prendre rendez-vous avec lui pour l’édition 2020 du Grand Tour espagnol, dont le départ était prévu le 14 août aux Pays-Bas. Pandémie oblige, la Vuelta s’élancera en octobre du Pays-basque. Et on ignore si Fabio Jakobsen pourra un jour remonter sur un vélo. Pour lui, ce n'est à cette heure pas le plus important.
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