Le G14 s'en va-t-en guerre

France - Costa Rica. Au quart d'heure de jeu, Eric Abidal s'écroule sur la pelouse. Tout seul, le latéral gauche de l'Olympique Lyonnais vient de se blesser au pied gauche. Victime d'un coup dur similaire à l'intersaison lors de la lucrative Peace Cup disputée en Corée du Sud, le défenseur a replongé en Martinique. Eric Abidal souffre d'une fracture du cinquième métatarse, une blessure qui selon un communiqué de l'OL n'est "pas directement liée à celle dont avait été victime le joueur en juillet", et est out pour trois mois. Une mauvaise nouvelle pour Lyon, les Bleus et le joueur bien évidemment.

Pourfendeurs de ce déplacement aux Antilles, on imagine les bonds qu'ont dû faire Jean-Michel Aulas et son entraîneur Gérard Houllier lorsqu'ils ont vu Abidal se morfondre sur la pelouse du stade Dillon. Les deux hommes forts de l'Olympique Lyonnais qui avaient "préalablement alerté la Fédération et les instances internationales sur les risques encourus par une initiative très bonne dans l'esprit mais impromptue et surtout inopportune compte tenu du calendrier officiel" ont décidé de ne pas en rester là et souhaitent " prendre les dispositions adaptées à une situation pénalisante pour le joueur et préjudiciable pour le club." Conclusion : l'OL veut porter plainte contre la Fédération Internationale.

Membre du G14, Lyon est d'ores et déjà soutenu par l'organisation des plus grands clubs - ou au moins les plus influents - d'Europe. Le G14 s'est également mis du côté de Charleroi qui a eu le malheur de voir son milieu de terrain marocain Abdelmajid Oulmers se blesser avec son équipe nationale en novembre 2004. Le club réclame 1,25 million d'euros à la FIFA. Si jamais la justice venait à donner raison au club belge au cours de l'année 2006, et peut-être à l'OL par la suite, la jurisprudence changerait certainement le visage du football. Et plus particulièrement celui des équipes nationales.

Depuis une bonne dizaine d'années, l'arrêt Bosman et la montée en puissance des télévisions, les clubs prennent une importance presque inconsidérée et les équipes nationales risquent de finir par en pâtir. Sepp Blatter parle même d'un "péril pour le football mondial". Le sélectionneur des Pays-Bas, Marco van Basten, embraye : "Exiger des fédérations qu'elles versent des indemnités aux clubs, ce serait la fin des équipes nationales et des tournois comme la Coupe du monde." L'ancien triple Ballon D'or n'exagère pas.

Dans l'état actuel des choses, les clubs sont obligés de libérer les joueurs lors des dates réservées aux équipes nationales. Un article du règlement de la FIFA stipule également que les clubs fournisseurs d'internationaux n'ont droit à aucune indemnité financière et sont seuls responsables pour la prise des polices d'assurance. Une situation que les clubs voient désormais d'un mauvais &oeligil, compte tenu des incidences financières de tous leurs faits et gestes. A l'heure actuelle, certains représentants du G14 réclament 5000 euros par jour et par joueur mis à disposition.

Heureusement, les joueurs, premiers concernés, et pourtant grassement rémunérés par les clubs n'entrent pas dans cette logique. On l'a vu lors du voyage de l'équipe de France en Martinique, personne n'a rechigné. Certains pour des raisons familiales et sentimentales, d'autres pour faire partie de l'aventure et de l'équipe de France. Parmi les 23 Bleus sélectionnés, tous veulent aller disputer la Coupe du monde 2006. N'en déplaise aux clubs, les rendez-vous internationaux (Mondial, Euro) restent plus prestigieux et font toujours plus pour la carrière et la gloire personnelle d'un joueur que n'importe qu'elle autre compétition. Demandez donc aux champions du monde 1998, à Roger Milla, Toto Schillaci, Pelé, Diego Maradona...