Coupe de France | 16e de finale | Souvenirs de Bastia - Nice : "Je revois les bombes agricoles au pied de Letizi"

Pour la première fois depuis huit ans, Bastia (L2) et Nice (L1) s'affrontent ce mardi soir en 16es de finale de Coupe de France. Dans un derby jamais anodin, qui a parfois plus que dépassé les limites du raisonnable. Ceux qui ont vécu ces affrontements racontent leurs souvenirs et leurs anecdotes.

Les esprits s'échauffent entre joueurs de Nice et Bastia, le 26 février 2016

Crédit: Getty Images

Propos recueillis par Timothé Crépin

Romain Genevois : "Leca a voulu fanfaronner..."
  • Ancien joueur de Nice (2012-2016)
"J'ai découvert cette rivalité en jouant à Nice. Je ne savais pas qu'il y avait de telles frictions entre les deux. Je repense forcément à ce match chez nous où ça avait un tout petit peu débordé... (NDLR : Il parle du "fameux" Nice - Bastia de 2014, quand Jean-Louis Leca, alors gardien du Sporting, avait brandi un drapeau corse à la fin du match, entraînant de très gros débordements sur la pelouse, avec des supporters qui avaient envahi la pelouse). En tant que joueur, on sait qu'on doit avoir une attitude d'exemplarité et ne pas rentrer dans ce jeu qui doit rester celui des supporters. Avec le respect, le chambrage, sans que cela ne parte dans des agressions. Mais sur ce match, ça n'a pas été forcément le cas en face, notamment avec Jean-Louis Leca qui a sorti son drapeau. Faire ça, c'est donner une excuse à ce que ça parte en pugilat. Ce n'est pas le rôle d'un joueur de foot. Il a peut-être voulu fanfaronner, montrer que c'était un vrai Bastiais... Peut-être qu'une partie de lui a regretté. On se retrouve au milieu de tout ça, ça part en cacahuètes, on voit des coups de pied... Moi, j'essaie de calmer, que certains supporters ne s'en prennent pas à des joueurs, mais ce n'est pas évident... Je ne voulais pas faire le voyou juste pour faire plaisir aux supporters. On s'en souvient encore aujourd'hui, mais pas pour de bonnes raisons. Mais il ne faut pas retenir que ça non plus de ces matchs-là. Ça m'amusait aussi de voir certains joueurs qui n'étaient pas Corses à la base de presque devenir corse dans la façon de parler (rires). Ce folklore-là, c'était marrant. Bastia reste un club avec des supporters qui ont le sang chaud. Ce n'est jamais facile, peu importe l'équipe... J'ai souvenir de jouer avec Gueugnon, avec Tours... On ne nous a jamais déroulé le tapis rouge ! Même s'il n'y avait pas autant d'animosité qu'avec Nice."
picture

Jean Louis Leca, gardien de Bastia, brandit le drapeau corse en marge du match de Ligue 1 contre Nice, le 18 octobre 2014 à Allianz Riviera

Crédit: Getty Images

Frédéric Hantz : "Les bombes agricoles aux pieds de Letizi"
  • Ancien joueur de Nice (1993-1995) et ancien entraîneur de Bastia (2010-2014)
"Si je prends le côté bastiais, le derby le plus prégnant, c'est face à Ajaccio. C'est le vrai derby, avec énormément de choses symboliques derrière. Mais Bastia-Nice, c'est du lourd. Mais la genèse, je pense qu'elle vient des années 60, quand l'Université Paoli de Corte n'avait pas encore ouvert. Avant 1981, les étudiants corses allaient sur le continent, à Paris, Marseille, mais aussi beaucoup Nice. Il y avait donc une émulation par rapport à ça. Le souvenir que j'ai, c'est quand j'étais joueur lors de la saison 1993-94. Les deux clubs étaient en Ligue 2 et sont montés en fin de saison. Je me souviens d'un Bastia-Nice (0-0, 1994)... Lionel Letizi (ancien gardien de l'OGCN) était dans les buts. Moi, en face, j'avais (Laurent) Casanova, joueur emblématique de Bastia. Un combat de tous les instants. Aujourd'hui, on parle des fumigènes dans les tribunes, mais je revois les bombes agricoles qui pétaient aux pieds de Lionel. Et je me disais : "S'ils se trompent d'un mètre, ils lui explosent la cheville..." Là, on avait fait 0-0, mais c'était toujours des scores étriqués. Avant un Bastia-Nice, chez les joueurs, oui, il y avait de l'appréhension. En tout cas, cette rivalité a vraiment été instaurée par les supporters. Entre les clubs, ce n'est pas vraiment le cas. Il y a toujours une crainte vis-à-vis de ce match, notamment au niveau de l'arbitrage, mais je trouve qu'il n'y a pas de quoi. Car ça n'a rien à voir avec un Bastia-Ajaccio."
picture

Frédéric Hantz, entraîneur de Bastia, en Ligue 1, en 2013

Crédit: Getty Images



Nicolas Penneteau : "J'adorais vivre ces matchs du Sud"
  • Ancien joueur de Bastia (1997-2006)
"Un Bastia - Nice qui nous a fait mal, c'était en 2003. On était très bien classé, dans les six premiers. On reçoit Nice. On mène 1-0 (but de Florian Maurice). Puis il y a un ballon en profondeur pour Abdelmalek Cherrad. Frédéric Mendy, notre défenseur, se claque au moment de faire la course pour défendre. Cherrad marque. On fait 1-1. Cela casse notre bel élan et c'est le début d'une longue série négative (5 défaites et 6 nuls pour finir la saison), où on a presque eu peur de descendre. Historiquement, un Bastia - Nice est quand même un match avec des confrontations houleuses, avec mal d'électricité que ce soient entre joueurs ou avec les supporters. Au Ray, quand je venais à Bastia et même ensuite avec Valenciennes, j'étais 'bien' accueilli (sourire). Ça ne me déplaisait pas, au contraire. Il n'y a jamais eu de grosse supériorité pour l'un ou l'autre club, c'étaient toujours des matchs serrés, à un but d'écart. Mais j'adorais vivre ces matchs du Sud avec un peu d'agressivité, verbale et physique, un peu à l'ancienne. On attendait ces matchs car on savait qu'on allait se rentrer dedans. Des jeux d'intimidation avec, malgré tout, des équipes qui avaient de grosses qualités. Cela se jouait plus sur le mental que la technique. Avec une priorité sur l'engagement. Mais tout vient avant tout de l'animosité entre supporters. Cela se transmettait via eux. Et comme on voulait les rendre fiers... Après, ceux qui jouaient pour Nice ou pour Bastia étaient souvent des joueurs de caractère. Le recrutement était aussi fait pour rentrer dans ce mode de derby-là."
Olivier Echouafni : "Coincés 3-4 heures à Furiani"
  • Ancien joueur de Nice (2003-2010)
"Ah oui, un Nice - Bastia, ça a toujours été quelque chose... Mais pour pas grand-chose, j'ai envie de dire ! Il y a toujours eu des antécédents, avec quelques matchs difficiles. Je me souviens, en 2004. On va à Bastia. Les supporters niçois étaient venus à 200-300, ils avaient été canardés comme jamais. On a perdu 2-1 et on s'est retrouvé à attendre entre trois ou quatre heures, coincés au stade parce qu'il y avait des bagarres partout tout autour du stade. On se demandait ce qu'il se passait. On nous répondait que la sécurité n'était pas du tout assurée et qu'on ne pouvait pas aller à l'aéroport pour repartir. Sur le terrain, oui, il y avait de l'engagement, mais je n'ai pas non plus le souvenir de matchs 'au couteau'. De l'agressivité, oui, mais aujourd'hui, avec la VAR, ça ne passerait plus.'
picture

Jet de projectiles sur le bus des supporters niçois avant Bastia - Nice en Ligue 1, le 2 avril 2004

Crédit: Getty Images


Chaouki Ben Saada : "Une bataille de fierté et d'orgueil"
  • Ancien joueur de Bastia (2001-2008 et 2019-2022) et de Nice (2008-2011)
"Le souvenir, c'est la ferveur qu'il y avait au stade, à Furiani. On sentait que c'était un derby pas comme les autres. Avec beaucoup d'animosité autour du terrain. Pour les joueurs, c'est un match comme un autre, pas comme les derbys corses. Je crois vraiment que ça se joue entre les supporters. Le stade était plein, parce que c'était Nice en face. Une bataille de fierté et d'orgueil entre supporters. À mon époque, on était un peu les mêmes clubs. Avec beaucoup de fierté d'être bastiais ou niçois, beaucoup de ferveur dans chacun des 'petits' stades, Furiani d'un côté, le Ray de l'autre. Avec aussi cette mentalité de combattant, de conquérant. Mais on ne nous faisait pas comprendre qu'il fallait gagner ce match plus qu'un autre. Après, je pense que ce derby a pris une ampleur après la Bandera (NDLR : Le Nice - Bastia de 2014 avec Jean-Louis Leca)."
picture

Neal Maupay et Francois Joseph Modesto lors de Nice - Bastia en Ligue 1, le 15 mars 2014

Crédit: Getty Images


Gaël Danic * : "Les discours de Yannick Cahuzac et Jean-Louis Leca"
  • Ancien joueur de Bastia (2015-2017)
"Quand je suis arrivé à Bastia, je ne savais pas qu'il y avait autant d'effervescence autour de ce match face à Nice. J'avais fait venir mes filles dans le vestiaire après mon premier match. On est resté bloqué plus d'une heure parce qu'il y avait fumigènes et pétards dehors. Les supporters niçois s'étaient retrouvés avec les supporters bastiais. C'est là que j'ai vu qu'il y avait de l'animosité... Tu essaies d'expliquer ça à tes filles mais... Tu dis que c'est de la bêtise. Au lieu de parler de sport avec elles, j'ai plus parlé d'éducation. Mais Nice et Bastia, c'est chaud oui. En sachant qu'il y a un vécu. Avec aussi mon ami Jean-Louis (Leca) qui avait brandi le drapeau au stade de Nice... Moi j'arrive l'année suivant ça donc... Des joueurs comme Jean-Louis Leca et Yannick Cahuzac, avant un Bastia-Nice, pouvaient nous mettre un peu plus en alerte et nous dire qu'on n'avait pas le droit de ne pas faire les efforts. Et que le pied, on ne le met pas à la gorge, mais quand on essaie de le mettre sur le ballon comme d'habitude, là, il faut le mettre plus, plus."
picture

Les esprits s'échauffent entre joueurs de Nice et Bastia, le 26 février 2016

Crédit: Getty Images



Frédéric Née * : "Des buts dont les gens se souviennent"
  • Ancien joueur de Bastia (1998-2001 puis 2003-2006)
"Une rivalité entre supporters, assez historique. On nous faisait comprendre qu'il ne fallait pas se louper. Qu'il fallait de l'engagement, de l'agressivité. C'était beaucoup plus marquant pour eux qu'une rivalité sportive entre les deux clubs. C'était plus un aspect historique et politique, je dirais, qui font que c'est un match à part. Il y avait des matchs où c'était tendu, mais sans bagarre sur le terrain. J'ai gagné plus de derbys que j'en ai perdus. Je me souviens de la joie des supporters. La semaine suivant un derby gagné, ils étaient fiers et contents. Ça se voyait que les gens étaient heureux. Un but ? J'en ai marqué un contre Nice à Furiani, oui. Sur une action avec Youssouf Hadji (2-0, 2005). Toujours satisfaisant dans un tel match. Des buts dont les gens se souviennent. C'était une motivation de plus."

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Plus de détails
Publicité
Publicité