Histoires de tirage

Lorsque l'équipe de France obtient sa qualification pour la Coupe du monde 1978, elle n'a plus aucune référence internationale après avoir été absente des phases finales du Mondial comme celles de l'Euro depuis 1966. C'est donc dans le troisième chapeau que les Bleus se retrouvent à l'heure du tirage. Celui-ci sera terrible avec deux favoris pour le titre: l'Argentine, pays organisateur (la France avait déjà dû se coltiner le pays hôte en 66 en Angleterre), et l'Italie. La Hongrie complète ce tableau peu engageant. En 12 participations, jamais la France n'aura eu affaire à un groupe aussi relevé au premier tour. Elle n'y survivra pas, s'inclinant sur le même score face à l'Albiceleste et la Squadra (2-1), sans avoir démérité.

Pour la deuxième participation consécutive de la génération Hidalgo-Platini, le tirage au sort se montre un tout petit peu plus clément pour les Tricolores. Placés dans le groupe D, les Bleus se retrouvent dans une poule où la hiérarchie parait presque évidente. Les faits le confirmeront d'ailleurs. Au-dessus du lot, il y a l'Angleterre. Le XI de sa Majesté est alors nettement plus réputé que celui frappé du coq au plus haut niveau. Les Anglais, dominateurs sur le front des compétitions de clubs, font partie des favoris pour le titre. La première place leur semble promise. Ils l'obtiendront. A l'autre bout de l'échelle, le Koweit n'a pas les qualités ni l'expérience pour rivaliser. La deuxième place qualificative pour le deuxième tour de poules semble donc se jouer entre la Tchécoslovaquie, vainqueur de l'Euro 1976 et troisième en 1980 et la France. Ce sera le cas, lors d'un dernier match tendu à l'extrême. Expérimentés mais en fin de cycle, les Tchèques n'obtiendront qu'un nul insuffisant et buteront sur la volonté française d'aller voir plus haut. Beaucoup plus haut.

En quatre ans, l'équipe de France a complètement changé de statut. Arrivée sur la pointe des pieds en Espagne, elle débarque au Mexique avec une pancarte dans le dos. Demi-finaliste de l'édition précédente, et sacrée championne d'Europe en 1984, elle aborde la compétition avec l'ambition d'aller au bout pour consacrer toute une génération. Désormais installés parmi les têtes de série, les Bleus d'Henri Michel évitent les gros. Ils héritent du Canada, petit poucet de ce groupe, et surtout de deux équipes de l'Europe de l'Est, l'U.R.S.S. et la Hongrie. La première fait peur à tout le monde avec son ossature du Dynamo Kiev (Blokhine, Belanov, Mikailichenko) et celui qui est alors considéré comme le meilleur gardien du monde, Rinat Dassaev (Spartak Moscou). Moins impressionnante que l'ogre soviétique, la Hongrie est tout de même perçue comme un outsider dangereux après une campagne de qualifications remarquable. Les Magyars ont été les premiers à obtenir leur billet pour le Mexique. Mais ils ne feront pas le poids, laissant l'U.R.S.S et la France survoler ce groupe C.

Retrouvant la Coupe du monde après 12 années d'éclipse, l'équipe de France doit son rang de tête de série à son statut de pays organisateur. Sans doute le tirage le plus clément de l'histoire récente pour les Bleus, qui allaient hériter de deux équipes faibles (Afrique du Sud et Arabie Saoudite), ouvrant grand les portes de la qualification. Seul le Danemark semble alors en mesure de poser problème pour la première place. Mais outre ce tirage, la France bénéficiera également d'un calendrier favorable, affrontant d'abord les Sud-Africains et les Saoudiens, avant de jouer les Danois alors que la qualification était déjà acquise. Un sort clément, qui a permis aux Français d'entrer en douceur dans leur Mondial, et de se mettre en confiance. A l'époque, ce n'était pas du luxe...

Les Bleus sont à nouveau qualifiés d'office, cette fois en tant que tenants du titre. Ils seront d'ailleurs les derniers dans ce cas. Comme en 1998, ils sont également têtes de série. Et comme en 98, ils retrouvent le Danemark en guise d'adversaire européen. Mais derrière, le groupe apparait nettement plus dense, l'Uruguay et le Sénégal étant des adversaires beaucoup plus coriaces que l'Afrique du Sud et l'Arabie Saoudite quatre ans plus tôt. Néanmoins, comparée à l'Argentine, qui hérite de l'Angleterre, de la Suède et du Nigéria, la France ne s'en sort pas si mal. D'ailleurs, il faut bien l'admettre, personne ne songe alors que la France terminera à la 4e et dernière place de son groupe.

Un parfum d'exotisme et d'inédit. Quand le sort désigne la Suisse, le Togo et la Corée du Sud comme adversaires au premier tour en Allemagne, l'équipe de France n'a encore jamais affronté aucun de ces trois pays en phase finale de Coupe du monde. Un petit évènement, puisque c'est la première fois depuis l'édition 1954 que les Bleus croisent trois nouvelles équipes. Rarement les Tricolores auront affronté des rivaux aussi inexpérimentés à ce niveau. La Suisse n'a disputé qu'une seule des neuf dernières phases finales, alors que les Togolais découvrent le Mondial. Seuls les Sud-Coréens, dont c'est la 6e participation consécutive, avec une demi-finale en point d'orgue en 2002, possèdent une expérience récente en Coupe du monde. Globalement, ce tirage est accueilli comme relativement clément. Les Bleus devront pourtant ramer pour s'en sortir.