Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Les rois sans couronne : Dan Marino, la symphonie inachevée du Golden Boy

Laurent Vergne

Mis à jour 23/05/2020 à 23:44 GMT+2

Un talent fou, une personnalité marquante, une gigantesque carrière… Ces sportifs avaient tout, absolument tout, pour être les maîtres de leur sport. Mais ils ont toujours manqué le Graal. Jusqu'à dimanche, Eurosport.fr revient sur ces rois et reines qui n'ont jamais décroché la couronne. Troisième épisode avec Dan Marino, immense quarterback n'ayant jamais remporté le Super Bowl.

Dan Marino.

Crédit: Getty Images

Détroit, février 2006. Les Pittsburgh Steelers s'apprêtent à remporter le 5e Super Bowl de leur histoire, face à Seattle. A la tête de leur attaque, Ben Roethlisberger. A 23 ans et 340 jours, il va devenir le 2e plus jeune quarterback de l'histoire du Super Bowl. Derrière Dan Marino. S'il a effectué toute sa carrière à Miami, Marino est né à Pittsburgh et a grandi comme fan des Steelers. Alors, avant la grande finale, il tient à alerter "Little Big Ben" : "N'écoute pas ceux qui te disent que tu es jeune, que tu as le temps d'en jouer d'autres. Tu n'en sais rien. Garde ça en tête en rentrant sur le terrain : c'est peut-être la dernière fois que tu disputes le Super Bowl."
Marino sait de quoi il parle. Il avait 23 ans et 127 jours lorsqu'il a découvert le Super Bowl, en février 1985. Un record de précocité qui tient toujours aujourd'hui, trente-cinq ans après. Le maître à jouer des Dolphins achève alors seulement sa deuxième campagne en NFL, mais il en est déjà le roi. Premier quarterback à lancer pour plus de 5 000 yards en une saison, il est logiquement désigné MVP de la Ligue. Un an et demi plus tôt, il a été drafté par Miami en 27e position. Seulement, pourrait-on dire. Des rumeurs, injustifiées, sur son côté fêtard et sa prétendue consommation de drogue l'ont fait glisser doucement mais sûrement dans la hiérarchie. Tant mieux pour la franchise floridienne qui, en fin de premier tour, rafle la mise.
picture

Dan Marino lors de sa dernière année universitaire avec Pittsburgh.

Crédit: Getty Images

"Joe, l'année prochaine, c'est moi qui paie ma tournée"

Après avoir emmené les Dolphins en playoffs dès sa première année, le Golden Boy les guide donc vers le Super Bowl dans sa deuxième saison. En finale de conférence, dernière marche avant le grand rendez-vous, Miami reçoit Pittsburgh. Face à l'équipe de son enfance, Dan the Man sort un véritable chef-d'œuvre : 421 yards et quatre touchdowns. Les Steelers sont broyés par l'infernale attaque floridienne. 45-28. "Ça reste le plus grand souvenir de ma carrière", assurait encore Marino en 2015.
Deux semaines plus tard, la nouvelle star de la NFL se retrouve donc à 60 minutes de sa première bague de champion. Face à lui, la meilleure équipe de la décennie, les San Francisco 49ers de Joe Montana. Au Stanford Stadium, à 50 bornes à peine au sud de SF, les Niners sont presque à la maison. Ils sont surtout comme chez eux au Super Bowl. S'il lance pour plus de 300 yards, Marino commet aussi deux interceptions. Miami s'incline lourdement, 38 à 16. Montana est élu MVP du match.
Dans l'esprit de tous, à commencer par celui de Dan Marino, son heure viendra. Il tourne même une pub pour Pepsi quelques semaines plus tard avec Montana. Les deux vedettes sont devant un distributeur. Joe Cool régale et offre une canette à son confrère. "Tu me dois bien ça", soupire Marino. A la fin du spot, Montana s'en va, puis Dan l'interpelle : "Joe, l'année prochaine, c'est moi qui paie ma tournée."

Le plus grand quarterback sans titre

Mais il n'y aura pas de prochaine fois. Ni en 1986 ni jamais. Le plus jeune quarterback à jamais avoir foulé la pelouse d'un Super Bowl ne l'a aussi fait qu'une fois. Drôle de paradoxe. "Après le match, explique Marino à propos du Super Bowl 1985, j'étais déçu bien sûr, mais je me disais 'vous savez quoi, je vais revenir et on gagnera. Et plus d'une fois, même'. Mais ce n'est jamais arrivé. Oui, c'est mon plus grand regret."
Depuis la création du Super Bowl, en 1967, il est sans contestation possible le plus grand quarterback à ne pas avoir remporté le titre suprême. D'autres QB de premier plan ont échoué dans cette quête, de Fran Tarkenton à Philipp Rivers, de Warren Moon à Dan Fouts en passant par Jim Kelly, mais Marino est dans une dimension à part.
Même en élargissant à tous les postes, seuls Bruce Smith, Barry Sanders ou Randy Moss peuvent sans doute rivaliser. Mais le numéro 13 (porte-malheur ?) de Miami, non content d'avoir été un grand joueur, a aussi été une star à l'aura immense. Il était si bankable, avec son regard bleu acier, son sourire et ses cheveux frisés qu'il a même réussi à tourner une publicité fameuse pour une marque de gants. Pour un Floridien du Sud, il fallait le faire...
picture

Dan Marino et son numéro 13 emblématique sous le maillot des Miami Dolphins.

Crédit: Getty Images

Il a incarné son poste comme peu de joueurs

Au-delà de son aura, Dan Marino fut donc d'abord un immense quarterback, doté d'un bras droit à la puissance invraisemblable. De lui, Brett Favre disait qu'il était "le meilleur pur passeur de sa génération et sans doute de l'histoire. Il donnait l'impression que passer le ballon sur 30, 40 ou 50 yards était facile. Et ça ne l'est pas." Il suffit de s'offrir quelques minutes de "highlights" sur YouTube pour mesurer la justesse du propos de Favre. Marino était capable de délivrer des passes longue distance avec une facilité déconcertante. Comme si le ballon, sortant de son bras, était irrésistiblement propulsé vers l'avant.
Dan Marino a incarné son poste comme peu de joueurs. Lorsqu'il a pris sa retraite à la fin du XXe siècle, il possédait à peu près tous les records possibles et imaginables. Beaucoup sont tombés ces vingt dernières années, alors que la NFL évoluait vers un jeu beaucoup plus orienté vers la passe. "Dans la NFL actuelle, jugeait l'ancien coach de Miami Don Shula, en 2014, Dan aurait eu des statistiques encore plus impressionnantes."
Alors, pourquoi et comment un joueur aussi dominateur, qui avait déjà presque mis la NFL sous sa coupe à 23 ans seulement, a-t-il pu ne jamais remettre les pieds au Super Bowl ? "Je n'arrive pas à pointer le doigt sur une raison précise, c'est un ensemble de choses, estimait-il en 2005 au moment de son intronisation au Hall of Fame. Nous avons eu des opportunités, de très bonnes équipes, parfois de grandes équipes, mais il nous a toujours manqué quelque chose. Ça montre juste à quel point c'est difficile d'atteindre le Super Bowl et c'est pour cela que, quand vous y êtes, il faut en profiter à fond."
picture

Dan Marino et Don Shula, les deux légendes de Miami.

Crédit: Getty Images

1993, le grand regret

Au total, les "Fins" de Marino ont disputé les playoffs à dix reprises. Il n'a pas toujours été idéalement entouré. La défense, notamment, a plombé Miami certaines années dans l'ère Marino. Son plus grand regret date peut-être de l'année 1993. Au cœur du règne de Buffalo sur l'AFC (les Bills ont notamment battu les Dolphins en finale de conférence la saison précédente), la franchise floridienne semble enfin disposer de l'arsenal nécessaire pour retourner au Super Bowl. Le début de saison est prometteur, mais lors de la 6e semaine, le quarterback est victime d'une rupture du tendon d'Achille. Un coup terrible pour ce véritable roc, rarement blessé et qui n'avait pas manqué un match en cinq ans.
"On ne saura jamais, a-t-il confié au Miami Herald à propos de cette campagne. Mais ça reste une énorme déception pour moi parce que je pense que nous avions une équipe capable de gagner le titre cette année-là, avec la défense que nous avions, Keith Jackson, Keith Byars, et Irving Fryar en receveur numéro un. J'avais eu beaucoup de mal à accepter cette blessure." Et à la digérer.
De son propre aveu, même s'il amènera encore Miami en playoffs lors de cinq de ses six dernières saisons, son jeu n'a plus été tout à fait le même après ça : "ça impacte votre mobilité, votre confiance et par définition, votre jeu. Même si je pense avoir encore évolué à un haut niveau, ce n'était plus tout à fait pareil."

L'autre combat de Marino

Dans la phrase "être le plus grand quarterback à ne jamais avoir gagné le Super Bowl", que retenir ? "Le plus grand" ou le fait de ne jamais avoir assouvi son ambition ? Le prend-il comme un compliment ? Verre à moitié plein, ou à moitié vide ? Interrogé à ce sujet dans un documentaire que la NFL lui a consacré dans sa série "The Football Life", Dan Marino répond après une brève hésitation : "Non, ce n'est pas cool. Dans votre cœur, vous êtes un compétiteur. Le côté sympa, c'est que j'ai joué 17 saisons, gagné beaucoup de matches, j'ai fini au Hall of Fame, j'ai eu une grande carrière. J'ai beaucoup accompli mais je n'ai jamais su ce que ça faisait d'entrer sur le terrain, le dimanche, en étant un vainqueur du Super Bowl."
Dan Marino ne veut pourtant pas qu'on pleure sur son sort. Il a appris, aussi, à relativiser ses "malheurs", d'ailleurs relatifs, sur le terrain. Au début des années 90, son deuxième fils Michael, n'a toujours pas prononcé le moindre mot à l’âge de deux ans. L'incompréhension et la peur se transforment en combat quand il est diagnostiqué autiste. Une maladie dont la star ignorait tout. En 1992, avec sa femme Claire, il crée la "Fondation Dan Marino". Depuis près de trente ans, elle lève des fonds et mis en place des programmes et des structures adaptés aux enfants et aux adultes autistes. Marino a mis son nom, sa notoriété et sa fortune au service de cette cause.
Depuis bien longtemps, Michael Marino parle. Peut-être même que personne ne parle mieux de son père : "Même si j'aime énormément ce qu'il a accompli sur les terrains et si j'adore toujours regarder des vidéos de lui, ce qu'il a fait avec sa fondation, et quand je vois le nombre de gens et de familles que ça aide, c'est incomparable. C'est beaucoup plus important."
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité