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Ligue 1 - Branco van den Boomen (Toulouse), un sacré pied, une sacrée trajectoire

Cyril Morin

Mis à jour 08/02/2023 à 10:17 GMT+1

COUPE DE FRANCE - Auteur d'un coup franc malin face au PSG (2-1), Branco Van den Boomen a encore prouvé qu'il avait toute sa place dans l'élite. Le Néerlandais, sensation de la saison passée en L2, possède l'un des meilleurs coups de patte de Ligue 1, matérialisé par huit passes décisives déjà cette saison. Itinéraire d'un pied magique que la L1 n'a failli jamais connaître.

Branco van den Boomen, l'un des tubes de l'année en L1 qui arrive de loin, très loin

Crédit: Quentin Guichard

C'est ça le leadership. A l'heure de prendre le ballon pour botter un coup franc dangereux au Parc des Princes samedi, aucun coéquipier n'est venu disputer la gonfle à Branco van den Boomen. Inutile : ils le savent, l'artificier maison, c'est lui. Cinq pas de recul, une manie chez lui, et c'est d'un coup de patte brossé avec rebond qu'il a trompé un Gianluigi Donnaruma pas franchement irréprochable sur le coup. "Branco" sur coup de pied arrêté, c'est souvent banco.
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Branco van den Boomen buteur pour Toulouse face au PSG

Crédit: Getty Images

Aux Pays-Bas, pourtant, Branco rime avec incognito. "Je ne prends pas beaucoup de risques en vous disant que van den Boomen est un inconnu complet ici, nous explique Kevin van Nunen, journaliste pour Eurosport aux Pays-Bas et suiveur très attentif de l'Ajax pendant plus d'une décennie. Les gens connaissent peut-être un peu l'Oranje connection de Toulouse mais c'est surtout grâce à Dallinga qui a connu une saison complètement dingue en deuxième division néerlandaise l'an passé, avec 32 buts. Donc van den Boomen… J'ai vu beaucoup de ses matches avec la réserve de l'Ajax et je n'en avais pas tiré grand-chose. Je ne dois pas être un super scout !".
On a vite rassuré notre collègue : personne n'avait vraiment prédit que van den Boomen serait l'un des joueurs en vogue de L1, l'un de ses meilleurs passeurs derrière Messi ou Neymar et l'un des meilleurs artificiers de l'Hexagone à l'heure de frapper les coups de pied arrêtés. A 27 ans, le Néerlandais tient sans aucun doute le pic de sa carrière, déjà longue de dix ans quasiment.

Recruté par la DATA, confirmé par l'entraînement

Formé à l'Ajax, donc, il prend surtout son envol dans une autre ville du football néerlandais, Eindhoven. Mais pas au PSV… au FC Eindhoven, club de seconde division où il s'épanouit pleinement. On le rappelle en Eredivisie, la première division, du côté d'Heerenveen puis de Willem II mais sa carrière ne décolle pas. Au point qu'en 2017, c'est avec soulagement qu'il retrouve Eindhoven et la seconde division. C'est là que son talent pour la passe va se manifester. 2019, un autre club de seconde division mise 300 000 euros pour l'arracher à son cocon. A De Graafschap, il continue sur sa lancée. Au mieux, van den Boomen est un bon joueur de seconde division néerlandaise. C'est déjà honorable mais ça n'annonçait pas vraiment la suite.
La suite, justement, c'est Damien Comolli, président de Toulouse après avoir été directeur sportif à Arsenal, Tottenham ou Liverpool, qui la raconte. "Arsène Wenger m’a un jour donné un conseil pour la vie : le jeu passe toujours par ton meilleur joueur. Ça, la data le montre, avançait-il pour So Foot. Aujourd’hui, à Toulouse, notre jeu passe par Branco van den Boomen. À Arsenal, c’était par Robert Pirès. (…) Luka Modric, quand on l’a vu jouer au Dinamo Zagreb, il voulait tout le temps le ballon et l’avait tout le temps, d’ailleurs. Quand on l’a pris à Tottenham, on nous a pourtant dit qu’il était trop petit, qu’il ne faisait pas assez de passes décisives… J’étais sûr de moi parce que dans les statistiques avancées, il était exceptionnel. Dans ce cas-là, la data nous a aidés à confirmer ce qu’on sentait de la personnalité du joueur. Ça a été la même chose avec Branco. On a rentré des indicateurs de performance dans notre algorithme par rapport au type précis de milieu qu’on souhaitait incorporer, avec une limite d’âge et un montant de transfert maximal. Une liste de joueurs est sortie, dans laquelle figurait Branco van den Boomen. Il lui restait un an de contrat, il devait prolonger à De Graafschap si le club montait en première division, mais avec l’arrêt suite au Covid, on a pu profiter d’un concours de circonstances. Voilà comment ça s’est passé".
Alors coordinateur sportif au TFC, Pantxi Sirieix découvre un homme tranquille sous tous les aspects. "J'ai été le chercher à l'aéroport, rembobine-t-il. C'était quelqu'un de calme, de posé, de réfléchi et d'intelligent. Il avait déjà un peu de bouteille. On sentait qu'il savait ce qu'il voulait, qu'ili pensait foot, qui vivait le foot". Tradition familiale oblige. A Toulouse, rapidement, on se rend compte que son pied droit est une mine d'or.
J'ai rarement vu quelqu'un qui a un pied comme ça
"Ses ouvertures, ses coups de pied arrêtés… J'ai rarement vu quelqu'un qui a un pied comme ça, continue Sirieix. Il prend beaucoup d'informations dans le jeu, c'est quelque chose qui m'avait marqué aussi au départ. Etant donné qu'il n'a pas un énorme physique, il est obligé d'anticiper énormément, on voit qu'il a été formé par l'école hollandaise". Ce physique justement, c'est la limite qu'on n'a cessé de lui rabâcher depuis ses jeunes années.
"Je vois ce que vous voulez dire par rapport à mon rôle de créateur mais d'un autre côté, c'est aussi pour ça que certaines personnes disaient, quand j'étais jeune, que je ne réussirais jamais, parce que je ne courais pas assez, que je ne revenais pas défendre", expliquait-il à L'Equipe au moment d'évoquer son côté "joueur à l'ancienne". A l'heure des box-to-box, Van den Boomen est une formidable madeleine de Proust pour ceux qui regrettent la disparition progressive des numéros 10 à l'ancienne. Il n'entre pas dans ce cadre-là mais a su tirer le meilleur de ses fantastiques habilités pour compléter sa panoplie.
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Branco Van den Boomen (Toulouse FC)

Crédit: Getty Images

Etat d'esprit irréprochable pour envol inattendu

Lent, il l'est sans doute un peu mais c'est vite masqué par tout le reste. "Ce qui convient à Branco, c'est de jouer dans des équipes qui ont le ballon, estime Sirieix. Quand les joueurs s'adaptent mais surtout jouent sur leur qualité, ça donne ça. Heureusement qu'il n'y a pas que des box-to-box". Mais si Van den Boomen en est là, ce n'est pas juste grâce à son pied magique. Sirieix insiste plusieurs fois sur sa personnalité, symbole d'un groupe toulousain soudé et solidaire, comme ont pu le remarquer les équipes venues se casser les dents au Stadium depuis deux saisons.
"Sur sa première année, il a parfois été en difficulté, il ne jouait pas tout le temps, pas toujours titulaire, rembobine Sirieix, à l'évocation de la saison 2020-2021 où Patrice Garande officiait encore au TFC. Mais, vraiment, il était parfait dans l'état d'esprit, je lui répétais souvent. Quand c'était Manu Koné qui jouait à sa place, il l'encourageait et c'était sincère. Quand tu es étranger, que tu as 26 ans, que tu arrives pour jouer et que tu te retrouves sur le banc, ça peut être normal de faire la gueule. Pas lui. Il n'était pas content, forcément, car c'est un gros compétiteur mais il n'a jamais fait ressentir ça à ses collègues. […] J'ai rarement vu un mec comme ça, c'est un bon mec tout simplement".
L'histoire aurait pu en rester là, celle d'un "bon mec" avec un sacré pied qui fait le bonheur du TFC. Mais le virage pris par Van den Boomen sous les ordres de Philippe Montanier, arrivé à l'été 2021, défie toute logique. Après une année d'acclimatation, où la menace d'une sanction pour manquement aux règles anti-dopage plane sur lui malgré ses justifications finalement entendues, le Néerlandais explose. Littéralement.
En L2, dans une équipe toulousaine flamboyante, il signe 12 buts et 21 passes décisives en 37 journées. Dingue. Ses coéquipiers n'en reviennent presque pas de recevoir autant de galettes. Rhys Healey, principal artificier, détaillait cette relation nouée et développée au long d'une saison comme dans un rêve, achevée par le titre de L2 et celui de meilleur joueur pour VDB.
"Quand il n'est pas là, j'établis un contact visuel avant de déclencher mon appel, expliquait-il pour France Football. Avec Branco, je n'ai même pas besoin de cela parce que je sais qu'il a déjà vu les choses. Il a une bonne conscience de ce qui l'entoure. Un peu comme Kevin De Bruyne, avant de recevoir la balle, il sait exactement ce qu'il va faire après. Pourtant, un numéro 9 est plus difficile à trouver, avec ses courses axiales vers le but, il faut trouver le dosage parfait".

Libre cet été

Même à Toulouse, on a été surpris de cette métamorphose. "Clairement, je pense qu'il y a peu de monde qui aurait parié sur une telle explosion, avoue Sirieix, désormais simple suiveur des Violets. Pas autant en tout cas. II a trouvé le bon club, au bon moment : les planètes étaient alignées". "C'est le cas typique de l'éclosion tardive", synthétise Kevin van Nunen, qui s'étonne que son nom n'ait jamais été ne serait-ce que mentionné pour l'équipe nationale néerlandaise.
Reste qu'à l'été 2023, Van den Boomen arrivera à la croisée des chemins. En fin de contrat, il affolera forcément des cylindrées bien plus fortunées et ambitieuses que le Téfécé qui lui a fait franchir un cap inattendu. Un milieu qui chiffre 5 buts et 8 passes en février libre sur le marché, c'est une affaire sur laquelle sauter. Même si Damien Comolli veut absolument le prolonger, à 27 ans, le Néerlandais pourrait s'offrir le contrat d'une vie. Celui qu'il n'avait possiblement jamais envisagé qu'il arpentait la deuxième division néerlandaise. Au fond, sa trajectoire de carrière correspond à merveille aux courbes de ses frappes létales : imprévisible mais franchement réjouissante.
Branco van den Boomen
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