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Gauthier Grumier ? Un mec génial, casse-couilles, et… bronzé

Laurent Vergne

Mis à jour 10/08/2016 à 04:40 GMT+2

JO RIO 2016 - Gauthier Grumier n'a pas décroché le titre olympique dont il rêvait, mardi. Mais sa médaille de bronze est une belle récompense, d'autant que ces Jeux, selon toute vraisemblance, vont marquer la fin de sa carrière. Elle a en tout cas apporté beaucoup de joie et d'émotion à l'épéiste et à son entraîneur, Hugues Obry.

L'épéiste français Gauthier Grumier, médaillé de bronze à Rio

Crédit: Panoramic

A la 15e et dernière touche de son match pour la troisième place face à Steffen, celle de la première médaille française en escrime aux Jeux Olympiques depuis huit ans, celle du soulagement collectif et d'une forme de consécration individuelle pour lui, à 32 ans, Gauthier Grumier est resté calme. Pendant qu'Hugues Obry bondissait comme un cabri dans tous les sens en criant "la médaille, la médaillé, la médaille", Grumier n'a (presque) pas bronché. "Je n'avais pas envie de laisser éclater ma joie en face de mon adversaire, a-t-il expliqué. Ce n'est pas comme ça que je suis. Les JO, c'est dur à vivre pour le quatrième. Dans les autres championnats, il y a deux médailles de bronze. Je n'avais pas envie de lui faire ça."
Après ça, vous comprendrez mieux pourquoi Hugues Obry, la voix fragilisée par l'émotion, dit de son médaillée olympique que "c'est un mec génial.""Il n'a pas toujours l'air comme ça mais c'est un mec vraiment génial, insiste l'entraîneur national de l'épée masculine, très, très ému. Ceux qui se trompent sur lui, j'ai envie de leur dire 'regardez un peu plus en profondeur', parce que c'est un mec bien." Désormais, Gauthier Grumier est un mec bien et un médaillé olympique. Numéro un mondial, il briguait évidemment autre chose, mais dans ce contexte, après le zéro pointé de Londres et les deux quatrièmes places de Lauren Rembi et Manon Brunet, elle fait quand même un bien fou.
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Gauthier Grumier lors de son premier match à l'épée face au Brésilien Athos Schwantes lors des Jeux Olympiques de Rio 2016

Crédit: AFP

Obry : "Il y a des gens qui l'ont assassiné"

L'escrime française a fait du chemin depuis le fiasco de 2012 et c'est tout particulièrement vrai pour Grumier. Arrivé en Angleterre avec de hautes ambitions, il avait disparu dès les 16es de finale. "Il était un moins que rien, rappelle Obry. Je l'ai récupéré il pouvait à peine marcher." Avec lui, plus qu'avec tout autre peut-être, le travail de reconstruction a été total. Mais le matériau de base était d'une telle qualité… Obry, encore : "Il y a des gens qui l'ont assassiné. Moi j'ai toujours cru en lui. Parce qu'un talent, ça se voit. Je connais mon boulot, je connais l'escrime. Ça se voit, ce mec il est talentueux, il a la grinta, il est fait pour ça."
Si Hugues Obry est si ému, c'est évidemment parce que cette médaille met fin à une longue disette. Mais aussi parce qu'il entretient un rapport particulier avec Grumier. Il se souvient encore de la première fois qu'il a vu débarqué le gaucher nivernais. "J'étais à Livry-Gargan, raconte le vice-champion olympique 2000. On fait un tableau de 16. Et là il vient me demander un autographe juste avant de tirer contre moi. Je me suis dit 'putain ce gamin, il a du cran', mais je sentais quand même l'embrouille. Après, il a pris une rouste parce que j'étais au-dessus de lui." Depuis, ils ne se sont plus quittés. "Je l'ai pris sous mon aile quand il est arrivé, puis je l'ai vu changer, énormément", dit encore Obry.

Du recul, pas du détachement

Notamment depuis 2012. La métamorphose entre le Grumier humilié à Londres et celui médaillé à Rio est colossale. Sportivement et humainement, l'un allant sans doute avec l'autre. "J'ai quatre ans de plus. J'ai 32 ans. Je suis marié. Je suis devenu père de famille, j'ai pris de la maturité", explique-t-il. Son approche, aussi, a évolué. "Je prends les choses avec un peu moins de sérieux", ajoute-t-il, au sens où il dramatise moins les choses. Du recul, pas du détachement. C'est grâce à cela qu'il est apparu extrêmement calme tout au long de la journée.
Y compris après sa défaite en demi-finale. "Je m'étais préparé à toutes les éventualités, je me suis préparé toute ma vie à ça", explique le numéro un mondial. Il ne s'est alors pas arrêté devant les médias, "parce que je ne voulais pas qu'on parle d'une défaite, je voulais me reconcentrer tout de suite. Ce match pour la troisième place, je l'ai préparé comme une finale." Là, il s'est isolé. Pas un mot avec Obry. "Il m'a laissé dans mon truc. Il fallait me laisser dans mon jus. On n'a pas parlé. On a pissé, on a cherché de l'eau. Je n'ai pas tergiversé, j'ai l'expérience pour gérer ça maintenant." Elle a payé.
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Athos SCHWANTES (BRA) contre Gauthier GRUMIER (FRA)

Crédit: Panoramic

"Là, vous êtes en train de me faire pleurer"

Désormais focalisé sur la compétition par équipes, Gauthier Grumier y livrera sa dernière grande bataille. Après, il raccrochera, pour devenir entraîneur national. Hugues Obry s'en amuse déjà. "Quand t'es athlète, tu t'occupes de toi, souffle-t-il. Quand t'es coach, tu t'occupes de 15 mecs et ils te cassent tous les couilles Et Gauthier lui il me les casse bien. Il va comprendre sa douleur quand il va devenir entraineur." Ne vous y trompez pas, il n'y a que de l'affection là-dedans. Quand on lui a rapporté ces propos, Grumier a souri : "De toute façon, tout ce que tu peux faire quand t'es entraîneur, c'est stresser comme un malade. Hugues, il doit être à 240 pulsations/minute. Il ne dort pas assez. Moi, je suis un gros dormeur, j'espère que ça continuera."
Il en connait d'autres, en revanche, pour qui la nuit de mardi à mercredi sera courte. "Je n'imagine même pas ma famille, à Nevers et à Paris, comment ils sont. Ils vont faire sauter le champagne et ils ne vont pas beaucoup dormir. Je pense à ma femme, à mon fils, qui sont restés tous les deux à Paris. A mes parents, mes grands-parents… " Il s'arrête, puis : "Là, vous êtes en train de me faire pleurer." Il y a eu beaucoup de larmes du côté de l'escrime française mardi soir. Mais elles avaient un parfum qui lui était inconnu depuis huit longues années...
De notre envoyé spécial à Rio, Laurent Vergne
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