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Coupe du monde 2034 : l'Arabie Saoudite à l'horizon

Philippe Auclair

Mis à jour 10/10/2023 à 10:56 GMT+2

En attribuant un match de poule chacun au Paraguay, à l'Argentine et à l'Uruguay pour la Coupe du monde 2030, la FIFA a pris soin d'écarter la CONMEBOL pour l'organisation du Mondial 2034. La FIFA a ainsi fait en sorte qu'aucun obstacle ne se dresse sur la voie royale qui mène à la Coupe du monde 2034 en Arabie Saoudite. Philippe Auclair nous décrypte tout cela.

L'Arabie Saoudite, tirée au sort lors des championnats d'Asie, organisera-t-elle la Coupe du monde 2034 ?

Crédit: Imago

Il est peu probable que les noms de Kanya Leomany, Razvan Burleanu, Pedro Chaluja ou Datuk Haji Hamidin Bin Haji Mohd Amin vous disent quoi que ce soit. Ces personnes font pourtant partie du comité qui, ce 4 octobre, a décidé qu'une seule candidature serait retenue pour l'organisation de la Coupe du Monde de 2030 : celle de l'Espagne, du Portugal et du Maroc. Ce comité est le "Conseil de la FIFA", l'ancien Comité Exécutif de Sepp Blatter revu et corrigé par Gianni Infantino après son élection à la présidence de l'instance de Zurich en 2016.
Comme il faut bien respecter les règles du jeu dans la forme si ce n'est dans l'esprit, il appartiendra au prochain Congrès de la FIFA , en 2024, de ratifier la décision (prise à l'unanimité, cela va sans dire) par le conseil des ministres d'Infantino. Les 211 associations-membres de l'instance ne devraient pas tergiverser trop longtemps, vu qu'il n'y aura qu'une case à cocher, ce qui devient une habitude du côté de la FIFA, dont le président a déjà été réélu deux fois par acclamations en l'absence de toute opposition déclarée.
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Le drapeau de l'Arabie Saoudite lors de la Coupe du monde 2022.

Crédit: Getty Images

La CONMEBOL écartée avec malice pour 2034….

Voilà pour 2030; mais voilà aussi pour 2034. Ce même Conseil de la FIFA , en offrant un match de poule chacun au Paraguay, à l'Argentine et à l'Uruguay (*), ne faisait pas qu'attribuer un lot de consolation aux Sud-Américains et fêter les 100 ans qui se seront alors écoulés depuis que le Français Lucien Laurent avait inscrit le premier but d'une Coupe du monde, à Montevideo. Ce geste symbolique avait aussi l'avantage d'écarter la confédération à laquelle appartiennent ces trois pays, la CONMEBOL, d'une éventuelle candidature à l'organisation du tournoi de 2034. Ainsi l'exige le principe de rotation continentale adopté de longue date par la FIFA.
La CONCACAF se chargeant de la compétition en 2026, et l'UEFA et la CAF ne pouvant pas organiser deux Mondiaux d'affilée, cela signifie - comme le communiqué de la FIFA prit bien soin de le préciser en toutes lettres - que seules l'OFC (Océanie) et l'AFC (Asie) pourraient se mettre sur les rangs pour espérer accueillir la Coupe du monde de 2034. Les associations-membres tentées de faire acte de candidature se voyaient donner...vingt-cinq jours pour ce faire.
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Gianni Infantino

Crédit: Getty Images

L'Arabie Saoudite n'a pas attendu longtemps pour se placer

L'opération n'était pas cousue de fil blanc, mais de corde d'amarrage. C'était ouvrir grand la barrière derrière laquelle l'Arabie Saoudite campait depuis longtemps. De fait, les Saoudiens se portèrent immédiatement candidats, et ses troupes d'appoint ne perdirent pas une seconde pour apporter leur soutien. Ce fut d'abord le président de la fédération djiboutienne Suleiman Waberi, l'un des appuis les plus fidèles de Gianni Infantino en Afrique. Le Qatar, le Koweit et Bahrein emboîtèrent aussitôt le pas. Puis vinrent le Pakistan, le Nigéria, la Syrie, le Bangladesh, les Maldives - même Panama!
Il a déjà été expliqué ici comment l'Arabie saoudite avait lancé depuis deux ans une offensive diplomatique sans précédent auprès de fédérations et de confédérations prêtes à écouter ses arguments, en signant plus de quarante protocoles d'accord de coopération bilatéraux, dont les plus significatifs ont été conclus avec les confédérations africaine et océanienne, lesquelles pèsent soixante-cinq voix au Congrès de la FIFA à elles deux. Le procédé n'est pas nouveau; mais il n'a jamais été exploité avec autant de vigueur et de suite dans les idées, ou plutôt d'une idée fixe, qui est d'installer l'Arabie Saoudite au premier rang des nations du football.
C'est le pendant diplomatique de la transformation à coup de centaines de millions du championnat saoudien en une compétition qui entend asseoir sa domination sur le football asiatique, puis intercontinental. Elle le fera par le biais d'une Coupe du monde des Clubs de la FIFA élargie à trente-deux clubs, dont quatre venus d'Asie, dès 2025. C'est le voeu de Gianni Infantino. C'est aussi le voeu des Saoudiens. Et ce n'est pas la première ou la dernière fois que les voeux - et les intérêts - de l'un seront alignés sur les voeux de l'autre, et vice-versa.
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Les fans de l'Arabie Saoudite lors de la Coupe du monde 2022 au Qatar.

Crédit: Imago

L'Australie limitée par le temps imparti

L'Arabie saoudite n'a rien fait d'autre qu'adapter le modus operandi de Joao Havelange et de Sepp Blatter, à qui il n'avait pas échappé que la voix d'un Lesotho compte autant que celle de l'Angleterre quand on dépouille les bulletins de vote. Elle s'est donc tournée vers des nations ou des confédérations pour qui tout appui financier est un don du ciel, de Guam à la CAF. Pas besoin de glisser une enveloppe bourrée de dollars sous une porte de chambre d'hôtel quand on peut construire un stade au grand jour (comme à Maurice), inviter des sélections de jeunes à participer à des stages à Djedda (comme le Malawi) ou assurer la formation d'arbitres à titre gracieux (comme ceux du Libéria).
L'opposition rencontrée par cette stratégie conjointement mise en oeuvre par Gianni Infantino et le très habile Yasser Al Misehal, protégé de Mohammed ben Salmane et président de la fédération saoudienne depuis 2019, a été quasi inexistante. Elle n'est certainement pas venue de la France, dont le nouveau président Philippe Diallo a récemment paraphé l'un de ces fameux "protocoles d'accord" avec son alter ego saoudien. Elle n'est pas venue non plus de Kanya Leomany, Razvan Burleanu, Pedro Chaluja ou Datuk Haji Hamidin Bin Haji Mohd Amin, payés 245 000 euros nets d'impôt pour prendre part à deux réunions du Conseil de la FIFA par an. Le silence est bien d'or, parfois.

Le souvenir de 2010…

Certes, on évoque une possible candidature australienne pour 2034, peut-être en conjonction avec la Nouvelle-Zélande, son alliée pour le Mondial féminin de 2023, et l'Indonésie. Le temps imparti pour se préparer à cette candidature est cependant si bref qu'on voit mal les Australiens se lancer dans l'aventure, quand il est évident que les Saoudiens ont le soutien d'infantino et savaient d'avance, eux, ce que réservait cette journée du 4 octobre 2023 quand, sans procéder à quelque consultation publique ou quelque vote que ce soit, la FIFA leur a ouvert en grand les portes de 2034.
En 2010, Sepp Blatter avait eu son 2 décembre, une journée qui restera à jamais celle de la honte pour la FIFA, quand, contre le souhait de son président, le Comité Exécutif choisit d'attribuer le Mondial de 2022 au Qatar. Cinq ans plus tard, Blatter payait le prix de ce choix. Cette fois-ci, c'est en se pliant aux ordres de son chef que le Conseil de la FIFA, au terme d'un processus encore plus opaque que celui de 2010, a fait en sorte qu'aucun obstacle ne se dresse sur la voie royale qui mène l'Arabie Saoudite à 2034. Le 4 octobre sera-t-il un jour le 2 décembre d'Infantino ?
(*) Mais pas au Chili, qui faisait pourtant partie du quatuor sud-américain en lice pour l'accueil du Mondial de 2030, ce qui a prodigieusement énervé le président de la république chilienne Gabriel Boric.
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