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Comment jouer (et gagner) avec le trio Griezmann-Mbappé-Benzema ?

Christophe Kuchly

Mis à jour 01/06/2021 à 21:02 GMT+2

EURO – Kylian Mbappé et Antoine Griezmann avec Karim Benzema, l'association fait saliver depuis l'annonce du retour du Madrilène. Les trois plus grands talents offensifs français n’ont cependant jamais évolué ensemble. Leur association, potentiellement exceptionnelle, nécessitera un peu d’adaptation, notamment au niveau du système de jeu.

Griezmann, Mbappé et Benzema à Clairefontaine

Crédit: Getty Images

Karim Benzema est un numéro 9 à l’âme de 10, Antoine Griezmann un attaquant devenu meneur et Kylian Mbappé une machine à marquer qui alterne entre axe et côté. Même s’ils n’ont pas la polyvalence de certains joueurs qui changent de poste d’une semaine à l’autre, à l’image d’un Christopher Nkunku aligné partout sauf en défense avec Leipzig cette saison, les trois stars sont capables d’interpréter leur rôle de différentes façons. De dépasser leur fonction, en élargissant leur zone d’action pour tirer le collectif vers le haut. La mauvaise nouvelle, c’est qu’aucun des schémas habituels des Bleus ne leur permet de tous occuper leur position préférentielle. La bonne, c’est qu’ils ne font pas la même chose et devraient vite se comprendre sur le terrain.

Deux axiaux et un joker

Depuis plusieurs mois, Didier Deschamps teste des systèmes tactiques, sans qu’il n’ait trouvé celui qui répond à toutes les problématiques et met les leaders dans les meilleures disposions possibles. Pas même Antoine Griezmann, plus influent en sélection qu’en club. L’évolution du Barcelonais oblige à faire des concessions : moins explosif que dans ses jeunes années, il peut être aligné sur le côté mais n’y donnerait pas sa pleine mesure, contrairement à Ousmane Dembélé ou Kingsley Coman. Puisqu’il n’est plus vraiment vu comme un numéro 9 pouvant jouer seul devant, cela suppose de mettre un meneur derrière un buteur ou deux attaquants axiaux – ce qui revient au même si l’un des deux décroche comme le faisait Griezmann avec l’Atlético.
Avec le rappel de Karim Benzema, qui n’a aucune raison d’être mis ailleurs qu’en pointe, cela écarte a priori la possibilité de voir un 4-3-3. Ce dispositif, utilisé en ouverture du Mondial 2018 face à l’Australie, a besoin de bons ailiers alors que les deux hommes sont meilleurs dans l’axe. Même si Griezmann est capable de très bien sortir les ballons sous pression, et que sa position moyenne il y a trois ans ressemblait à celle d’un milieu relayeur, il n’a jamais débuté à ce poste. La France n’étant pas le Manchester City de Pep Guardiola, difficile d’imaginer des éléments offensifs être intégrés au milieu pour attaquer à six. À ce stade, l’animation la plus évidente implique la présence de Griezmann en numéro 10 derrière Benzema.
La variable se nomme donc Kylian Mbappé. Le Parisien est un joueur particulier, champion du monde comme attaquant de profondeur partant du couloir droit, rôle régulièrement occupé en club lors de la saison 2017/18. "Il ne joue plus à ce poste-là, même en club", a cependant rappelé Didier Deschamps dans une interview à RMC lundi, écartant la possibilité de le réinstaller à droite sur la durée. Suffisamment bon pour faire des différences lorsqu’il demande le ballon dans les pieds mais sans rival lorsqu’il prend la profondeur, il marque à la même fréquence qu’il soit à gauche ou dans l’axe. Contrairement aux deux autres, il est donc un pion qu’on peut bouger sans regret, même si une case vient a priori d’être enlevée.
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Griezmann, Mbappé et Benzema à Clairefontaine

Crédit: Getty Images

Asymétrie ou prise de risque

Si le sélectionneur veut aligner les trois stars ensemble, les options sont limitées. Il peut évidemment reprendre le 4-2-3-1 de 2018 en mettant Mbappé à gauche, en gardant l’idée d’asymétrie avec un profil plus défensif à droite… ou en misant sur l’offensive. La première option, la plus naturelle puisqu’elle a déjà prouvé son efficacité, présente un grand désavantage : si Moussa Sissoko et Corentin Tolisso peuvent faire le job à droite, Paul Pogba et Thomas Lemar sont meilleurs à gauche et Adrien Rabiot a aussi vécu ses rares délocalisations de ce côté. Mettre Mbappé dans sa zone préférentielle obligera à innover, sauf à faire confiance à un Sissoko qui a débuté quatre matches de championnat en 2021, un Tolisso qui revient juste d’une longue blessure ou à prendre le risque d’attaquer à quatre.
Si N’Golo Kanté défend pour deux et que Griezmann revient aider ses milieux, des habitudes que seule la fatigue d’une saison condensée pourrait changer, l’option d’aligner un vrai ailier devient tout à fait plausible. Même si ce n’est là aussi pas leur meilleur poste, Ousmane Dembélé, Kingsley Coman et Marcus Thuram apportent des qualités de percussion qui se marient bien à celles des partenaires et ont appris à faire les efforts à la perte de balle. Face à un bloc bas, un milieu Kanté-Pogba derrière Mbappé-Griezmann-Coman en soutien de Benzema réglerait probablement le risque de stérilité offensive.
L’organisation la plus naturelle, très en vogue dans les grands clubs, impliquerait d’avoir les trois joueurs dans l’axe, proches les uns des autres pour combiner et du but pour faire peser une menace permanente. Un peu plus flexible que le séduisant 3-4-2-1 de l’Atalanta, le 3-4-3 de Chelsea, où Kai Havertz décroche pendant que Timo Werner prend la profondeur – avec parfois des appels simultanés comme sur le but en finale – a porté les Blues sur le toit de l’Europe. Karim Benzema peut largement imiter le premier, et Kylian Mbappé n’aura pas de mal à être plus adroit que le second. La question de la relance à trois défenseurs, qui demande une verticalisation (donc une prise de risque) que n’apprécie pas trop le sélectionneur, éloigne cependant la possibilité de l’animation façon Thomas Tuchel. Et en laisse une autre, travaillée ces derniers jours à l’entraînement : l’ambitieux 4-4-2 losange.
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Benzema : "Il y a toujours des regrets"

Losange vers le paradis ?

Depuis l’Italie en 2012, qui a utilisé le système à l’Euro avec un profil plus défensif en guise de meneur (Riccardo Montolivo à partir des quarts), rares sont les formations de très haut niveau – on note notamment Lyon sous Rémi Garde puis Salzbourg et Saint-Gall – à avoir osé un tel dispositif, qui surcharge l’axe mais dépeuple les côtés. Très séduisant quand il fonctionne, il oblige à posséder deux joueurs capables de gérer seuls leur couloir et un numéro 6 qui remonte les ballons. Un trio d’attaque complémentaire, aussi, avec et sans ballon. Parce que si Pogba peut être un très bon meneur reculé une fois protégé par Kanté et Rabiot, le travail défensif de la première ligne est essentiel pour protéger les suivantes. Et éviter à Benjamin Pavard et Lucas Hernandez de gérer des deux contre un qui finiraient par mal tourner.
Bien sûr, aligner Benzema, Mbappé et Griezmann ensemble peut poser des problèmes de répartition des zones d’attaque. Habitué à décrocher pour remonter des ballons qui ont du mal à arriver jusqu’à lui en club, le Madrilène devra adopter une attitude plus proche de celle du renard des surfaces – qu’il peut endosser, ce que confirment ses statistiques offensives. Un temps décidé à jouer les meneurs auxiliaires avec un succès fluctuant d’un match à l’autre, le Parisien devra lui rester ce joueur d’appels qui sait quoi faire du ballon mais ne cherche pas à tout prix à l’avoir. Quant au Barcelonais, il s’agit surtout de voir s’il peut retrouver ses habitudes, lui qui évolue en périphérie du trident De Jong-Pedri-Messi en Catalogne et n’utilise plus vraiment sa créativité balle au pied.
Toutes ces questions, plus individuelles, se règlent souvent naturellement. À ce niveau, l’intelligence spatiale permet des combinaisons et permutations qui dépassent tout ce qui pourrait être préparé en séance. Reste cependant la question du système. Des sept autres partenaires, qui n’ont rien de porteurs d’eau. En voulant mettre les joueurs à leur poste, Didier Deschamps risque de se heurter à une froide réalité : certains endroits sont plus riches en spécialistes que d’autres et aucun système ne permet à tout le monde d’arriver en chaussons. En 2018, déplacer Blaise Matuidi à gauche avait tout réglé. Cette fois encore, il faudra trancher. Choisir entre un dispositif exigeant, un ou deux changements de postes… ou le sacrifice de l’une des pièces. Tous les derniers vainqueurs de grandes compétitions l’ont montré : sur une compétition à huit matches, les approches imparfaites survivent rarement à la phase de groupes.
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