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Coupe du monde 2014 : L’Argentine ne séduit pas ? Tant pis, elle est enfin fidèle à elle-même

Alexandre Juillard

Mis à jour 10/07/2014 à 14:01 GMT+2

L'Argentine ne séduit pas au Brésil. Qu'importe, la sélection albiceleste met enfin le bleu de chauffe. Comme à ses plus belles heures, elle gagne à sa manière, illustrant parfaitement l’ADN du football argentin. Le quart de finale contre la Belgique en a été le parfait exemple, la demi-finale a confirmé la tendance.

Les Argentins, heureux, après leur qualification en quarts de finale

Crédit: Panoramic

A lire, et à écouter les médias français, l’Argentine aurait presque dû s’excuser d’avoir battu la Belgique en quart de finale. "Ennuyeuse", "sans idée", "truqueuse", la liste des adjectifs est longue (et jamais positive) pour qualifier la performance face aux Belges de l’Albiceleste, qui n'a pas non plus séduit en demi-finale face aux Pays-Bas (0-0, 4-2, t.a.b.). Mais de l’autre côté de l’Atlantique, ce parcours (et notamment ce succès contre les Diables Rouges) est un motif de fierté. D’abord parce que vingt-quatre ans après, l’Albiceleste va jouer une nouvelle finale de Coupe du monde. Et ça suffit pour que toute une nation se prenne à rêver. Ensuite, les Argentins ont apprécié le contenu du match, parce que les hommes de Sabella ont enfin été solides, solidaires et qu’ensemble, ils ont joué comme une équipe, une vraie. Leurs matches ont été loin d’être parfaits, c’est vrai, mais l’Argentine ressemble enfin à l’Argentine.
Le pouvoir offensif de cette sélection est un trompe-l’œil. Un arbre qui cache la forêt. Sur le papier, c’est vrai que le quatuor offensif (Messi, Aguero, Di Maria et Higuain) n’a pas d’équivalent. Mais dans l’histoire du football argentin, la selección n’a jamais gagné un Mondial en proposant un jeu léché et séduisant. En 1986, sans les coups de génie de Maradona contre l’Angleterre et la Belgique, l’Argentine n’aurait certainement pas remporté le second trophée de son histoire. Certains sélectionneurs ont essayé de donner la part belle à l’attaque. Mais tous ont fini par échouer dans cette entreprise. En 2002, l’Argentine de Marcelo Bielsa, très offensive, avait développé un jeu extraordinaire lors des éliminatoires. Résultat : élimination au premier tour. En 2006, la sélection de José Pekerman avait été séduisante lors du premier tour. Résultat : élimination aux tirs au but contre l’Allemagne en quart de finale. En 2010, Diego Maradona avait joué le tout pour l’attaque. Résultat : une défaite dans les grandes largeurs contre l’Allemagne (encore) en quart de finale (4-0). Dans tous les sports, les Argentins deviennent très durs à manœuvrer lorsqu’ils mettent le bleu de chauffe.
J’en ai plus que marre de manger de la m...
En rugby, les Pumas ont brillé lors de la Coupe du monde 2007 parce qu’ils étaient seuls contre tous (même contre leurs dirigeants), qu’ils ne faisaient qu’un derrière leur charismatique capitaine Agustin Pichot. A chaque match, ils proposaient à leurs adversaires un combat intense qu’ils ont souvent fini par gagner (troisième de la compétition). L’équipe était avant tout un condensé d’expérience, de force et de malice avec cette petite dose de talent (Juan Martin Hernandez, Nani Corletto) lorsqu’ils en avaient besoin. En basket, l’exceptionnel Manu Ginobili a longtemps eu autour de lui une équipe de guerriers prêts à tout pour faire briller leur leader. En rugby, en basket, comme en football, c’est donc la force collective qui a toujours été l’une des forces principales du sport argentin.
Contre la Belgique, la Selección a enfin sorti ce match référence qu’elle attendait tant. Cet exceptionnel état d’esprit, elle l’a retrouvé grâce à Javier Mascherano et Lionel Messi. Dans les vestiaires, quelques minutes avant le coup d’envoi, le premier, également joueur de Barcelone, a harangué ses troupes comme jamais selon La Nación (quotidien sportif argentin) : "Les gars, je vous le dis comme je le pense, mais j’en ai plus que marre de manger de la merde, et maintenant, je veux donner de la joie à ceux qui nous aiment à tous ceux qui nous supportent. Alors aujourd’hui, on va jouer le match de notre vie." Derrière lui, le silencieux Messi en a ajouté une couche en hurlant un "vamos carajo" à la face de ses camarades de jeu. Les onze hommes sont donc entrés sur le terrain remontés comme des coucous. Et dès les premières minutes, les spectateurs l’ont bien senti. Le premier et seul but des Argentins résume à lui seul cet état d’esprit : pressing collectif amorcé par Mascherano, récupération de balle de Messi, transmission rapide vers l’avant et but d’anthologie d’Higuain. Ce but est donc le résultat d’un travail collectif ou même Messi se bat à la récupération. Un symbole qui a eu le don de motiver un peu plus ses partenaires.
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Javier Mascherano et Martin Demichelis soulagés après la qualification de l'Argentine

Crédit: Panoramic

Ensuite, l’Argentine a joué son jeu, celui qu’elle apprécie tant. Lorsqu’elle a le ballon, son jeu est fait de passes courtes, le rythme est lent, et ça ressemble plus à une passe à dix qu’à autre chose. Certains s’en offusquent, mais les Argentins ont toujours joué comme ça. C’est pour mieux endormir leur adversaire. Et lorsqu’après avoir fait travailler le bloc adverse, Messi ou Di Maria sentent qu’il y a une faille, ils accélèrent tout d’un coup. Et là, le danger est imminent.

Expérience et roublardise

Lorsqu’elle défend, cette sélection est impitoyable dans les duels. Car les Biglia (excellent contre la Belgique), Mascherano, Zabaleta, Demichelis, Garay ou Basanta, adorent le un-contre-un. A l’image de Mascherano, ils aiment venir se frotter à leur adversaire direct. Si, en plus, vous y ajoutez une petite dose d’expérience (pour ne pas dire de roublardise), ils deviennent très difficiles à jouer. La Belgique est tombée dans le panneau, dans ce piège concocté par Sabella et ses hommes. Ils ont été trop naïfs, pas assez patients pour faire douter l’Argentine. Et au fil des minutes, la fin approchant, les Argentins ont alors pu démontrer à quel point ils savaient protéger et conserver le ballon.
Ce match a lancé la Coupe du monde de la bande à Messi. Désormais, ils se sentent forts, unis et dans leur élément. C’est comme si, en 90 minutes, ils s’étaient persuadés que pour rêver à une victoire finale, ils devaient revenir à leurs fondamentaux. Ils peuvent compter, en plus, sur leurs supporters, qui jouent parfaitement leur rôle de douzième homme. "L’Argentine a enfin gagné, comme elle a toujours gagné, a écrit le fameux écrivain argentin Martin Caparros dans sa chronique d’El Pais avant les demi-finales, où les Argentins ont encore été plus solides que séduisants. Elle a été solide, sérieuse et sans prétention. Certains diront sans magie, sans art, peut-être, mais elle s’en est sortie au métier et avec une idée claire de celle qui ne veut pas forcément plaire mais qui veut gagner. Gagner. Gagner." Vivement dimanche, pour la prochaine bataille.
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Vincent Kompany à la lutte avec Lionel Messi

Crédit: Imago

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