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Rétro: Si près, si loin...

Eurosport
ParEurosport

Publié 07/02/2010 à 16:00 GMT+1

Avant le Super Bowl, nous vous proposons de revivre quelques pages célèbres des précédentes éditions. Gros plan sur le formidable Super Bowl XXXIV, en 2000, et surtout sur son incroyable dénouement. Sur l'ultime action, Mike Jones plaque Kevin Dyson devant la ligne et Saint-Louis l'emporte.

2000 Super Bowl Saint-Louis Tennessee

Crédit: Reuters

Kevin Dyson se demande s'il a bien fait d'accepter. A quoi bon, après tout? Tout ça est derrière lui maintenant. Trois mois et demi ont passé depuis cette fichue soirée. Trois mois et demi à se réveiller toutes les nuits "à peu près à trois heures du matin" comme il le dit en souriant, à moitié seulement. Trois mois et demi à revivre la scène. A revoir son bras, tendu jusqu'à s'en déchirer l'épaule. Et cet en-but qui refuse de se rapprocher. Un demi-yard. Quand Mike Jones l'a plaqué au sol, il ne lui manquait qu'un demi-yard. Toute sa vie, il devra vivre avec un demi-yard. Ca tient à ça, la gloire? Ca tient à ça, un Super Bowl? Pour un demi-yard, Saint-Louis a remporté le titre suprême et Tennessee n'a plus que ses yeux pour pleurer. Ca lui fait une belle jambe, à Dyson, qu'on lui dise que ce Super Bowl reste comme un des plus beaux de l'histoire, que jamais on n'avait vu un tel finish. Il aurait préféré gagné le plus laid que de perdre le plus beau.
Jusqu'ici, il n'a revu qu'une seule fois l'action décisive. C'était le lendemain du match. Un coup d'oeil furtif, sur un écran de télé. Plus pour bien vérifier qu'il n'avait effectivement pas atteint la terre promise que pour chercher une explication. Il n'en était pas encore là. La blessure était trop fraiche pour que la raison pointe son nez. Moins de 24 heures après, les sentiments, les émotions sont encore trop fortes pour céder leur place à la réflexion. Aujourd'hui, il s'y sent prêt. C'est pour ça que Dyson a accepté de rencontrer Mike Jones, répondant à l'invitation d'un grand magazine sportif américain, qui a eu la lumineuse idée de réunir les deux protagonistes de la dernière action du Super Bowl 2000, trois mois et demi plus tôt. "Je voulais voir ce que j'aurais pu faire de plus, je voulais essayer de comprendre. Surtout, je voulais entendre ce qu'il (Jones) avait à dire", explique Dyson.
Les Rams à l'agonie
Pendant une heure, le receveur de Tennessee et le linebacker de Saint-Louis vont donc décortiquer la scène à la vidéo, commentant chaque détail. Pour Mike Jones, qui a déjà revu ces images des centaines de fois, on imagine le moment assez savoureux. Aussi savoureux qu'il peut être douloureux pour Dyson. Ce dernier le prend comme un exorcisme. Le film démarre juste avant le snap. Sur l'écran, nous sommes donc le 30 janvier 2000, au Georgia Dome d'Atlanta. Les Rams de Kurt Warner mènent 23 à 16 mais les Titans ont le ballon. Après un drive bien mené, ils se retrouvent avec une première tentative sur les 10 yards de Saint-Louis. Six secondes à jouer, plus de temps mort. Il ne reste donc plus qu'une action. Quitte ou double. Si Tennessee marque, les deux équipes vont en prolongation. La perspective n'amuse pas les Rams, dont la défense est épuisée. Elle vient de passer 13 minutes et 14 secondes sur le terrain sur les 15 minutes du quatrième quart-temps. "Nous étions cuits. Franchement, en plus du coup au moral à digérer si nous avions pris le touchdown à la dernière seconde, physiquement, c'était très dur", avoue Jones. La défense jaune et bleue doit donc tout donner sur ce dernier jeu. "Avant le snap, confie de son côté Dyson, nous étions tous certains que nous allions marquer. Toute la saison, nous avions fait ça, gagner à l'arraché. C'était notre marque de fabrique."
Kevin Dyson sait de quoi il parle. Trois semaines plus tôt, lors du premier tour des playoffs, Tennessee a battu Buffalo au terme d'un final improbable. Les Bills croyaient avoir la victoire en poche après le field goal de Steve Christie à 16 secondes de la fin. Mais sur l'engagement, Dyson marquait un incroyable touchdown après une relance de 75 yards. Un dénouement désormais connu à Nashville sous le nom de "Music city miracle". Alors Dyson veut croire à un nouveau miracle dans ce Super Bowl numéro 34. Il est venu se placer sur la droite de l'attaque. A ses côtés, le tight end Frank Wycheck. C'est lui que Mike Jones marque initialement. Le snap est parti. Steve McNair, le quarterback de Tennessee, a le ballon en main. Wychek se dirige vers l'en-but, dans le coin droit. Mike Jones le suit. Dyson, pendant ce temps, part droit devant lui. Cinq pas de course vers l'avant. Arrivé sur la ligne des 7 yards, il repique intérieur. C'est là que tout se joue. En revoyant les images, le receveur tique. "J'ai coupé ma trajectoire deux yards trop tôt. Si je change ma course sur les 5 yards, tu n'aurais pas eu le temps de revenir sur moi."
Jones: "J'ai vu tes yeux devenir plus grands"
Vrai. Car Mike Jones a tout compris. Wycheck ne l'a pas emmené suffisamment loin dans le coin. Le défenseur des Rams a senti le danger. En réalité, il n'a jamais abandonné la piste Dyson, qui, de son côté, s'est débarrassé de son vis-à-vis en revenant intérieur. "Même quand je pars sur Wycheck, je continue d'avoir un oeil sur toi, lance Jones à Dyson. Je ne te quitte jamais du regard, même si tu ne le sais pas." Puis il y a des attitudes qui ne trompent pas. Surtout dans un moment aussi tendu. "J'ai vu tes yeux devenir plus grands. On peut savoir quand un receveur va être visé par son QB. Il commence à se retourner, il arme ses bras pour être prêt à recevoir le ballon et son regard change." Dans l'esprit du numéro 52 des Rams, plus de doute possible. C'est bien sur Dyson que McNair va jouer. C'est le cas. La passe est parfaite. Pleine poitrine.
Maintenant, les dés sont jetés. Quand Kevin Dyson capte le ballon, il est sur la ligne des 5 yards. Trois yards le séparent de Mike Jones, qui comble rapidement cet écart. La rencontre se produit à trois yards de la ligne environ. Dans leur zone, les deux hommes sont seuls. Désormais, c'est du un contre un. Les 20 autres joueurs sur le terrain sont devenus des spectateurs. Pour Jones, c'est le plaquage de sa vie. Il n'a probablement pas le temps de penser à tout ça, mais c'est l'histoire qui l'attend, lui, le linebacker relativement anonyme au sein d'une équipe des Rams qui a surtout vécu par son attaque de feu, avec Kurt Warner, Marshall Faulk ou Isaac Bruce. C'est son heure. Comme le reste de la défense du Missouri, Jones est cuit. "En plus, j'avait terriblement mal à la cheville gauche. Dans le troisième quart-temps, j'avais trébuché bêtement sur un joueur de la ligne offensive des Titans, je ne sais même pas lequel. Mais je me suis accroché."
Les deux pieds dans le béton
C'est surtout à Dyson qu'il doit s'accrocher à présent. "Dès que je t'attrape, je sais que mon plaquage est réussi, montre Mike Jones sur la vidéo, qui tourne désormais au ralenti, image par image. Mon bras droit te serre bien. J'essaie de passer le gauche. Mais ton élan me repousse dans l'autre sens". En physique, on appelle cela la force centripète. Dyson reprend la parole: "Quand tu me plaques, je crois d'abord que je vais pouvoir avoir la force suffisante pour atteindre la ligne. Je me souviens m'être dit 'si j'arrive à sortir ma jambe, c'est gagné'. Puis, d'un seul coup, je me retrouve comme avec les deux jambes dans du béton." Jones a gagné. "Au moment où je vais te projeter au sol, je pense que nous sommes à peu près à 2 -3 yards de la ligne. Et je sais que tu ne mesures pas 2,10m." Dyson ne se force même pas à sourire devant la remarque. Dyson tend désespérément le bras. Pendant un instant, un incroyable silence envahit le Georgia Dome. Chacun attend un signe des arbitres. Il ne tarde pas à arriver. Passe complété à deux yards de la ligne, et plus une seconde au chronomètre. Dyson, dans un dernier élan, s'est redressé pour mettre le ballon derrière la ligne. Mais il a touché les genoux au sol depuis longtemps. C'est bien fini.
Cette fois, il n'y aura pas de miracle. L'horloge a fonctionné normalement. Il n'y a pas de pénalité. Pas de revisionnage de l'action. "Je me relève, reprend Mike Jones, et je ne te vois même plus. JeffZgonina (NDLR: Le tackle gauche) se jette sur moi pour me féliciter et dans la seconde qui suit, je vois tous ces confettis qui tombent du ciel et des dizaines de gars qui entrent en courant pour installer le podium géant au milieu du terrain. Un truc complètement dingue. A partir de là, je ne sais plus où je suis et je vais être complètement dépassé par les évènements." Dyson écoute à peine. Il reste fixé sur la télé. "C'est incroyable, il n'y a vraiment personne à cet endroit du terrain. Sur une action aussi importante, c'est fou. Si tu n'avais pas été là, j'aurais marqué le touchdown le plus facile de toute ma carrière. Même quand je me revois par terre, la ligne parait si près…" "Elle l'était", réplique Jones, qui part dans un grand éclat de rire. Dyson se marre aussi. Le moment a été pénible, mais il peut commencer à faire son deuil. Et s'il avait bien fait de venir?
COMMENT ILS ONT VECU CETTE ACTION
Steve McNair (Quarterback Tennessee): "Dice est revenu intérieur deux ou trois yards trop tôt par rapport à ce qui était prévu. Il a manqué un peu de lucidité, mais comment lui en vouloir à ce moment du match?"
Jeff Fischer (Entaineur Tennessee): "Kevin est revenu trop tôt, et il le sait. Mais je lui pardonne, à cause de la fatigue et du fait qu'il n'avait pas beaucoup travaillé cette séquence. Je n'oublie pas non plus que sans lui, nous n'aurions jamais joué ce Super Bowl et cette dernière action n'aurait pas existé."
Al Jury (Arbitre): "Je n'ai eu aucun doute sur la décision à prendre. Ce fut la décision la plus simple de ma carrière."
Peter Giunta (Co-coordinateur défensif Saint-Louis): "Mike a joué avec le feu. Il a suivi Wycheck un tout petit peu trop longtemps. Ca se joue à moins d'une seconde. Il a bien failli ne pas revenir à temps sur Dyson."
LeonardLittle (Linebacker Saint-Louis): "Je vois Dyson capter le ballon. Mike est masqué par Kevin, je ne le vois donc pas au moment de la réception. Je me suis dit 'c'est pas possible, ils vont marquer'."
Les Steckel (Coordinateur offensif Tennessee): "Je n'ai jamais revu cette action, mais je la connais par c&oeligur. Elle est là, dans la tête. J'ai toujours dit à mes joueurs de regarder devant, sinon le passé vous bouffe. J'ai décidé de faire pareil pour moi."
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