La Bretagne qui gagne

"On a gagné un match à douze contre dix. C'est un exploit." Au micro d'Eurosport, la rage de Victor Zvunka est à la hauteur de son bonheur. Le 9 mai prochain, l'entraîneur guingampais disputera sa troisième finale de Coupe de France. Celle de 1976, il l'avait remportée comme joueur, sous le maillot de l'OM. Celle de 2004, il l'avait perdue sur le banc de Châteauroux. Celle de 2009, son équipe la jouera face au Stade Rennais pour une affiche 100% bretonne inédite. La qualification guingampaise est d'autant plus savoureuse qu'elle a été acquise à Toulouse, chez le 5e de la Ligue 1, en infériorité numérique après l'expulsion - sévère - de Soumah à la 52e minute.

La formation du président Le Graët aime à jouer les coupeurs de têtes : en 8e de finale, elle s'était déjà offert le scalp d'un autre pensionnaire de l'élite. Face au Mans (1-0), l'En-Avant avait su répondre au défi physique. Dans un Stadium drapé de violet, les Rouge et Noir ont brisé le rêve toulousain de décrocher un trophée qui les fuit depuis cinquante-deux ans. En affichant un engagement de tous les instants dans les duels. En récitant une partition digne de la meilleure défense de Ligue 2. Et en faisant preuve d'un réalisme que l'on croyait estampillé TFC.

A en croire Zvunka, Guingamp n'avait que 40% de chances d'arracher sa qualif. Bien calée dans le ventre mou de son Championnat, son équipe a su déjouer les pronostics en arrachant une qualif méritée. Elle en a dessiné les contours à la demi-heure de jeu, lorsque sur une déviation d'Oruma, Eduardo a battu Carrasso d'une tête décroisée imparable (0-1, 30e). Elle a cru voir le Stade de France lui filer sous le nez lorsqu'en seconde période, M. Poulat a distribué une pluie de cartons (quatre en dix minutes) et envoyé Zvunka dans les tribunes. Dominée par des Toulousains remontés comme des pendules dans le deuxième acte, l'En-Avant a même plié à un quart d'heure du terme, quand la demi-volée de Gignac s'est logée sous la transversale d'un Gauclin jusqu'ici impérial (1-1, 75e).

Mais ce Guingamp-là, composé d'anciens pensionnaires de l'élite (Mathis, Bassila, Oruma, Deroff), a su forcer son destin. Tout juste entré en jeu, c'est de la hanche que Sène a scellé le sort d'une demi-finale électrique, sous haute tension (1-2, 90e). Bourreau de Sedan en quart (1-3), Eduardo aurait pu le faire cinq minutes plus tôt si son lob astucieux ne s'était pas écrasé sur la barre de Carrasso (85e). Il y a douze ans, Guingamp avait perdu sa première finale de Coupe de France aux tirs au but. C'était au Parc des Princes, face à l'OGC Nice (1-1, 3-4 t.a.b.). Celle du 9 mai pourrait consacrer un club de L2, cinquante ans après la victoire du Havre face au Sochaux. Elle se jouera au Stade de France. En Rouge et Noir.

"Je n'en reviens pas. A dix mes joueurs ont été admirables. Je savais qu'on avait une bonne équipe mais je ne les pensais pas capables de gagner à dix contre onze à Toulouse. Dans le jeu ils ont été bons, physiquement très performants. C'est une victoire vraiment méritée. En tant que vice-président de la Fédération française de football je me dois d'être courtois avec les arbitres, mais là c'est vraiment dur de jouer à dix contre douze surtout quand on joue à l'extérieur. Ce n'est pas un problème d'arbitrage, c'est un problème d'arbitre. Je crois que cet homme (M. Poulat, ndlr) est dépassé depuis très longtemps et il faut qu'il arrête. Pour la Bretagne c'est extraordinaire. C'est la deuxième finale de l'histoire du club et ça va être une sacré fête contre Rennes".