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Coupe de France, demie Nantes-ASM - L'AS Monaco version Philippe Clement, entre verticalité et prise de risques

Christophe Kuchly

Mis à jour 02/03/2022 à 20:26 GMT+1

COUPE DE FRANCE - En difficulté en championnat, l’ASM est tout de même à deux matches de remporter un premier trophée depuis sa fabuleuse saison 2016-2017, celle du titre en Ligue 1. Mais Nantes, l’adversaire en demi-finale de Coupe, a les armes pour exploiter les faiblesses d’une équipe qui prend d’énormes risques depuis l'arrivée sur le banc de Philippe Clement. Décryptage du nouveau Monaco.

Philippe Clement, l'entraîneur de l'AS Monaco

Crédit: Getty Images

Jusqu’ici, vu de France, Philippe Clement était le plus familier des inconnus. Nom français, mais flamand, exerçant de l’autre côté de la frontière mais sans que les images ne soient diffusées dans l’Hexagone, triple champion mais dans un pays où la concurrence dépend des années, croisé deux saisons de suite par Paris en Ligue des champions mais dans un rapport de force forcément déséquilibré. Alors, quand il est arrivé à Monaco début janvier, la certitude de voir un coach qui sait gagner ne masquait pas les interrogations liées à l’approche tactique. Deux mois plus tard, le style de jeu est clair. Mais sa viabilité au très haut niveau reste à démontrer.
Avec le recul, cela restera l’un des matches les plus bizarres de la saison. Le 15 septembre dernier, le Paris Saint-Germain ouvre sa campagne de Ligue des champions par un déplacement à Bruges. Pour la première fois, Lionel Messi, Neymar et Kylian Mbappé jouent ensemble, dans ce qui doit être un feu d’artifice. Le résultat, un nul 1-1, calme une partie des attentes autour du club parisien. La manière, une rencontre passée avec le ballon mais sans être dangereux (64 % de possession mais 9 tirs à 16), interroge encore plus. Ce jour-là, tous les Parisiens demandent dans les pieds alors que l’adversaire met sa ligne défensive proche du rond central. Quelques semaines plus tard, après avoir gagné à Leipzig (2-1), Bruges sera écrasé par Manchester City (1-5 puis 1-4). Un adversaire qui se créera des dizaines d’occasions en faisant ces fameuses courses en profondeur.
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Lionel Messi (PSG) face au FC Bruges

Crédit: Getty Images

Leçons du passé

De cet affrontement de début de saison, on peut avoir deux lectures. Celle qui félicite le "petit" pour son approche audacieuse mais payante, avec un bloc très compact qui empêche le jeu entre les lignes et permet de gratter des ballons dans le camp adverse - à la manière de ce que faisait le Slavia Prague deux ans plus tôt. Et celle qui interroge l’incapacité du "gros" à profiter de la radicalité d’une approche qui a des points faibles bien identifiés, lesquels seront exploités à foison par les Skyblues.
Revenir sur cet affrontement permet de mieux comprendre la dynamique de Monaco, désormais coaché par celui qui était alors à la tête du club brugeois. Taillé pour se qualifier en Ligue des champions, l’ASM a changé d’entraîneur en voyant qu’il n’était pas dans les clous pour y arriver. Il reste pourtant sur deux nuls et une défaite contre des équipes de deuxième partie de tableau, sans donner l’impression d’améliorer son fonds de jeu. L’ère Niko Kovac est révolue et Philippe Clement a installé des principes clairs. Si clairs que les adversaires savent ce qui les attend et ont déjà une parade en tête.
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Un lien à faire

Sous les ordres de Kovac, les Monégasques avaient mis quelques mois avant de trouver la bonne formule : quatre défenseurs lorsque l’adversaire attaque, puis passage à trois une fois le ballon récupéré. Une approche assez rare en Ligue 1 mais dont l’effet de surprise avait fini par s’estomper, et que le coach croate a amendé à mesure que les résultats se détérioraient. Son successeur a adopté le 4-1-4-1, qui se déforme peu en phase offensive. Avec une idée : passer le moins de temps possible en zone intermédiaire, volontairement désertée.
À la construction, Monaco est disposé en 2+3. Les deux défenseurs centraux sont placés devant le gardien et, un cran plus haut, la sentinelle et les latéraux offrent des solutions de passe dans l’axe et sur les côtés. Si leurs partenaires sont pris au marquage, les centraux avancent avec le ballon jusqu’à rencontrer un adversaire. Le reste de l’équipe est volontairement déconnecté de cette phase initiale, donnant à l’ensemble des airs de 5-0-5, où les cinq de derrière doivent réussir à trouver les cinq de devant. D’où une volonté de verticaliser au maximum, soit en courant vers le but adverse, si l’espace s’ouvre, soit en tentant des passes vers l’avant en direction du premier joueur libre. Cassage de ligne obligatoire.
Si le lancement de jeu est réussi, il y a possibilité d’attaquer en masse. S’il est raté, le danger est imminent. Face à Reims (1-2), dimanche dernier, les deux situations se sont succédé : une relance puis une passe en retrait ratée par les défenseurs centraux ont offert deux énormes occasions aux Rémois, qui ont cependant fini par craquer face au nombre. Sur le but refusé à Gelson Martins pour un léger hors-jeu, il y a quatre Monégasques dans la surface pour reprendre le centre de Sofiane Diop et trois en soutien à 20 mètres du but.
Sur l’ouverture du score, Youssouf Fofana réussit le décalage décisif en étant à 25 mètres, avec sept partenaires devant lui et la charnière en couverture. Et si la passe de la sentinelle avait été ratée ? Deux transitions en égalité numérique subies coup sur coup peu après l’heure de jeu, alors que le score était favorable, ont donné un indice. Une énième contre-attaque a amené le coup franc de l’égalisation. Un long dégagement a abouti au but de la victoire rémoise.
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Signé Tchouaméni et Volland : la qualification de Monaco en vidéo

Risque assumé

Même si le constat paraît simpliste, il y a une notion de quitte ou double permanent dans la stratégie monégasque. Elle se retrouve dans le pressing, où, là aussi, cinq joueurs vont chercher l’adversaire très haut, quitte à laisser des espaces dans leur dos. Bordeaux l’avait bien compris et a marqué dans la foulée d’une phase basique : ballon envoyé loin devant, présence en nombre dans l’entrejeu pour récupérer le deuxième ballon s’il est dégagé trop mollement vers l’avant, puis attaque à cinq contre les cinq joueurs défensifs. Si Jean Lucas, l’un des deux relayeurs habituels, a des aptitudes défensives qui pourrait lui permettre de faire les efforts de repli, son binôme Kevin Volland est un attaquant. Dans les faits, le duo n’est sont jamais dans la zone intermédiaire habituellement liée au poste. Hormis Marcelo Bielsa, qui alignait l’avant-centre Rodrigo comme relayeur d’un 4-1-4-1, difficile de trouver beaucoup de précédents.
Le parallèle avec l’entraîneur argentin a évidemment des limites mais, comme lui, Philippe Clement s’appuie sur la notion d’intensité - qu’il répète dans la plupart de ses interventions publiques. Sur ce plan, ses joueurs semblent aujourd’hui être au point dans la répétition des efforts. En délaissant le jeu entre les lignes, ils n’utilisent cependant qu’une partie des qualités de Diop, perdent en contrôle et en possibilités de combiner avec des éléments à différentes hauteur. Outre sa vulnérabilité face aux bloc médians solides, qui peuvent couper la liaison défense-attaque et amener des transitions dangereuses, cette équipe n’est pas taillée pour vivre sans la balle. Si le pressing n’est pas efficace et qu’il faut récupérer le ballon sur une longue séquence de possession adverse, le quintet Martins-Volland-Ben Yedder-Lucas-Diop, aligné dimanche, manque de réflexes défensifs. Mieux vaut être coupé en deux qu’uni dans un bloc friable.
Un paradoxe demeure. Avec deux buts en trois matches, l’ASM n’a pas les statistiques que son jeu à risque devrait impliquer. Il y a une part de réussite, défensive parfois lorsque Nübel ou un défenseur font des interventions décisives, offensive souvent, les attaques à cinq sur la même ligne, qui ont notamment offert plusieurs décalages au second poteau face à Lorient et sa défense à quatre, aboutissant trop rarement. Ce n’est pas un hasard si l’infériorité numérique face à Bordeaux n’a pas empêché d’avoir des occasions et d’égaliser. Pas un hasard non plus si le jeu plus ouvert de Lyon (2-0) et surtout Lens (4-2) ont amené des résultats positifs.
Pour l’instant, Clement fait l’inverse de Jorge Sampaoli, qui accepte de ne pas créer grand-chose si cela réduit au maximum les opportunités de l’adversaire. En donnant l’impression de faire tapis à chaque match et de dépendre de la réussite, le Belge s’expose à d’énormes variations. Dernier coup d’oeil dans le rétroviseur : au début de l’hiver, les deux claques reçues face à City n’avaient pas changé le destin européen de Bruges, battu 5-0 contre Leipzig puis 4-1 à Paris.
A la 93e minute de Monaco-Reims, Jakobs oublie de jouer le ballon pour se concentrer uniquement sur le joueur. Doumbia en profite, et Reims crucifie Monaco (2-1) au bout du temps additionnel.
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