Un contrat à 1 million d'euros pour Demi Vollering, une pluie de stars sur le marché ? Le risque de la "silly season"

Le chiffre a donné le tournis au peloton ces derniers jours. A l'heure où le cyclisme féminin continue sa croissance à vitesse grand V depuis quatre ans, une nouvelle ère contractuelle semble peu à peu s'ouvrir dans le sillage de ce développement. C'est Demi Vollering, vainqueure du dernier Tour de France, qui pourrait en être l'une des grandes bénéficiaires. Plusieurs médias néerlandais, appuyés par Cycling News, rapportent que la Batave se serait vu offrir un salaire d'un million d'euros de la part de la formation UAE Team ADQ à partir de 2025.

Ce potentiel transfert sonnerait incontestablement comme une énorme bombe. Une nouvelle ère, encore une fois. L'écosystème et l'économie continuent d'être bouleversées, l'argent continue d'arriver. Les ambitions et les rêves de grandeurs, aussi. Plus que jamais, la petite reine est bien partie pour expérimenter une silly season, à l'image de ce qui se fait en Formule 1. Mais gare à ne pas appuyer trop fort sur l'accélérateur.

Si Demi Vollering est le gros poisson de ce mercato inédit et semble bien partie toucher le jackpot, elles sont très nombreuses à pouvoir espérer prendre une belle part de ces nouvelles ambitions et de ce développement économique. C'est surtout le pedigree des filles en fin de contrat qui a de quoi faire rêver les différentes écuries.

Outre la vainqueure de la Grande Boucle, la championne du monde et meilleure puncheuse de la planète Lotte Kopecky arrive aussi en fin de bail. La championne d'Italie Elisa Longo Borghini, la Polonaise Katarzyna Niewiadoma, deux fois troisième du Tour de France Femmes, la triple championne d'Europe du chrono Marlen Reusser, la Française Juliette Labous, deuxième du dernier Giro, ou encore "Lizzie" Deignan : toutes peuvent changer d'air.

Manager général de la FDJ-Suez, l'une des formations les plus riches du peloton avec quatre millions d'euros de budget cette saison, Stephen Delcourt doit également négocier avec la situation contractuelle de trois de ses leaders : Cecilie Uttrup Ludwig, Marta Cavalli et Grace Brown. "On n'a pas le choix (ndlr, de faire face à cette période). Le but, c'est surtout de ne pas le subir. On est déjà en pourparlers avec Cecilie, Grace, Marta… et d'autres à l'extérieur."

Pour rester au sommet face à la SD Worx et répondre aux assauts des formations ambitieuses comme UAE Team ADQ, le dirigeant s'est montré prudent quand nous l'avons rencontré : "On ne peut pas se permettre de baisser notre niveau tout en dépensant plus que ce qu’on a. On n’a pas de pays, on a pas d’actionnaire. L’essentiel, c’est que notre collectif soit toujours plus fort en 2025, 2026, puis 2027, ça peut passer par des paris."

La manne financière grandit. En 2024, les budgets des formations World Tour ont augmenté de près de 30%. Les coureuses de ces équipes perçoivent en moyenne 35 000 euros lorsqu'elles sont salariées, 57 400 si elles sont indépendantes. La croissance est forte. Elle inquiète aussi Stephen Delcourt : "Il y a eu un grand développement de notre sport, mais il ne faut pas que ça aille trop vite. On a toujours peur du changement. De toute menace, on créera une opportunité."

Ces rumeurs de salaires mirobolants animent les coulisses, mais c'est vers le bas de la pyramide qu'il faut surtout regarder. Ce marché de transfert pourrait encore créer des écarts, même si l'UCI et les équipes travaillent intensément pour réduire les écarts et offrir de bonnes conditions à toutes les athlètes.

Coéquipière de Demi Vollering, la meilleure sprinteuse du monde Lorena Wiebes a souligné cette ambivalence et ce besoin de trouver de l'équilibre auprès de nos confrères de CyclingNews. "C'est bien que les salaires augmentent, mais nous devons aussi penser aux autres coureuses, pas seulement aux meilleures. Je dirais que Demi vaut la peine (ndlr, d'investir autant d'argent sur ses services), mais il faut que tout le monde ait un bon salaire." "Ce n'est pas le prix normal si l'on compare avec la visibilité de notre sport", appuie de son côté Stephen Delcourt.

Cette situation de folie financière tranche clairement avec la précarité de nombreuses filles du peloton. Les écarts sont énormes entre les formations du haut de tableau et celle du fond de grille. Certaines comme Typhaine Laurance (ex-Lifeplus Wahoo) et Maryanne Hinault (ex-Arkéa Pro Cycling) ont dû renoncer à leur carrière. Toutes les structures n'ont pas suivi. Avec sa pléiade de stars sur le marché et cette nouvelle donne financière, cette "silly season" 2024 est un moment important de l'histoire du cyclisme féminin. Elle doit surtout permettre de distribuer plus de cartes pour toutes.