Après avoir fait le bonheur de Lille, Enyeama compte bien faire le malheur des Bleus

A Lille, il est surnommé Eddie Murphy. Mais Vincent Enyeama n'est pas là pour amuser la galerie. La Ligue 1 le savait déjà. Le gardien lillois n'a pas réussi à garder sa cage inviolée lors de 21 des 38 matches de championnat par hasard. Une performance unique cette saison dans les grands championnats européens. Le monde commence aussi à la découvrir. Le portier du Nigeria a joué un rôle important dans la qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde. Il se dresse désormais sur la route de l'équipe de France. Avec la ferme intention de jouer un mauvais tour à ces Français qu'il connaît si bien.

Enyeama aborde ce rendez-vous avec beaucoup d'ambition. Son objectif au Brésil avec les Super Eagles, c'est d'atteindre les demi-finales. Ce qui veut dire battre les Bleus en huitième de finale de finale lundi à Brasilia. "Nous sommes complètement concentrés et bien déterminés à ce que toute l'Afrique soit fière de nous, a-t-il lancé dans un entretien sur le site de la Fifa. Le Ghana a failli atteindre les demi-finales il y a quatre ans. Nous allons faire mieux et être la première équipe africaine demi-finaliste d'une Coupe du monde".

Le dernier rempart nigérian, 31 ans, 94 sélections, joue sa troisième Coupe du monde après celles de 2002 et 2010. Et les Bleus qui jouent en France, comme Matuidi et Valbuena, pourront dire aux autres qu'il vient de boucler une fantastique saison avec le Losc, qui a terminé avec la deuxième meilleure défense de Ligue 1. Fin 2013, Enyeama est même resté 1062 minutes consécutives sans prendre de but, soit plus de 11 matches. S'il n'a pas battu le record d'invincibilité de 1176 minutes détenu par l'ancien Bordelais Gaëtan Huard, il a en revanche marqué les esprits. Et son club s'était empressé de prolonger de deux ans son contrat qui devait au départ expirer en juin 2015.

Loué pour son professionnalisme mais surtout pour sa perpétuelle bonne humeur et sa joie de vivre, le portier a été surnommé "Eddie", en hommage à l'acteur américain Eddie Murphy, par ses équipiers du vestiaire lillois. "Il a tellement rayonné sur notre jeu et dans le vestiaire que maintenant on l'appelle Eddie, comme Eddie Murphy, a expliqué son entraîneur René Girard. Il sourit tout le temps, avec ses petites lunettes il est toujours classe. Il a pris ça avec beaucoup d'humour et de légèreté." Nommé pour le prix de meilleur gardien de L1, finalement attribué à l'Italien Salvatore Sirigu (PSG), Enyeama a néanmoins décroché le prix Marc-Vivien Foé, récompensant le meilleur joueur africain du Championnat de France. Une première pour un gardien.

Le Nigeria, qui restait sur deux Mondiaux ratés (un nul et deux défaites en 2002, même bilan en 2010), est devenu la première équipe africaine à aller pour la troisième fois en huitième de finale d'un Mondial (après 1994 et 1998). Et Enyeama y est pour beaucoup. Face à l'Argentine, il a même commis un crime de lèse-majesté en détournant du bout des gants un coup franc de Messi qui semblait aller tout droit dans sa lucarne. Le quadruple Ballon d'Or a tout de même fini par se venger, mettant sa balle quasiment au même endroit quelques minutes plus tard, le gardien lillois ayant été trahi cette fois par ses appuis. Le Nigeria a été battu (3-2) par l'Argentine, mais la qualification en huitième de finale était au bout.

Enyeama force l'admiration et le respect. "C'est un très grand gardien, il est dans le Top 3 des gardiens africains, estime Boubacar "Copa" Barry, le portier de la Côte d'Ivoire. Sa force c'est d'être simple, modeste et travailleur. Et il est très croyant, sa foi l'aide aussi. C'est un atout pour sa sélection et j'espère qu'il ira loin au Mondial. S'il peut porter haut les couleurs de l'Afrique, tant mieux." Ce huitième de finale, contre la France, est l'occasion rêvée pour ça. Le gardien lillois y pensait depuis longtemps, rêvant de croiser son coéquipier lillois Rio Mavuba. Et de s'offrir, bien sûr, une place en quarts de finale.