1000 fautes subies, carrières gâchées : Neymar et Hazard sont-ils plus victimes que coupables ?

"Je pense que la façon dont il se fait punir par ses adversaires match après match et vu que les arbitres ne le protègent pas… Peut-être qu'un jour, nous n'aurons plus d'Eden Hazard. 1, 2, 3 jusqu'à 10 fautes agressives sur lui. Ils le frappent encore et encore. Pour l'instant, il résiste parce qu'il est fantastique, fort physiquement et honnête dans sa façon de jouer mais c'est un vrai problème." Nous sommes en 2015, José Mourinho, coach des Blues, formule cette prémonition devenue glaçante huit ans plus tard. Parce qu'aujourd'hui, si Eden Hazard est toujours un joueur du Real Madrid, sa carrière a déjà viré au vinaigre. Voilà quatre ans qu'il enchaîne les blessures plus ou moins sérieuses.

Une cheville qui vole face au PSG dès son arrivée en Espagne (novembre 2019) puis une succession de blessures musculaires, un péroné fissuré et un joueur qui ne s'en sort plus. Son cas rappelle celui d'un autre génial dribbleur, Neymar, qui a raté près de 100 matches depuis son arrivée en 2017 à Paris et ses blessures à n'en plus finir à la cheville. "Parfois, je me sens gêné par mon style de jeu, parce que je dribble et je finis par me faire prendre constamment", regrettait le Brésilien sur Instagram après avoir subi plus de fautes en 66 minutes (6) que n'importe quel joueur du Mondial lors de tous les premiers matches de la compétition.

Neymar et Hazard partagent une ligne peu enviable au palmarès. Durant la décennie 2010-2020, Eden Hazard est le joueur qui a subi le plus de fautes en Europe : 1030 au total pour seulement 32 matches ratés dans l'intervalle. Entre 2016 et 2022, le Belge a été doublé par… Neymar. Dans ce seul et unique intervalle, le Brésilien a subi 1040 fautes. A chaque fois, les deux hommes devancent leurs dauphins de plus de 250 fautes. Dans un récent documentaire de Netflix autour du succès argentin face au Brésil (1-0) en finale de Copa America, Lionel Messi avouait ainsi à propos de Neymar : "Comment est-on censé l’arrêter ? C’est un phénomène, un crack, la seule façon était de lui mettre un double marquage ou de le stopper plus durement. Au final, c’est ça le foot, parce que si tu le laisses il va passer, faire la différence et obtenir la victoire, et ça, c’est hors de question."

Ils ne sont pas les seuls à faire les frais des crampons adversaires sans s'en sortir indemnes. Septième joueur le plus exposé aux fautes adverses entre 2016 et 2022, Nabil Fekir, victime d'une grave blessure au genou gauche, est lui aussi déjà forfait jusqu'à la fin de saison. "C'est une honte de voir comment les arbitres traitent Nabil, s'insurgeait son coach Manuel Pellegrini en décembre 2021. Il n'est pas traité de la même manière." Un an plus tôt, Alexis Trujillo, son précédent entraîneur au Bétis, réclamait plus de protection pour celui "qui subit le plus de fautes en Liga."

Amine Harit, lui non plus, ne jouera plus de la saison après une entorse des ligaments croisés dont il a été victime juste avant la Coupe du monde. Le Marocain figurait, lui, au deuxième rang des joueurs ayant subi le plus de fautes en Europe en 2019 selon le Centre International d'Etudes du Sport. Les exemples sont nombreux mais peut-on, pour autant, établir un lien clair entre les blessures graves ou les absences répétées et le nombre de fautes subies par match ? Car d'autres, comme Lionel Messi, subissent énormément de fautes sans jamais passer par la case infirmerie.

"Pourquoi certains sont plus souvent blessés que d'autres ? Les fautes ne sont pas forcément un facteur aggravant, ce qui compte c'est le nombre de contacts et le profil du joueur, nous fait savoir Pascal Maillé, traumatologue et responsable du centre médical de l'INF Clairefontaine. Plus vous aurez de contacts, plus vous aurez de chances de vous blesser. De fait, les joueurs offensifs qui portent le ballon sont les plus exposés, c'est certain." Ce qui compte, c'est donc le contact, licite ou illicite, les chocs.

Qui sera la prochaine victime ? Aucun joueur n'a subi plus de fautes en 2019/2020 que Jack Grealish (196) et l'ailier de Manchester City apparaît dans tous les classements de la sorte. Depuis son arrivée chez les Citizens, l'ailier n'a jamais été blessé alors qu'il avait raté près d'une cinquantaine de matchs à Aston Villa. Mais comme Hazard ou Neymar au même âge, Grealish est relativement épargné par les pépins physiques alors même que son style de jeu l'expose. Lui-aussi est un redoutable dribbleur qui a tendance à porter le ballon. A 27 ans, alors que ses chevilles subissent des chocs depuis près de 10 ans en Premier League, son avenir est-il déjà scellé ?

"Non, ce n'est pas la récurrence des chocs qui crée la fragilité mais la première blessure, poursuit Pascal Maillé. A ce titre, Neymar a pris la bonne décision mais il aurait dû se faire opérer il y a bien longtemps. Parfois, on perd la lucidité à cause des échéances importantes qui s'enchaînent. Il a installé une fragilité chronique et il était parti pour se faire une entorse tous les deux mois." La fatalité n'existe donc pas. Et Maillé de rajouter : "Et puis, tout dépend aussi de ce que vous faites hors du terrain, la préparation invisible qui concerne notamment l'hygiène de vie." A ce titre, ni Neymar, qui avouait ne jamais pouvoir "renoncer à la fête", ni Hazard ne sont des exemples. Le duo a compilé les facteurs aggravants. Les fautes subies n'ont sans doute pas aidé mais elles ne représentent qu'une petite partie du faisceau. N'en déplaise à José Mourinho.