Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Champions du monde au Caire : Ysaora Thibus - Romain Cannone, chemins croisés, destins dorés

Loris Belin

Mis à jour 20/07/2022 à 09:38 GMT+2

CHAMPIONNATS DU MONDE 2022 – Romain Cannone et Ysaora Thibus sont devenus mardi champions du monde, respectivement à l'épée et au fleuret. Pour ses deux premières breloques en or, l'équipe de France aurait difficilement pu miser sur deux profils plus différents que ces deux géants, réunis par la gagne au Caire.

Deux "Marseillaise" pour le prix d'une : Cannone et Thibus tout sourire sur le podium

Lui était attendu. Elle, attendait. Romain Cannone et Ysaora Thibus faisaient partie des principales chances de médaille françaises de ces Mondiaux d'escrime. L'épéiste et la fleurettiste n'ont pas manqué leur coup mardi. Les voilà champions du monde, les deux premiers titres de l'équipe de France au Caire. Le bilan bleu-blanc-rouge est déjà aussi garni en sacres que lors de la dernière édition, en 2019, le tout coup sur coup. Cannone et Thibus sont opposés et pourtant tous les rejoint désormais dans une demi-heure d'éternité.
Il fallait les voir, tout sourire, coiffe de pharaon et de reine d'Egypte, les trophées remis aux champions cette semaine au Cairo Stadium Indoor Halls Complex. Comme si l'histoire elle-même cherchait à les réunir. Pourtant, entre la Guadeloupéenne et le globe-trotteur de Boulogne-Billancourt n'ont pas grand-chose en commun l'un avec l'autre.
picture

La touche-éclair et l'explosion : le titre mondial de Thibus au fleuret en images

Lui, c'est une vie de nomade offerte avant même qu'il ne soit en mesure d'exprimer son avis. Romain Cannone est peut-être né dans l'Hexagone. Mais il a grandi entre le Brésil et New-York, au fil des voyages de ses parents. C'est entre les mains d'un mentor ukrainien que le jeune Cannone découvre l'escrime. Un vrai citoyen du monde, arrivé au haut-niveau sur le tard par un cursus soudain plus rangé : Creps de Reims puis l'Insep. Des voyages, Thibus en a bien moins connu dans son adolescence. Simplement celui de ses Abymes natales jusqu'à la métropole, Aix-en-Provence puis rapidement, Paris. Un parcours d'élève modèle en somme. Et puis la rupture.
En 2017, Thibus quitte l'Insep à la surprise générale. Direction la Californie, avec Race Imboden, escrimeur américain, avec qui elle concilie vie professionnelle et vie privée. Du confort du cocon fédéral, Ysaora part à l'aventure en pionnière dans l'escrime française, pour espérer passer un cap. C'est que la fleurettiste commence à se lasser des places d'honneur. Médaillée lors de chacun des Championnats du monde et d'Europe depuis 2013, elle échoue encore à grimper - seule ou en équipe – sur la plus haute marche du podium. "Moi, quand je suis partie, j'étais la seule, c'était très compliqué, expliquait-elle à l'AFP. C'est difficile de s'adapter, ce sont des choses qui prennent du temps. Il y a aussi la pression des gens qui attendent que l'on réussisse tout de suite."
Romain Cannone, lui, n'en est pas à de telles références niveau palmarès. Dans le giron fédéral, il grandit dans l'ombre, cantonné au second rôle, dans le casting des compétitions par équipe, mais pas encore suffisamment d'envergure pour défendre ses chances en individuel. Et puis vient Tokyo. De remplaçant, il monte en grade, suite à la mise à l'écart de Daniel Jérent. Venu de nulle part ou presque, il renverse des montagnes au Japon. Peut-être est-ce parce qu'aucun de ses adversaires ou presque ne l'a vu à l'œuvre. Ils ne tarderont pas à être mis au parfum. L'inconnu devient le premier champion olympique tricolore de l'édition nippone.
picture

Cannone en or : la 15e touche du sacre et l'explosion de joie du clan français

Thibus coupe, Cannone enchaîne

Pendant ce temps, Ysaora Thibus broie du noir. Elle d'ordinaire si métronomique dans les grands rendez-vous s'écroule dès le deuxième tour en individuel. "Je n'avais vraiment plus envie d'entendre parler d'escrime, admet-elle à l'AFP, après quatre mois d'absence d'entraînement. J'étais épuisée psychologiquement après ces Jeux. Tous les obstacles pour pouvoir s'entraîner les derniers mois ont créé une espèce de dégoût."
Au Caire, la Guadeloupéenne est encore une sérieuse prétendante. Mais elle avance, pour une fois, sans véritable certitude. Quand son compère Cannone doit revenir sur terre. Du 47e bilan en arrivant à Tokyo, il est cette fois numéro un mondial avant ces Mondiaux. La concurrence ne tombe plus dans les mêmes pièges. Il se fait sortir d'emblée par un jeune Belge qui monte, Neisser Loyola. "Peter Pan" doit grandir vitesse grand V pour rester au sommet.
"J'ai digéré mon changement de statut, assurait-il le mois dernier à l'AFP. Je n'entre pas en compétition en me disant que je suis champion olympique et que, du coup, je mérite de gagner. Tout le monde peut battre tout le monde, surtout à l'épée. Il faut le garder à l'esprit." "Il s'est un peu retranché sur lui" nous expliquait pour sa part l'entraîneur national Hugues Obry, face au poids nouveau sur les épaules de son athlète, parfois encore lourd à porter, notamment avec l'ensemble du groupe France de l'épée. "Avant, il avait un rôle de joker dans l'équipe alors que désormais, il doit faire des matchs complets, ce qui est un peu plus dur pour lui aussi."

"ToutanCannone" et "NeferThibus", roi et reine d'Egypte

Ce mardi, Romain Cannone n'a pas connu un fleuve aussi tranquille qu'à Tokyo, où il avait survolé la compétition, n'étant mené qu'une seule fois sur l'ensemble de ces combats. En quart de finale, il lui a fallu avoir les nerfs solides pour écarter Kazakhe Ruslan Kurbanov, longtemps resté à ses basques (12-12, puis victoire 15-13). Ses retrouvailles avec Neisser Loyola, cette fois en demi-finale, se jouent à l'ultime touche, au terme d'un affrontement de haut niveau. Moment choisi pour sortir ce qui est devenu son geste signature : une attaque au pied, au moment où son adversaire pose un appui de trop. De l'escrime plaisir, imparable, offensive. Une fulgurance Cannone pur jus.
picture

Cannone sort sa spéciale au meilleur moment : sa touche au pied pour se hisser en finale à l'épée

Ysaora Thibus a adopté une autre ligne, façon rouleau compresseur. D'une sérénité remarquable, inébranlable même, malgré une alerte à la cheville en quart de finale, puis au pied en demi-finale, la Guadeloupéenne a marché sur l'adversité. Oubliés les doutes, l'absence d'envie. C'était Thibus la guerrière, imbattable en demi-finale – seulement trois touches laissées à la Roumaine Maria Boldor ! -, maestro pour l'or face à Arriana Errigo, qui elle connaissait la musique par cœur avec ses huit titres mondiaux.
51 ans que le fleuret féminin français attendait une successeure à Marie-Chantal Demaille sur le toit du monde. 37 ans qu'un épéiste n'avait pas enchaîné un doublé JO – Mondiaux, déjà un Français, Philippe Boisse. Thibus est désormais championne du monde pour la première fois, après 14 titres de championne de France, quand Cannone n'a pas la moindre médaille d'or nationale, mais bien celle des Jeux et des Mondiaux. Jusqu'au bout, les deux champions du jour auront connu des parcours singuliers. Des chemins de vie, de carrière qui ont fini par se croiser le temps de marquer l'histoire.
picture

Rien ne pouvait l'arrêter : le sacre mondial à l'épée de Cannone en vidéo

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité