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Coupe du monde - L'Italie, au nom des filles : "On ne me regarde plus comme une martienne"

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 23/07/2023 à 22:31 GMT+2

Quatre ans après un quart de finale surprise en France, la Nazionale entame son Mondial face à l'Argentine, ce lundi (8h), avec l'ambition de faire aussi bien qu'en 2019, où une grande partie de l'Italie s'était prise au jeu de supporter les "Azzurre". Depuis, le football féminin n'a cessé de grandir dans la Botte, où les grands clubs n'hésitent plus à investir dans cette catégorie.

Valentina Giacinti, l'une des stars de la Nazionale

Crédit: Getty Images

Ce serait presque une nouveauté. Absente depuis presque une décennie du panorama mondial, la Nazionale va pouvoir enfin disputer une Coupe du monde de football. Pas celle des garçons, évidemment, incapables d'être au rendez-vous en Russie (2018) puis au Qatar (2022). Mais bien celle des filles, puisque les "Azzurre", après s'être arrêtées en quarts de finale lors du dernier Mondial en France (2019), vont tenter de réaliser un aussi beau parcours dans cette édition co-organisée par l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela commencera par un rendez-vous face à l'Argentine ce lundi, avant d'affronter la Suède et l'Afrique du Sud. Avec l'espoir d'être au rendez-vous de la phase finale, et susciter le même engouement qu'il y a quatre ans.
A l'époque, et selon des données transmises par la Fédération italienne de football (FIGC), 24,41 millions de personnes avaient suivi les aventures des joueuses de Milena Bertolini devant leur téléviseur. Soit une moyenne de 4,88 millions par match. Après la compétition, 34% des Italiens déclaraient être intéressés par le football féminin, un pourcentage qui passait même à 45,1% chez les amateurs du Calcio. Côté presse, plus de 1000 articles avaient été publiés entre le 1er juin et 10 juillet, preuve de l'intérêt croissant pour le football féminin.
Enfin, sur les réseaux sociaux, le hashtag "‘#RagazzeMondiali", dédiée à la Nazionale, avait été envoyé en tendance avec pas moins de 150.000 mentions. "Nous comptons maintenant 191.982 nouveaux followers sur nos différentes plateformes (...) Les 100 vidéos publiées sur Youtube ont atteint un total de 3 millions de visualisations (...) Nos joueuses ont fait tomber amoureux un pays tout entier", peut-on lire dans le communiqué de l'époque. En Italie, il y a eu avant et un après Mondial-2019.

Les grands clubs investissent

Révélation du tournoi en France, l'équipe féminine italienne avait même reçu le prix Invictus, décerné par l'Association de la presse étrangère en Italie. On y saluait alors "les pas de géants" réalisés en faveur de la pratique du football par les femmes dans la Péninsule. "Le football a longtemps été un monde entièrement masculin en Italie. Les choses ont changé et changent encore. C'est une mentalité difficile à faire évoluer mais ces filles ont été formidables et elles l'ont fait, déclarait alors la sélectionneuse Milena Bertolini. Après cette Coupe du monde, il y a beaucoup de petites filles qui veulent jouer. Ça a été fondamental. Il reste du travail, sur le plan institutionnel, dans les écoles." Elle ne croyait pas si bien dire.
Après le Mondial 2019, le football féminin transalpin a connu une nette augmentation de ses licenciées, passant de 24.000 fin 2016 à 31.390 en 2019-2020. Seul le Covid-19 a freiné cette croissance, estimée à + 66,5% entre 2008 et 2020. La base, un temps instable, est devenue solide, avec une augmentation de 93% de licenciées chez les jeunes de 10 à 15 ans. "La popularité de notre sport continue de s'accroître, se félicite Agata Centasso, joueuse de Venenia 1985 et grande promotrice du football féminin sur les réseaux sociaux. Le déclic, c'est le Mondial 2019 quand l'Italie est arrivée en quarts. C'était une surprise pour tous les Italiens car c'était un sport encore peu suivi. La couverture médiatique a été également très bonne de la part des médias, comme celle des réseaux sociaux. Cet ensemble a poussé plein de personnes à s'intéresser au football féminin, notamment chez les jeunes filles qui se sont mises à rêver de devenir footballeuses. Les grands clubs, eux, ont commencé à vouloir créer des sections féminines."
La Juventus a ouvert le bal en 2017, suivie par les autres clubs de Serie A dans les années suivantes (AC Milan, Inter, Roma...). Entre 2019 et 2020, les équipes en possession de la licence UEFA ont dépensé un peu moins de 10 millions d'euros pour se développer, contre 1,7 million lors des deux années précédentes. En juin 2020, la FIGC annonçait qu'elle allait doter son Championnat de première division féminine d'un statut professionnel à partir de la saison 2022-2023. Un élément capital pour la suite.

Un plan de développement déclenché en 2015

"C'était un passage fondamental pour notre mouvement, poursuit la joueuse de 33 ans. Des meilleurs contrats, des protections sociales... De plus, cela a confirmé que nous étions en plein essor, et que l'envie de la Fédération était celle de rattraper le retard accumulé sur d'autres pays, même s'il demeure encore conséquent." "Aujourd'hui, 8 des 10 équipes de Serie A proviennent directement des clubs masculins, confiait récemment Marta Carissimi, responsable du secteur féminin au Genoa, au site Il Bollettino. Le niveau a augmenté, la compétitivité aussi. Il y a plus d'intérêt de la part des sponsors et des médias." Une source de la FIGC nous confirme que l'investissement des principaux clubs italiens a permis de "mettre la lumière" sur ce mouvement, et d'en stimuler ainsi "l'attention sociale, médiatique et économique". "C'est devenu un véritable enjeu", conclut cette même source.
La Coupe du monde, elle, sera diffusée par la Rai, principal groupe audiovisuel public italien. Si les horaires ne vont pas aider, l'espoir que les audiences soient au rendez-vous. "De notre côté, nous allons bien évidemment couvrir l'évènement", nous confirme Francesco Pietrella, journaliste à La Gazzetta dello Sport, toutefois conscient que le mercato, vrai sport national dans la Péninsule, risque d'éclipser la compétition. Seul un beau parcours de la Nazionale pourrait probablement changer la donne.
En parallèle, la Fédération italienne poursuit son plan de développement déclenché en 2015, qui prévoit notamment la création de plusieurs pôles pour les jeunes filles au sein des équipes masculines, la possibilité pour les clubs d'acquérir la licence d'un club amateur, et l'apparition des sélections féminines U16 et U23, qui se sont rajoutées aux U17 et U19 déjà existantes. Autre signe encourageant : Maria Sole Ferrieri Caputi est devenue, la saison dernière, la première arbitre femme à arbitre un match de l'élite masculine (Sassuolo-Salernitana). Au total, la catégorie arbitrale en comptabilise un peu plus de 1800, un record européen selon Il Bollettino, qui parle également de 370 entraîneuses au niveau national, dont six possèdent le diplôme UEFA Pro.
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Maria Sole Ferrieri Caputi

Crédit: Getty Images

"J'ai envie de dire qu'il était temps de voir une femme arbitrer en Serie A, se félicite Agata Centasso. J'étais très contente, même si cela me semble plus que normal en 2023. Ce qui est certain, c'est qu'il s'agissait d'un nouveau signal positif. Je me souviens que quand j'étais petite et que je disais je jouais au football, on me regardait comme une martienne, mais plus maintenant (rires). C'est devenu une normalité, mais certaines mentalités ont encore du mal à changer. Certains commentaires reçus sur les réseaux sociaux n'ont fait que me le confirmer... Mais je continue à m'engager pour notre mouvement, le combat continue. Des diffuseurs comme Sky, Rai ou La7 permettent aux tifosi de suivre les matches, souvent en clair. Les réseaux sociaux sont un élément clé pour nous donner de la visibilité, surtout avec le Mondial qui s'apprête à commencer pour l'Italie. Je ne veux pas mettre la pression à la Nazionale, j'espère juste qu'elles iront le plus loin possible... Pour nous, ce serait une nouvelle pierre de mise à l'édifice."
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